Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 8 décembre 2018
La longue mémoire. Nouvel album de Serge Utgé-Royo. Diamantino. Nelly Trumel
Article mis en ligne le 9 décembre 2018

par CP

Diamantino
Gabriel Abrantes et David Schmidt (28 novembre 2018)
Fin de l’entretien avec Gabriel Abrantes

Sortie DVD du film de Haifaa Al Mansour, Mary Shelley (8 décembre)

La longue mémoire
Le nouvel album de Serge Utgé-Royo

Nous serons en compagnie de Serge Utgé-Royo, de Léo Nissim qui a composé les mélodies ou fait les arrangements de cet album, de Cristine Hudin et de Daniel Pinos pour en évoquer les seize chansons, mais aussi la complicité amicale et créative entre les musiciens et les musiciennes qui ont collaboré cet été à la sortie de ce nouveau disque, La longue mémoire
Entretien avec Serge Utgé-Royo et Léo Nissim en compagnie de Daniel Pinos.

Et cette émission, nous la dédions à
Nelly Trumel, militante, amie, et voix de l’émission
Femmes libres de Radio Libertaire.

Nelly Trumel n’est plus là pour soutenir l’anarchaféminisme, comme elle l’a fait pendant des années, tout d’abord grâce à l’émission "Femmes Libres" qu’elle a créé sur Radio Libertaire en 1986, puis en animant des débats, en suscitant des rencontres, en informant sur le mouvement féministe et libertaire… Et bien sûr en racontant, à travers sa peinture, ses patates qui symbolisaient tant pour elle, l’histoire des luttes et la résistance pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes…

Sa phrase, Faut qu’ça germe ! est le titre d’un ouvrage collectif sur son engagement féministe et libertaire, et sa peinture.

Nelly me manque déjà et je ne suis pas la seule. Elle était toujours présente lorsqu’elle avait la responsabilité du secrétariat de Radio Libertaire, toujours à l’écoute de ses invité.es, de ses ami.es, soutenant les projets, encourageant les initiatives, créant autour d’elle un univers particulier : « je suis spécialiste en fruits et légumes », avait-elle coutume de dire, mi-sérieuse.

Nelly Trumel était une femme généreuse, solidaire, tendre, modeste, ironique aussi, certainement ferme sur ses principes et ses convictions. Nelly était une militante, une artiste étonnante et une amie.

Cette émission avec Serge Utgé-Royo et Léo Nissim lui est dédiée, et bien sûr la chanson qui donne son nom au nouvel album… La longue mémoire

Sortie DVD du film de Haifaa Al Mansour, Mary Shelley (8 décembre)

Certaines critiques ont qualifié le film de biopic féministe sur l’auteure de Frankenstein ou le Prométhée moderne, mais au-delà, le film décrit le processus de création à une époque — la fin du XIXe siècle —, où une jeune femme n’était pas censée écrire et, dans tous les cas, être l’auteure de romans et de les signer. Nous en parlerons plus longuement la semaine prochaine.

Samedi dernier, nous avons diffusé la première partie de l’entretien avec Gabriel Abrantes, voici donc la suite… Nous revenons sur le rôle du cinéma, en l’occurrence le cinéma portugais, en même temps que celui d’une jeune génération de cinéastes…

Diamantino retrace l’histoire ubuesque d’une star du foot, qui marque des buts à tous les coups, inspirée par des hallucinations de chiots géants et de fumées roses en plein milieu du stade. Il faut dire que ce stade, où Diamantino officie, est le nouveau lieu d’une ferveur mystique. Bref, la religion du ballon rond bat son plein et ouvre la voie à toutes les manipulations politico libérales, surtout lorsque la star est un Candide inconscient de la farce.
Sous des dehors de comédie délirante, Diamantino est une critique radicale de la société, mais c’est également une très belle histoire d’amour, qui balaie les codes et les tabous.
Diamantino de Gabriel Abrantes et David Schmidt est sur les écrans depuis le 28 novembre.

« Un chant s’en vient de la longue mémoire », un chant s’en vient dans l’écho des luttes au présent et des espoirs latents de justice et de vérité. Qu’est-ce que la longue mémoire finalement si elle n’aide pas à rêver et à construire un avenir différent ?

J’ignore si j’ai complètement saisi le sens et les allusions de tes paroles, Serge, portées par la musique du répertoire révolutionnaire espagnol, Hijos del pueblo (Enfants du peuple), mais ce dont je suis convaincue, c’est qu’elles résonnent fortement avec l’éveil des révoltes ici et dans le monde.

