Chroniques rebelles
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Samedi 23 juin 2018
Mon tissu préféré. Gaya Jiji. Un couteau dans le cœur. Yann Gonzalez. Le Dossier Mona Lina. Eran Riklis. La Ballade de Narayama. Shohei Imamura. Le Poirier sauvage. Nuri Bilge Ceylan
Différent 11, l’autre cinéma espagnol
Article mis en ligne le 25 juin 2018
dernière modification le 28 juin 2018

par CP

Mon Tissu préféré
Film de Gaya Jiji (18 juillet 2018)

Entretien avec la réalisatrice

Un couteau dans le cœur
Film de Yann Gonzalez (27 juin 2018)

Le Dossier Mona Lina
Film de Eran Riklis (4 juillet 2018)

La Ballade de Narayama
Film de Shohei Imamura (11 juillet 2018)

Le Poirier sauvage
Film de Nuri Bilge Ceylan (8 août 2018)

L’été 2018 propose une riche programmation de films, qu’il s’agisse de d’œuvres classiques en version restaurée comme la Ballade de Narayama de Shohei Imamura (11 juillet), ou encore de deux films de Robert Bresson, Le Journal d’un curé de campagne (4 juillet) et surtout les Dames du Bois de Boulogne (1er août) avec, en perspective la sortie, à la rentrée d’Un Condamné à mort s’est échappé. Outre ces classiques à voir ou à revoir, il y a matière à aller dans les salles obscures durant cette parenthèse estivale, à commencer par le film de Gaya Jiji, Mon tissu préféré, qui sera sur les écrans le 18 juillet, et nous prenons un peu d’avance pour en parler avec la réalisatrice.

Nous évoquerons également Un Couteau dans le cœur de Yann Gonzalez (27 juin), Le Dossier Mona Lina d’Eran Riklis (4 juillet), et Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan (8 août).

Parmi cette palette et ce choix de films, Mon Tissu préféré de Gaya Jiji se détache comme une œuvre à la fois originale, touchante et étonnamment subversive dans l’expression de la nécessité de liberté d’une jeune Syrienne.
Le film a été présenté à Cannes dans la section Un certain regard.

Ce premier long métrage de Gaya Jiji fait montre d’une observation remarquable dans la création de ses personnages, pour la plupart, féminins. Notamment Nahla, héroïne au centre de l’histoire, qui par la complexité de ses désirs intimes, sa soif d’émancipation et sa rébellion contre la société et le schéma de vie imposé aux femmes, préfigure un écho de la révolte populaire qui gronde. C’est le début des manifestations pacifiques en Syrie, que les médias qualifiaient alors de continuité des « printemps arabes ». Le film se déroule en effet au début de la révolution populaire qui se superpose en trame sonore au récit cinématographique.

Mon tissu préféré est une illustration de l’expression « le privé est politique » ! Nahla veut sa liberté, s’exprimer, le contrôle de sa vie sans autorité supérieure qui provienne de la famille ou de la société. La représentation du désir, du fantasme féminin, de même que la description du huis clos des relations familiales, à la fois proches, pesantes et conflictuelles, sont d’une véracité rare et troublante. Il y a d’un côté les interdits, les tabous, les non dits de la sphère privée, de l’autre, dans la sphère publique, la révolte grandissante qui monte de la rue et la répression qui l’accompagne. La révolte de Nahla est en quelque sorte emblématique de celle de la population.

Nahla s’échappe par l’imagination et les fantasmes dans lesquels elle a la sensation d’exister réellement, de s’exprimer librement, tandis qu’elle semble absente dans la réalité. En revanche, la répression est partout présente. L’arrivée d’une nouvelle habitante dans l’immeuble, une femme indépendante, lui semble alors une réponse, une porte qui s’entrouvre, un dépassement des interdits. Immédiatement attirée par cette femme, Nahla va tout faire pour la connaître et s’immiscer dans le monde qu’elle représente ou plutôt qu’elle imagine.

Mon Tissu préféré de Gaya Jiji met en scène la recherche d’identité, raconte la prise de conscience et la volonté d’émancipation d’une femme dans le contexte particulier d’un pays au bord du gouffre.

Un couteau dans le cœur
Film de Yann Gonzalez (27 juin 2018)

Les années 1980 dans le milieu du cinéma porno gay. Une productrice de films, qui en fait commerce, décide de choisir des films plus ambitieux pour retrouver l’amour de sa compagne qui est aussi la monteuse de ses films.

Un tueur mystérieux tue plusieurs de ses comédiens, commence alors pour elle une recherche, ou plutôt des rêves à énigmes pour comprendre la raison des meurtres. Horreur, fantastique… Le film a été tourné sur pellicule et cela se voit, avec des comédien.nes formidables. Fascinant.

Le Dossier Mona Lina
Film de Eran Riklis (4 juillet 2018)

Mona est libanaise chrétienne. Elle est menacée par le Hezbollah pour avoir livré des informations aux services secrets israéliens, qui l’exfiltrent vers l’Allemagne après une opération esthétique pour la rendre méconnaissable. Mise à l’abri dans une planque à Hambourg en attendant la cicatrisation de l’opération, elle est gardée par une agente du Mossad, Naomi, chargée de la protéger et de lui tenir compagnie.

