Chroniques rebelles
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Samedi 29 octobre 2016
Autour d’Armand Robin. En direct du festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier CINEMED
Article mis en ligne le 30 octobre 2016
dernière modification le 17 novembre 2016

par CP

Autour d’Armand Robin en compagnie de Nicolas Mourer

Avec un texte de Christian Gury, dont 22 lettres inédites, publié aux éditions Non lieu :

Armand Robin et Anne Caprile
Une amitié d’artistes

Cette émission autour d’Armand Robin est née du croisement d’un texte inspiré de ses écrits, de la découverte ou redécouverte du poète anarchiste, d’une comédienne, Anne Caprile, qui lisait ses textes à la radio, et de lettres retrouvées… C’est finalement une somme de hasards qui nous a donné l’envie de transcrire, à la manière d’une rencontre, un regard sur l’univers du poète libertaire, sur l’amitié entre des artistes, et des lettres parfois bouleversantes… La vie et plus.

En seconde partie de l’émission, Nicolas Mourer interprète en direct pour les Chroniques rebelles le monologue, Je viens de la solitude, qu’il a monté avec Monique Surel-Tupin, à partir de textes écrits par Armand Robin et par d’autres. Mais pour bousculer un peu l’ordre chronologique, nous commencerons avec un poème qui se situe en conclusion de Je viens de la solitude, un hommage rendu à Armand Robin, sans doute après sa mort.

Armand Robin (1912 -1961) a traduit du persan des poésies d’Omar Khayam ; il a aussi traduit des poètes anglais, allemands, italiens, russes, polonais et hongrois. Il a écrit ses propres poèmes, a été journaliste et homme de radio et il fut, après la Seconde Guerre mondiale, membre de la Fédération anarchiste.

Armand Robin avait rencontré Anne Caprile au début des années 1950 dans le cadre de l’émission Poésie sans passeport, où elle lisait ses traductions. Anne Caprile était comédienne. Au théâtre d’abord, ayant appartenu à la première troupe du TNP de Jean Vilar. Au cinéma, ayant tourné avec Delannoy puis Rossellini. À la télévision, ayant joué dans plusieurs films de « La caméra explore le temps » de Stellio Lorenzi.

Les courriers que présente Christian Gury dans ce livre apportent des éléments à la connaissance du poète libertaire.

CINEMED. Cinéma sans frontières…

Le Festival international du cinéma méditerranéen (Cinemed) peut se targuer de surprendre, d’entraîner le public chaque année dans une multitude de visions à la fois libres, particulières et radicales… Pendant neuf jours, c’est toute la richesse et la diversité de la création cinématographique méditerranéenne qui est sur les écrans, avec également des retours flamboyants sur les filmographies de cinéastes mythiques ou parfois méconnu.es. Il n’est pour s’en convaincre que de citer les noms de cinéastes tels que Elio Petri, Vicente Aranda, Martin Basil Patino, Pietro Germi, Carlos Saura, Youssef Chahine et Marianne Khoury, parmi bien d’autres, qui ont fait l’objet de rétrospectives lors de précédents festivals.

la Muerte de Mikel

Lejos del Mar de Imanol Uribe

Cette année Imanol Uribe, cinéaste basque né au Salvador, a présenté neuf de ses films dont le triptyque politique, la Muerte de Mikel (1984), Dias contados (1994) et Lejos del Mar (2015). Hommage a été également rendu au grand cinéma italien avec une palette des films de Mauro Bolognini, notamment ceux de la période où il a travaillé avec Pasolini en tant que scénariste, ce qui a permis de revoir ou de découvrir les Jeunes maris (1958), les Garçons (1959) et le Bel Antonio (1960).

le Bel Antonio de Mauro Bolognini

Le 38ème festival du cinéma méditerranéen, qui s’achève aujourd’hui, est resté fidèle aux choix de diversité et de découverte. L’accent est mis sur l’ouverture des écrans à des films qui, sans le travail d’équipe du festival, demeureraient pour certains non accessibles au public. La distribution semble en effet parfois peu encline à prendre des risques pour des créations cinématographiques originales et des cinéastes qui donnent à voir des réalités à plusieurs niveaux, à contre-courant, des pays méditerranéens, de la mer noire, du Portugal et de l’Arménie.

Quelques coups de cœur.
Encore une fois, les films algériens ont réservé de bien belles surprises, Kindil, moyen métrage troublant de Damien Ounouri qui traite à la fois du contexte social, du fantastique et de l’imaginaire populaire. L’Étoile d’Alger de Rachid Benhadj, situé au début des années 1990 sur l’itinéraire d’un jeune artiste poussé au désespoir, a un écho étonnamment actuel et universel. Quant au Jardin d’essai de Dania Reymond, il saisit le prétexte du tournage d’un conte philosophique, avec casting, répétitions, etc. pour aborder les préoccupations des jeunes en Algérie, la fuite, le départ, le changement.

L’Étoile d’Alger de Rachid Benhadj

Focus sur le cinéma tunisien qui se distingue par une production en expansion depuis 2011, bien entendu autour du soulèvement populaire et de ce qui a suivi, mais pas uniquement. Les problématiques sont diverses et décrivent la soif de dire de la nouvelle génération cinématographique tunisienne, malgré le manque de soutien et la place minime que les institutions de ce pays prêtent à cette expression culturelle.

