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Samedi 25 novembre 2017
Festival du film franco arabe de Noisy-le-Sec . La Villa de Robert Guédiguian. Marvin ou le belle éducation d’Anne Fontaine. Le Monde comme projet Manhattan. Des laboratoires du nucléaire à la guerre généralisée au vivant de Jean-Marc Royer. Edward Said, le roman de sa pensée de Dominique Eddé. Algérie 1954-1965. Un combat anticolonialiste de Daniel Guérin. Sorties DVD.
Article mis en ligne le 26 novembre 2017
dernière modification le 27 novembre 2017

par CP

Festival du film franco arabe de Noisy-le-Sec 6e édition : jusqu’au 5 décembre

Cinéma Le Trianon, Place Carnot à Romainville

Extraits d’entretien de Sofia Djama, Nabil Ayouch et Merzak Allouache.

La Villa (29 novembre 2017) Conversation avec Robert Guediguian et Ariane Ascaride

Marvin ou la belle éducation d’Anne Fontaine (22 novembre 2017)

Trois livres, l’un paraît ce mois-ci au Passager clandestin, Le Monde comme projet Manhattan. Des laboratoires du nucléaire à la guerre généralisée au vivant de Jean-Marc Royer, avec une préface d’Annie Thébaud Mony et une postface d’Anselm Jappe. Le second est paru aux éditions de la fabrique, Edward Said, le roman de sa pensée de Dominique Eddé. Enfin la réédition par les éditions Spartacus de Algérie 1954-1965. Un combat anticolonialiste de Daniel Guérin.

Sorties DVD.

6e édition du Festival du film franco arabe de Noisy-le-Sec, c’est jusqu’au 5 décembre au cinéma Le Trianon, Place Carnot à Romainville (Bus 105, 129, 318, 322). Une douzaine de jours durant lesquels sont présentés 27 films dont certains en avant-premières ou inédits, et quels films !

Wajib de Annemarie Jacir. C’est aujourd’hui. Une occasion de voir, avant sa sortie nationale, un très grand film palestinien à l’humour décapant, interprété par des comédien.nes extraordinaires, notamment Mohammad et Saleh Bakri.
Annemarie Jacir a réalisé Le Sel de la mer et When I saw you. Son nouveau film, Wajib, sera sur les écrans le 14 février 2018.

Vent du Nord de Walid Mattar, en avant-première également aujourd’hui au Trianon. Walid Mattar s’empare ici d’un sujet récurrent depuis quelque temps, les délocalisations d’entreprises pour cause de profit. Après Prendre le large de Gaël Morel qui montre la zone franche de Tanger et l’exploitation des ouvrières, un film original même s’il est moins réussi que l’impressionnant film de Pedro Pinho, l’Usine de rien, également sur les délocalisations, Vent du Nord reprend le même sujet pour traiter de la liquidation de ce qui reste de la classe ouvrière. Vent du Nord de Walid Mattar sortira le 21 mars 2018.

Les bienheureux de Sofia Djama, en avant-première le 30 novembre au Trianon, son film sort le 13 décembre prochain.

Razzia de Nabil Ayouch, en avant-première le 3 décembre au Festival du film franco arabe de Noisy-le-Sec, sort le 7 février 2018.

Enquête au paradis de Merzak Allouache est en avant-première le 3 décembre au Trianon. Le film n’est pas encore distribué.

L’Insulte de Ziad Doueiri, réalisateur de West Beyrouth, est en avant-première le 5 décembre au Trianon, et sur les écrans à partir du 24 janvier 2018.

La 6e édition du Festival du film franco arabe de Noisy-le-Sec, outre un programme impressionnant, offre également la possibilité de rencontrer des cinéastes. Parmi lesquel.les Bouchera AZZOUZ, réalisatrice de Nos mères, nos daronnes ; Férid BOUGHEDIR pour Parfum de printemps ; Sophie BOUTROS pour son film, Solitaire ; Ziad DOUEIRI ; Sherif EL BENDARY pour Ali, la chèvre et Ibrahim ; Walid MATTAR pour Vent du Nord sur le chômage et les délocalisations ; Rayhana OBERMEYER pour l’adaptation de sa pièce au cinéma, À mon âge, je me cache encore pour fumer, l’univers des femmes dans un hammam ; Tarik SALEH pour un thriller haletant, Le Caire confidentiel, dans la tradition du film noir et politique

 ; Philippe VAN LEEUW pour Une famille syrienne ; Latifa IBN ZIATEN pour le documentaire Latifa, le cœur au combat de Olivier Peyon et Cyril Brody, et encore… Amine BOUHAFA qui a composé la bande originale de La Belle et la Meute de Kaouther Ben Hania… À signaler que le documentaire de Kaouther Ben Hania, Zeineb n’aime pas la neige, est aussi programmé.