Un huis clos s’installe entre les deux femmes — c’est le nœud du film —, avec autour tous les ingrédients de la suspicion, du jeu de dupes, des magouilles entre services secrets, de la traque, de l’enquête truquée pour brouiller les pistes, bref en raccourci les différents aspects de la composante politique de l’espionnage moyen-oriental, sans oublier le rôle, en sous-main, des Etats-Unis voulant jouer sur tous les tableaux…

Le dossier Mona Lina est réalisé dans le plus pur genre d’espionnage avec de l’action et des rebondissements, l’originalité du film découlant du traitement psychologique des rapports entre les deux femmes, l’une étant menacée de mort et voulant retrouver son fils de 8 ans et l’autre tentant par tous les moyens d’avoir un enfant après la mort de son compagnon.
La méfiance, la désillusion et la manipulation sont les ingrédients de ce thriller d’espionnage avec une question récurrente : qui est le ou la traître de qui ?

Les personnages féminins du cinéma d’Eran Riklis sont comme toujours forts et centraux, et il ne déroge pas, cette fois, à ce choix. Le rapprochement de Naomi et de Mona dans ce film, Le Dossier de Mona Lina, rappelle le lien créé entre Mira et Salma dans son film de 2008, les Citronniers. En effet, dans ce huis clos imposé par la traque, les deux femmes vont peu à peu nouer une relation de complicité, bien au-delà des tensions et des enjeux politiques.
Le Dossier Mona Lina sort le 4 juillet.

La Ballade de Narayama
Film de Shohei Imamaura (11 juillet 2018)

Dans le Japon du milieu du XIXe siècle, c’est l’histoire d’un village où sévit la famine, où les croyances primitives sont fortes et où les personnes âgées doivent être abandonnées en haut de la montagne, à la merci des vautours. La vieille Orin se prépare à suivre la tradition. Vivre, mourir, manger, copuler… Pour Imamura, les forces viennent du peuple, du sexe, de la terre, sans cesse fertilisée par les détritus, les excréments, le foetus qui se décompose dans les rizières, mais vient aussi de la magie. Le surréalisme est présent dans son cinéma.

Le Poirier sauvage
Film de Nuri Bilge Ceylan (8 août 2018)

Après Il était une fois en Anatolie et Winter Sleep, Nuri Bilge Ceylan réitère un tour de force créatif en nous contant l’histoire d’un jeune homme, Sinan, passionné de littérature, qui, à la fin de ses études, décide de publier son premier roman. Il revient dans sa ville natale où il pense trouver de l’aide, mais là tout dérape, son père est un joueur invétéré, sa mère est résignée, sa sœur regarde des séries à la télé, il se bat avec un ami à cause des déboires amoureux de celui-ci… Quant à l’aide pour la publication, c’est un fiasco, le maire et l’entrepreneur du coin lui conseillent de publier à compte d’auteur. De surcroît, il échoue au concours pour trouver un éventuel poste d’enseignant.

Une histoire simple où chaque rencontre est prétexte à des dialogues passionnants, ironiques, amers, philosophiques. Impossible d’oublier le dialogue en compagnie des deux imams, ou encore la conversation de Sinan avec l’écrivain qui ne pense qu’à un bain de pieds… Dès le premier plan, la vision du jeune homme à travers une vitre où se reflète le fleuve, on entre dans un film dont la durée, un peu plus de trois heures, participe au ravissement éprouvé tant sur le fond que sur la forme. De la beauté aride des paysages aux images éblouissantes du vent dans les feuilles mordorées et les cheveux de l’amie de Sinan, on n’a pas fini de s’étonner de l’ampleur et de la créativité visuelle du film ; en même temps la peinture sociale, un peu à contre jour, est puissante et acerbe. Sont évoqué.es la pauvreté, le problème de l’éducation, du manque d’avenir, du chômage, du désœuvrement…

« Dans ce film, [explique le réalisateur] j’essaie de raconter l’histoire d’un jeune homme qui, conjointement à un sentiment de culpabilité, éprouve une différence qu’il est incapable d’admettre. Il sent qu’il est entraîné vers un destin qu’il n’aime pas et qu’il n’arrive pas à assimiler. » Le scénario a été écrit avec sa compagne et Akin Aksu qui a inspiré le personnage de Sinan et interprète l’un des imams.

Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan sort le 8 août.

Et toujours Différent 11 jusqu’au 26 juin…
L’autre cinéma espagnol.

Dimanche 24 juin - 20h30
Incerta glòria de Agustí Villaronga

Retour sur la guerre civile espagnole. En présence de Agustí Villaronga.
Ce film remarquable n’est toujours pas distribué en France, donc c’est un moyen de le voir et de rencontrer son réalisateur. Il se déroule en juin 1937, sur le front d’Aragon, où les différents personnages sont, à la fois, piégés par la guerre civile, leurs attirances, leurs blessures et leurs principes.
Agustí Villaronga est le réalisateur entre autres films de Pain noir (2010), de Piège de cristal, son premier long métrage et de Lettre à Eva.

Le film n’a pas encore de distributeur en France.

Lundi 25 juin - 20h30
La Nueve de Daniel Hernández.
Court métrage de fiction.

Revenir sur un pan de l’histoire oubliée, la participation d’anarchistes espagnols à la lutte contre le nazisme et la libération de Paris. L’histoire de Manuel…