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Samedi 10 février 2018
Le socialisme sauvage. Essai sur l’auto-organisation et la démocratie directe dans les luttes de 1789 à nos jours de Charles Reeve
Article mis en ligne le 17 février 2018

par CP

Le socialisme sauvage Essai sur l’auto-organisation et la démocratie directe dans les luttes de 1789 à nos jours

Charles Reeve (L’Échappée)

Entretien avec l’auteur

Désastre généralisé et crise de la représentation nous incitent à penser au présent le vieux principe de la démocratie directe qui prit forme en 1789, traversa les époques révolutionnaires pour se retrouver à nouveau dans les mouvements de contestation. Le principe d’autogouvernement s’y est toujours heurté aux principes autoritaires de représentation permanente. Les soviets des révolutions russes et les conseils de la révolution allemande des années 1920 ont été deux expressions puissantes de cette promesse pour l’avenir, et se trouvent au cœur des réflexions développées dans ce livre. Car si le dénouement de la révolution russe a glacé pour un siècle le mouvement ouvrier, liant l’idée de socialisme à celle du totalitarisme de parti unique, l’expérience, courte mais riche, de la révolution allemande s’est révélée proche des mouvements contemporains, de Mai 68 au mouvement assembléiste du 15M en Espagne, en passant par Occupy aux États-Unis et par les Printemps arabes. Les courants spontanés, auto- nomes et émancipateurs des mouvements sociaux ont toujours été rejetés par les chefs du socialisme avant- gardiste et qualifiés de « sauvages », car leur échappant. Même s’il n’est pas stricto sensu une histoire du mouvement socialiste, ce livre en revisite des grands moments. Il les étudie et les discute à travers le prisme de conceptions hérétiques et « sauvages », et garde à l’esprit la perspective de l’émancipation, encore et toujours.

Il est l’auteur de plusieurs essais, dont Le Tigre de papier, sur le développement du capitalisme en Chine, 1949-1971 (Spartacus, 1972) ; La Mémoire et le feu. Portugal, l’envers du décor de l’Euroland (L’Insomniaque, 2006) et China blues, voyage
au pays de l’harmonie précaire
(avec Hsi Hsuan-wou, Verticales/ Gallimard, 2008).

Le socialisme sauvage Essai sur l’auto-organisation et la démocratie directe dans les luttes de 1789 à nos jours Charles Reeve (L’Échappée)


Qu’est-ce que le socialisme sauvage ? Une expression dévalorisante utilisée par la social-démocratie allemande en 1919 ? « Un mouvement informe et immature » qui n’aboutit à rien sans avant-garde, leaders ou maître à penser ? À l’inverse, on peut considérer le socialisme sauvage comme un moment historique, une opportunité d’autonomie possible, un mouvement spontané où la hiérarchie est rejetée et reléguée comme instrument de la domination.

Aujourd’hui, avec le recul, l’échec du socialisme d’État et l’évolution de certains mouvements « révolutionnaires  » autoritaires font que le socialisme sauvage n’a plus ce caractère « immature » qu’on lui avait attribué et, bien au contraire, présente une voie à expérimenter contre les formes de domination et d’exploitation, une forme de conscience et d’action politique.

Le livre de Charles Reeve, le Socialisme sauvage. Essai sur l’auto-organisation et la démocratie directe dans les luttes de 1789 à nos jours, est un ouvrage à la fois dense, ambitieux et structuré. Si bien que l’on peut aisément le consulter sur telle ou telle époque, en y décelant le fil conducteur qui unit l’action politique pour la construction d’une société anticapitaliste, l’importance de l’autonomie des individus contre la domination d’un parti ou d’un quelconque groupe s’autoproclamant d’avant-garde révolutionnaire.
Comme dirait l’autre, nous avons déjà vu le film…

Cette année, il est à parier que de nombreux livres seront publiés sur Mai 1968, entre interprétations diverses, imaginaire et roman national. Sur ce moment, il faut garder en tête, comme le souligne Charles Reeve dans son livre, ce qu’écrivait Claude Lefort : « “De la révolte étudiante, on a dit et répété qu’elle avait servi de détonateur. C’est une manière d’en éluder le sens, de se débarrasser de ce qui est à penser comme le plus étrange et le plus neuf de la situation, un moyen de rétablir le schéma classique de la lutte des classes, de se laisser capter par les péripéties de la partie engagée entre les syndicats et le patronat ou l’État. » Une « façon de gommer les contenus subversifs nouveaux portés par la révolte étudiante » et de nier son désir de « s’affronter au pouvoir d’État ».

Et aujourd’hui, direz-vous : «  Les forces sclérosées du passé dominent encore celles de l’imagination, de la créativité collective. La poésie et la couleur de la subversion de la vie sont toujours étouffées par la grisaille de la soumission aliénée. […] Octavio Paz a écrit dans un texte sur le surréaliste Benjamin Péret : “Seuls sont dignes d’espérance ceux [et celles] qui ont perdu leurs illusions.” » Alors puisque l’ancien projet n’est pas le nôtre et que « le nôtre n’en est qu’à ses balbutiements. Comme disait le slogan des jeunes du mouvement Carré Rouge, au Québec en 2012 : “Nous voici arrivés à ce qui commence !” »

The Ride (La chevauchée)

Film de Stéphanie Gillard

Entretien avec Stéphanie Gillard

The Ride de Stéphanie Gillard est sur les écrans depuis le 31 janvier 2018.

The Ride est un film documentaire exceptionnel sur la longue chevauchée de 450 kms des Indiens Sioux Lakotas pour la mémoire indienne et le souvenir du massacre de Wounded Knee.

Tous les ans, de jeunes cavalier.es traversent une région des Etats-Unis, durant quinze jours, et retrouvent ainsi les coutumes indiennes ancestrales, l’histoire et les spoliations qui ont jalonné plus de deux siècles de colonisation… C’est une chevauchée essentielle au plan culturel, politique et social, ce dont rend très bien compte le film de Stéphanie Gillard, qui montre également la difficulté d’être Indien ou Indienne aujourd’hui dans un pays qui leur déni toujours leurs droits