Et pour conclure ce rapide panorama du programme du Festival du film franco arabe de Noisy-le-Sec que vous pouvez retrouver sur Internet, ou en allant sur place à Romainville, voici des extraits d’entretiens avec Sofia Djama, Merzak Allouache et Nabil Ayouch.

Sofia Djama, réalisatrice d’un étonnant court métrage, Mollement un samedi matin, présente son premier long métrage, Les Bienheureux, qui a été récompensé au 39e Festival du cinéma international méditerranéen, CINEMED. Les Bienheureux est une très belle réussite du nouveau cinéma algérien et une réflexion profonde sur les femmes, la jeunesse actuelle, la société algérienne et au-delà…

Razzia de Nabil Ayouch, coécrit avec la comédienne et réalisatrice, Maryam Touzani. « Le film parle des gens en quête de liberté et du droit d’exprimer leur pensée, d’agir librement et de parler des questions qui les intéressent. En particulier, le droit des femmes à atteindre cet objectif – car je pense [souligne Nabil Ayouch] qu’il devient de plus en plus difficile pour les femmes d’être libres dans le Maroc moderne ». Dans cet extrait, il revient sur le manque de mixité sociale au Maroc et sur les influences de son enfance. Razzia de Nabil Ayouch — en avant-première le 3 décembre au Festival du film franco arabe de Noisy-le-Sec —, sort le 7 février 2018.

Merzak ALLOUACHE, réalisateur de Enquête au paradis parmi de nombreux films, dont Omar Gatlato, Bab El Web, Harragas, le Repenti, les Terrasses, nous parle dans cet extrait d’entretien, accordé au CINEMED de Montpellier, de la production cinématographique algérienne et de ses débuts avec son premier film, Omar Gatlato. Son documentaire, Enquête au paradis, est à voir absolument.
Enquête au paradis de Merzak Allouache est en avant-première le 3 décembre au Trianon.

La Villa de Robert Guediguian (29 novembre 2017)

Plus qu’un entretien, c’est plutôt une conversation qui a eu lieu durant le 39e CINEMED de Montpellier, conversation et échange avec Robert Guediguian et Ariane Ascaride, après la projection du film, La Villa.

Un vieil homme a un malaise dans sa villa située dans une calanque autour de Marseille. Aucun espoir de recouvrer son autonomie ou même de reprendre complètement conscience, il est mourant. C’est pourquoi l’un de ses fils, qui a repris le restaurant familial, convoque une réunion pour décider du partage de la villa et de la suite à donner au restaurant. Deux frères, dont un intellectuel engagé dans le passé, qui vit avec une très jeune femme, et se la joue blasée, le restaurateur, fidèle aux idées de son père, enfin la sœur, comédienne, qui n’est jamais revenue dans la villa depuis la perte d’une enfant.

Les trois se retrouvent, confronté.es à une situation qui les oblige à revivre des souvenirs douloureux ou bons, «  c’est affreux les bons souvenirs », dit l’intellectuel. C’est aussi l’heure des bilans. Qu’en est-il des engagements politiques, des utopies sociales, des rêves, des fuites ?

À l’urgence de prendre des décisions qui ne sont guère faciles, s’ajoutent les rencontres et les changements de vie pour tout le monde. C’est alors que la réalité de la misère les rattrape avec l’arrivée de jeunes migrant.es recherché.es de la police et dissimulé.es dans la pinède autour de la villa…

La Villa de Robert Guediguian a été présenté en avant-première au 39e Festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier et à la suite de la projection, nous avons parlé non seulement du film, mais également de l’histoire du cinéma méditerranéen, et plus particulièrement de l’influence cinématographique de Marcel Pagnol, figure tutélaire marseillaise, de Jean Giono, de l’importance du théâtre et de sa place privilégiée dans le film, des migrations, de la nécessité de partager et, bien entendu, de l’engagement.

De la même manière que pour Kornel Mondruczo, réalisateur de La Lune de Jupiter, l’enjeu futur du partage avec les migrant.es se révèle essentiel dans le cinéma d’aujourd’hui, c’est aussi un sujet abordé dans le film de Guédiguian. La question des migrant.es est aujourd’hui importante, tant pour l’ancienne et les nouvelles générations, afin de lutter pour une cause universelle.

