Chroniques rebelles
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Samedi 25 février 2017
Reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France. Personal Affairs, film de Maha Haj
Article mis en ligne le 26 février 2017
dernière modification le 1er mars 2017

par CP

Reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France Appel présenté par Olivier Le Cour Grandmaison et Louis-Georges Tin (président du Cran).

En seconde partie des chroniques :

Entretien avec Maha Haj réalisatrice de Personal Affairs (sur les écrans le 1er mars 2017)

Appel

Populations « indigènes » soumises au travail forcé, dispositions racistes et d’exception — codes de l’indigénat, internement administratif, responsabilité collective, etc… — imposées aux colonisés qui, dans leur écrasante majorité, n’étaient pas considérés comme des citoyens mais comme des « sujets français » jusqu’à la Libération, déportations, exécutions sommaires et massacres ; autant de pratiques qui ont été constitutives de la construction et de la défense de l’empire colonial français. Les massacres de Thiaroye au Sénégal (décembre 1944), ceux de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie, qui débutent le 8 mai 1945 et leurs dizaines de milliers de morts, en témoignent sinistrement.

Il y a soixante-dix ans, au mois de mars 1947, la guerre d’Indochine et l’insurrection malgache débutaient. Le 1er novembre 1954, un conflit long et sanglant commençait en Algérie. Entre 1945 et 1962, la France a donc été presque constamment engagée dans des opérations militaires coloniales qui se sont soldées par près d’un million de morts. N’oublions pas la guerre longtemps occultée menée au Cameroun (1955-1971) et les répressions sanglantes des militants guadeloupéens et kanaks.
Si la loi Taubira et les initiatives de la société civile ont permis un début de reconnaissance sociale et politique de l’esclavage et de la traite négrière, il n’en est pas de même pour les crimes commis avant ou après la Seconde Guerre mondiale. Cette situation est inacceptable, car elle ajoute aux massacres, l’outrage aux victimes, à leurs descendants et leurs proches.

Aussi, nous demandons aux plus hautes autorités de l’État et aux candidat.es à l’élection présidentielle qu’ils se prononcent pour la création d’un lieu du souvenir à la mémoire de celles et ceux qui furent assassinés, l’ouverture de toutes les archives relatives à ces différents événements et la reconnaissance de ces crimes de guerre et de ces crimes d’État. C’est ainsi que justice sera rendue aux héritiers de l’immigration coloniale et post-coloniale, et que les discriminations mémorielles qui les affectent toujours pourront être combattues. Enfin, de tels actes permettront à tous les Français.es de mieux connaître cette histoire singulière.

Pour signer l’appel :
http://www.mesopinions.com/petition/politique/reconnaissance-crimes-coloniaux-commis-france/27715

Entretien avec Maha Haj réalisatrice de Personal Affairs (sur les écrans le 1er mars 2017)

Personal Affairs, ou Affaires personnelles est un film dans lequel la réalisatrice traite, avec un humour à la fois corrosif et tendre, les relations d’une famille palestinienne aujourd’hui, une famille éclatée entre Nazareth, Ramallah et Stockholm.

À Nazareth vivent les parents, Nabila et Saleh, qui n’ont plus rien à se dire depuis le départ des enfants. Le père, aigri et macho, se plaint sur Skipe à son fils, Hisham, de Nabila, qui se protège derrière un mutisme résistant, fait la cuisine, tricote et regarde des feuilletons à la télé.

Hisham travaille en Suède et c’est sans doute le seul qui écoute avec patience les récriminations de son père et s’en inquiète. En fait, il vit assez mal son exil et aimerait que ses parents viennent le visiter en Suède, mais Nabila n’a aucune envie de bousculer ses habitudes et son ennui.

Samar, la fille, vit à Ramallah. Elle est mariée à Georges, candide, bonne pâte et garagiste de son état. Samar attend un bébé et est bien décidée à gérer les problèmes de la famille. La grand-mère de Georges vit avec le couple dans la maison familiale. Le temps s’est arrêté pour elle, comme sa mémoire, en 1948. Elle tente avec obstination de raconter le passé, mais personne n’a le temps d’écouter, alors elle mange des gâteaux et regarde d’anciens programmes à la télé.

Georges, après avoir rencontré une équipe de cinéma venue tourner un film à Haïfa, se voit proposer un rôle, mais ce n’est pas le cinéma qui le fait rêver, non, c’est d’avoir le permis d’entrer en Israël, de voir enfin la mer de près, pas sur un écran, et de s’y baigner.

Tarek, le plus jeune fils, habite aussi Ramallah pour échapper à la férule parentale, à l’amertume de Saleh et à l’affection débordante de Nabila. Il écrit et n’est certainement pas enclin à commencer une relation amoureuse avec Maïssa que lui a présenté Samar, bien décidée à marier son jeune frère.

Une famille classique où trois générations se croisent sur fond d’occupation, d’enfermement, d’exil et de frustrations.

La réalisatrice met en scène une suite de saynètes, des personnages justes et attachants, des dialogues percutants, drôles, des silences et des regards éloquents… Quant aux séquences d’anthologie, il en restera plusieurs dans les mémoires, c’est certain, entre celle du « passe-moi le sel » d’un couple devenu étranger, ou cette autre où Georges patauge dans les vagues sous l’œil ahuri du régisseur, et bien sûr l’incroyable scène du checkpoint lorsque Maïssa et Tarek dansent un tango langoureux et sensuel devant des gardes frontière médusés.

Les comédien.nes sont magnifiques, la grand-mère est étonnante, et ces affaires personnelles sont à coup sûr universelles, tout en étant ancrées dans une situation particulière. C’est sans doute là le talent de Maha Haj qui réussit un film original et fort sur des chroniques de la vie ordinaire.

Personal Affairs sera sur les écrans le 1er mars.

Lors d’un premier entretien, à l’occasion de la projection du film dans le cadre du festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier, où Personal Affairs a remporté le prix de la critique, Maha Haj avait souligné combien l’humour était central, tant dans son film que dans la société palestinienne. Les personnages ? Maha les revendique toutes et tous, comme elle l’explique en ce début d’entretien qui a eu lieu hier matin.

Un grand merci à Nour Hemici pour sa traduction qui ouvre l’entretien.