« La longue mémoire »… C’est aussi l’émergence des consciences, même si celle-ci est qualifiée de désordonnée par ceux et celles qui sont dans la crainte de perdre ne serait-ce qu’un privilège illusoire. La révolte traduit l’attente d’autre chose que les codes imposés à la population, au « peuple » dès l’enfance : la compétition, l’individualisme, la déférence devant le pouvoir, la soumission, le respect de la hiérarchie…

Certains et certaines « conçoivent “le peuple” non tel qu’il est, mais tel qu’ils [et elles] voudraient qu’il soit. Étrange, pour le moins », remarque Olivier Le Cour Grandmaison à propos des soulèvements populaires actuels. On aura beau dire, tenter d’en amoindrir les causes, ou s’en moquer… Un soulèvement ne se décrète pas et pose des questions essentielles. Il peut certes être récupéré, réprimé… Mais il laisse des traces, il éveille, et après les moments de découragement, il rejaillit au moment où le pouvoir, l’État s’y attend le moins, aveuglé qu’il est par le cynisme, le pragmatisme financier et la condescendance qu’il montre vis-à-vis des sans voix, des sans dents…

Alors il faut aller, disait Emma Goldman, « manifester devant les palais des riches », et apostropher à pleine voix — tu l’as chanté Serge — les « gens sans conscience, qui signent des décrets malfaisants, et radotent des lois imbéciles, qui balaient la raison et le droit ». (CP)

Serge Utgé Royo. Tu chantes depuis près d’un demi-siècle, tu es donc un tout jeune septuagénaire. Tu es notre voix à nous, nous les fils de rien, les espanches, les espingouins, les enfants des exilés espagnols de 1939 et les autres. Libertaire, humaniste, pacifiste, généreux, tu portes la mémoire des nôtres.

Ta voix chaude, parfois nuancée de sanglots, est la nôtre. Tu exprimes avec des textes d’une grande sensibilité la terrible oppression et la détresse qu’ont vécu et vivent encore des millions d’êtres humains sur notre planète. Que tu reprennes les poèmes de nos grands poètes ou les chants de lutte et d’espoir de notre répertoire révolutionnaire, tu le fais toujours avec sincérité et profondeur.

Citoyen de nulle part, sinon du monde, l’indignation toujours chevillée au corps, tu sais d’où tu viens, si tes chansons évoquent parfois la dureté et la tristesse de l’exil, tu revendiques aussi fièrement ce rejet de la patrie et des drapeaux, ces miroirs aux alouettes qui noient les révoltes universelles dans des bains de sang.

Tu as construit patiemment une carrière singulière à l’écart de tous les circuits commerciaux et des médias « grand public », tu as bâti ta carrière, tu as su conserver ton authenticité, ta simplicité et ta chaleur humaine.

La longue mémoire... Dans ce nouvel album, j’aime ton regard porté sur le monde. Il est celui d’un sage, d’un homme qui a atteint la maturité, d’un voyageur intranquille qui observe sa planète, qui vit, qui cherche à comprendre, qui rit, qui s’insurge, qui aime et qui chante. Tu es un chanteur qui n’est revenu de rien.

Tu poses ton regard sur le monde qui t’entoure. Aujourd’hui, peut-être que ce que tu chantes depuis 50 ans est plus que jamais en prise avec l’opinion publique. Au regard des révoltes de la France d’en bas, de ces gilets jaunes qui envahissent Paris chaque samedi, on peut se dire que ce n’est pas Utgé-Royo qui a changé, mais la France qui change aujourd’hui autour de lui.

Tes textes sont toujours ancrés dans le réel, avec la verve poétique que l’on te connaît pour raconter la dureté du monde, ses injustices, mais aussi sa beauté. De nouveaux textes, de nouvelles interprétations, mais aussi les nouveaux arrangements musicaux de Léo Nissim, les justes mélodies de celui qui est devenu ton complice en création.

Ce disque est sans doute l’un des plus humains, l’un des plus raffinés aussi, et ta parole Serge est toujours bonne à saisir dans le brouhaha actuel. Ce disque est l’oeuvre d’un chanteur qui maîtrise son art comme jamais, un chanteur apaisé, malgré tout.

Avec toujours cette voix profondément timbrée et pleine de résonance, cette voix chaude, nuancée, enveloppante, riche de nuances qui fait de toi un grand interprète. Une voix rare, puissante et sensible, des mélodies colorées, une ballade folk, du jazz, des compositions plus classiques, une écriture sensible et minutieuse pour dire simplement la vie des petites gens, les orages de l’histoire, les sourires de la vie, l’humanité qui attend...

On ne peut pas résister à l’émotion, à la sincérité, au sourire et à la poésie que dégage ce nouvel album. Un album pour partager des émotions et ce fameux « espoir têtu » auquel tu ne renonceras jamais en attendant qu’un vent se lève... (Daniel Pinos)