Marvin ou la belle éducation de Anne Fontaine (22 novembre 2017)

Rencontre avec Anne Fontaine au Festival de Montpellier.
Marvin ou la belle éducation est un film en forme de conte. Marvin Bijou ne songe qu’à fuir son petit village des Vosges où il se sent étranger de même que dans sa famille. Sa mère n’a guère le temps de s’occuper du vécu de ses enfants qu’elle a eu comme ça, parce que ne pas avoir d’enfants, ce serait passer pour une femme frigide ou une lesbienne.

L’adolescence et l’âge adulte se répondent en écho, ou en miroir, tout au long du film pour raconter l’itinéraire de Marvin, qui, grâce à Madeleine Clément, la principale du collège, découvre le théâtre. Le théâtre lui permet de s’exprimer, de sortir du carcan des brimades, du rejet d’être un garçon « différent ». Il dira d’ailleurs : « on nous apprend à niquer nos vies ». Mais ses rencontres, son observation et sa détermination vont lui faire jouer, sur scène, l’histoire de sa vie. Marvin ou la belle éducation est l’histoire d’un dépassement et un conte…

Le Monde comme projet Manhattan Des laboratoires du nucléaire à la guerre généralisée au vivant Jean-Marc Royer (Le passager clandestin) Postface de Anselm Jappe

Août 1945, bombardements des villes d’Hiroshima et de Nagasaki, deux sites choisis sciemment pour « causer le maximum de dégâts et de pertes en vies humaines ». Cet assassinat de masse, justifié comme la seule solution de mettre fin à la Seconde Guerre mondiale, est en fait l’aboutissement inévitable du projet Manhattan. Durant quatre années et dans le plus grand secret, le projet a été préparé par des scientifiques, les industries de pointe étatsuniennes (de Monsanto à Westinghouse), l’État et l’armée.

Le Monde comme projet Manhattan. Des laboratoires du nucléaire à la guerre généralisée au vivant de Jean-Marc Royer est le récit documenté de l’histoire secrète de ce projet. L’auteur montre comment la recherche d’une « solution totale » prit le pas sur toute considération humaine. Le nucléaire constitue ainsi une transgression majeure des interdits sociaux fondamentaux sous l’égide d’une «  rationalité calculatrice ».

Or le projet Manhattan est le contemporain d’une autre entreprise de mort massive, celle mise en place à Auschwitz-Birkenau. La thèse de ce livre est que ces deux moments (Auschwitz et Hiroshima-Nagasaki) sont les « points de bascule » d’une histoire inaugurée un siècle plus tôt dans l’alliance entre la connaissance scientifique et le capitalisme industriel, qui a d’abord eu pour conséquences les premières lois eugénistes et la « grande boucherie » de 1914.

Ces «  secrets de famille » de l’Occident sont l’origine de la guerre généralisée au vivant que mène aujourd’hui la civilisation capitaliste, avec le consentement de foules subjuguées par cette mort érotisée depuis 1945 et la peur. L’auteur en appelle à l’élaboration d’une théorie critique radicale et à l’historicisation de ces points de bascule pour une prise de conscience et faire face à cette menace universelle.

Edward Said, le roman de sa pensée Dominique Eddé (la fabrique)

Lecture inédite des travaux d’Edward Said, Dominique Eddé procède par rapprochements, recoupements, associations, pointant les relations secrètes entre l’auteur et son double, ses exercices d’admiration et ses exercices critiques, le pourfendeur de l’Orientalisme et l’atmosphère orientaliste de son enfance. Elle nous donne à voir simultanément la cohérence et l’ambivalence assumée de cette pensée au style inimitable.

Dominique Eddé est l’auteure de plusieurs romans, dont Pourquoi il fait si sombre ? De Kamal Jann et d’un essai sur Jean Genet.
Dominique Eddé offre avec ce livre une lecture inédite de l’œuvre d’Edward Said dont le célèbre ouvrage, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, est un des textes essentiels des études postcoloniales.
L’auteure souligne tout l’intérêt de la pensée d’Edward Said, non seulement par son originalité, son érudition, mais aussi par une constante réflexion sur le monde et les manipulations des esprits.