Demain dès l’aube de Lotfi Achour

Un entretien de Leyla Bouzid, réalisatrice de À peine j’ouvre les yeux, a été diffusé dans les chroniques rebelles à l’occasion de la sortie de son film l’année dernière ; le film met en scène une jeunesse refusant d’être muselée. Le nombre de films tunisiens sélectionnés cette année montre à l’évidence le développement de la production. Pour preuve, le très intéressant Demain dès l’aube de Lotfi Achour, qui soulève la question fondamentale de la mémoire officielle et de la récupération de l’élan de révolte du peuple par le pouvoir. La Laine sur le dos, court métrage du même réalisateur met en scène la pratique de la corruption dont est victime la classe populaire tunisienne.

Le soulèvement de 2011 est repris et exploré dans plusieurs films, et il faut noter à ce propos la forte participation des femmes à la création cinématographique tunisienne et à sa production, Printemps tunisien de Raja Amari, C’était mieux demain de Hinde Boujemaa, ou encore le Challat de Tunis de Kaouther Ben Hania, qui a également présenté un documentaire à la fois drôle, intime et passionnant, Zaineb n’aime pas la neige, qui suit la jeune Zaineb durant six années essentielles de son adolescence et de s formation. Ce qui caractérise cette nouvelle génération tunisienne de cinéastes, de comédiens et de comédiennes, comme c’est d’ailleurs le cas en Algérie, c’est certainement le désir de montrer d’autres images de leur travail que celles, stéréotypées et attendues, dont on a souvent l’habitude sur les écrans.

Personal Affairs de Maha Haj

Autres films à signaler encore, Personal Affairs de Maha Haj, qui se déroule entre Nazareth, Ramallah et la Suède, une merveille d’humour moyen-oriental qui n’en parle pas moins des problèmes engendré par l’occupation, les relations familiales… Tempête de sable de Elite Zexer, auteure du court métrage Tasnim il y a quelques années, réalise en quelque sorte avec Tempête de sable une suite de Tasnim, puisque cette fiction traite du droit des femmes et des us et coutumes dans les tribus bédouines installées dans le Neguev.

Tempête de sable de Elite Zexer

Enfin un documentaire remarquable, Des spectres hantent l’Europe
de Maria Kourkouta et Niki Giannari. Véritable plongée dans le camp d’Idomeni, à la frontière gréco-macédonienne où s’entassent des populations réfugiées : kurdes, syriennes, afghanes… Une multitude de personnes qui, lorsque l’Europe décide de fermer les frontières, bloquent les rails traversant la frontière. Une voix off fait le lien avec la situation actuelle et la mémoire des exils, des errances et des murs dressés hier et aujourd’hui :

« Comment part une personne ? Pourquoi part elle ? Vers où ?
Avec un désir 
que rien ne peut vaincre

ni l’exil, ni l’enferment, ni la mort.
Orphelins épuisés,

ayant faim, ayant soif,
désobéissants et têtus,

séculaires et sacrés
Sont arrivés

en défaisant les nations et les bureaucraties.
Se posent ici,
 attendent et ne demandent rien,
seulement passer.

[…]
Ici, dans le parc bouclé de l’Occident,

Les sombres nations rempardent leurs champs
confondent le pourchasseur et le pourchassé.
À présent, pour une fois encore,
Tu ne peux te poser nulle part

Tu ne peux aller ni vers l’avant ni vers l’arrière.
Tu te retrouves immobilisé.

[…]
Dans ce vaste temps de l’attente,

Nous enterrons leurs morts à la va-vite,
D’autres leur éclairent un passage dans la nuit,
D’autres leur crient de s’en aller
 et crachent sur eux
et donnent des coups de pied
d’autres encore les visent et vont vite verrouiller leurs maisons.
Mais ils continuent, eux, à travers la sujétion,

Dans les rues de cette Europe nécrosée

Qui « sans cesse amoncelle ruines sur ruines »,
au moment même où les gens observent le spectacle,
depuis les cafés ou les musées, les universités ou les parlements.
Pendant que les heures passent
dans cet entre-deux plein de boue,
dans ces terribles barbelés

je comprends 
qu’ils sont déjà passés.
Apatrides, sans-foyer. Ils sont là.

Et ils nous accueillent
Généreusement
dans leur regard fugitif,
nous, les oublieux,
 les aveugles.
 »

Des spectres hantent l’Europe de Maria Kourkouta et Niki Giannari

Des spectres hantent l’Europe de Maria Kourkouta et Niki Giannari sera projeté à la Parole errante en décembre prochain. Maria et Niki seront dans les chroniques rebelles le 17 décembre.

Nous reparlerons évidemment dans les chroniques et dans le Monde Libertaire des films sélectionnés au festival, et cela grâce aux rencontres, aux débats et aux entretiens qui ont eu lieu durant le 38ème festival du cinéma méditerranéen de Montpellier. Sans oublier l’initiative du festival : les bourses d’aide au développement qui favorisent les projets de films et soutiennent l’expression de jeunes talents. Le Cinemed anticipe ainsi les prochains festivals et témoigne aussi de son indéfectible engagement pour un cinéma de la découverte… Sans frontières.