Said se dit plutôt « engagé que militant », et il « n’a cessé de nourrir et de renforcer son capital intellectuel au point d’en faire un socle de référence, un cadeau pour la pensée […] inclassable en quelques mots. [Dominique Eddé ajoute :] Les guerres et les massacres à répétition de nos pays — la Palestine, le Liban — puis celles, aux conséquences effroyables, de l’Irak constituent le monde funeste au sein duquel se sont construites et/ou épuisées nos résistances ; un monde au centre duquel nous avons fait une place pour l’amour et la beauté.  »

Rigueur, courage et solitude, « l’œuvre politique de Said est historique sur le plan de la pensée et sur celui des faits : elle enregistre et archive pour les générations futures ce moment de l’histoire où l’islamisme, pas encore triomphant, est dangereusement à l’œuvre, notamment à travers le Hamas, tandis que le pouvoir israélien le soutient pour mieux affaiblir l’Autorité, tout en ravageant aveuglément, méthodiquement, les conditions de vie des Palestiniens. »

Edward Said écrit dans son recueil, Politiques de la dépossession : « La question qui se pose est de savoir combien de temps l’histoire de l’antisémitisme et de l’holocauste va-t-elle exempter Israël des arguments et des sanctions qu’appellent ses agissements envers les Palestiniens, arguments et sanctions appliquées à d’autres gouvernements répressifs, tel que celui de l’Afrique du Sud. Combien de temps encore allons-nous nier que les pleurs des gens de Gaza… sont directement connectés aux politiques du gouvernement israélien et non aux victimes du nazisme ? »

La réédition par les éditions Spartacus de Algérie 1954-1965. Un combat anticolonialiste Daniel Guérin. Avant propos de Mohammed Harbi.

«  Des textes courts écrits au fil des événements qui rappellent avec une grande clarté les conflits politiques qui ont jalonnés la guerre d’indépendance et façonné pour longtemps les régimes politiques des deux pays. »

Les sorties DVD :

Que Dios nos perdone de Rodrigo Sorogoyen.

Madrid, été 2011. Les autorités de la ville sont sous pression, à la fois en raison de la crise économique et de l’émergence du mouvement des indignés, mais cela s’accentue encore lorsqu’on annonce la visite du Pape Benoît XVI. Dans ce contexte, deux flics sont chargés d’une enquête dans la plus grande discrétion sur un serial killer. Un thriller percutant qui pose la question de savoir qui est, du tandem improbable de ces deux flics ou du criminel, le plus à craindre.

Cessez le feu d’Emmanuel Courcol.

Georges, héros de la Première Guerre mondiale, mène une vie de nomade en Afrique pendant quatre ans pour fuir les horreurs qui le hantent. Lorsqu’il rentre en France, en 1923, il est totalement déphasé dans cet après-guerre des années folles. Il retrouve sa mère et son frère Marcel, muré dans le silence comme d’autres s’enferment dans la folie. Pour les anciens combattants, les invalides, les « gueules cassées », les traumatisés à vie, la guerre n’est pas finie. Il rencontre alors Hélène, professeure de langue des signes avec qui il noue une relation tourmentée.

Après la tempête de Hirokazu Kore-eda.

Écrivain raté, joueur invétéré et détective minable, Ryota est la personnification même du looser. Il se démène cependant pour donner le change et transformer l’image que son fils de 11 ans a de lui. Un typhon oblige son ex-femme et son fils à passer la nuit dans l’appartement de sa mère, seul personnage lumineux, et Ryota va tout tenter pour regagner l’estime de son fils.

Visages Villages d’Agnès Varda et JR.

Quand Agnès Varda et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Hasard des rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont écoutés, photographiés et parfois affichés.

Gimme Danger de Jim Jarmush.

Portrait surprenant du groupe mythique et de l’empreinte qu’il imprimera sur la scène musicale du rock alternatif et, plus tard, sur le raz-de-marée punk, le film de Jim Jarmusch, retrace l’épopée fulgurante d’Iggy Pop et des Stooges qu’il qualifie de plus grand groupe rock de tous les temps. Le documentaire nous immerge dans l’univers électrique du groupe en réussissant le prodige de « mettre en scène » les images des concerts et les archives d’interviews de l’époque, en y insérant des témoignages actuels, le commentaire d’Iggy Pop et en empruntant au langage de la BD. À la question sur l’influence du groupe dans l’univers musical du rock, l’interprète de I Want to Be Your Dog répond : « Je crois que j’ai aidé à liquider les sixties. »

Noces de Stephan Streker.

Tout irait bien pour Zahira, 18 ans et d’origine pakistanaise, si son père ne cédait à la coutume et décidait de la marier. Elle se rebelle alors bien qu’elle soit attachée à sa famille et compte sur le soutien de son frère Amir. Les jeunes acteurs Lina El Arabi et Sébasinés pour les révélations César 2018, sont admirables.

Et le magnifique film d’Elio Petri, Les jours comptés, restauté dernièrement…