Chroniques rebelles
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Samedi 8 juillet 2006
Dissection du sadomasochisme organisé. Approches anarchistes
Jean-Manuel Traimond (ACL)

Avec Jean-Manuel Traimond.

Traduction Jean-Manuel Traimond

Article mis en ligne le 25 janvier 2008

par CP

Si le sadomasochisme signifie « utiliser les symboles interdits, et toutes les émotions refoulées », si « le [sadomasochisme] est un blasphème érotique, délibéré, prémédité [ou] une forme d’extrémisme sexuel, de contestation sexuelle », on peut en tant qu’anarchiste être tenté-e.

Mais si l’on considère le rapport au pouvoir dans ce type de relation et la domination qui en découle — comme la pratique d’humilier l’autre qui accompagne immanquablement le rapport sadomasochiste —, on se pose la question sur la cohérence des principes anarchistes basés sur le respect de l’autre d’une part, et, d’autre part, de la pratique du sadomasochisme où le plaisir d’humilier ou d’être humilié-e est essentiel…
Et alors on se prend les pieds dans le tapis ou, autrement dit, il est difficile de dépasser certaines contradictions.

Quand on lit sur la 4ème de couverture cette interrogation : le sadomasochisme est-il le frère (pourquoi pas la sœur d’ailleurs ?) du catholicisme ? Beaucoup diront oui sans doute.
Mais à la réflexion…

Bon, reprenons tout depuis le début : il s’agit dans cet ouvrage d’« approches anarchistes »…
De quoi se demander si Jean-Manuel Traimond est vraiment sérieux ou simplement provocateur ? Une blague ?
Non, écrit-il, en précisant vouloir donner aux lecteurs et aux lectrices des éléments afin de se faire sa propre opinion et d’explorer l’intime. Car on l’aura compris, parler de sexualité c’est parler d’intimité et de tabou. Et voilà, le grand mot est lâché… Et les questions abondent.

D’abord qu’est-ce que le sadomasochisme consensuel ?
Une transgression organisée ?
Un jeu de rôles reposant sur une sexualité qui s’auto-déclarerait déformatée ?
Une introspection de l’intimité ?

Un dépassement des normes sexuelles ? Une popsy basée sur la libération de la libido ?
Ou, à l’inverse, un enfermement de la libido dans des normes supra-sociales ?

Parce qu’enfin, les sociétés occidentales « avancées » sont judéo-chrétiennes, la douleur y est sanctifiée, glorifiée ou méritée.
On connaît le « Tu enfanteras dans la douleur » rabâché aux femmes depuis des lustres, tout comme le populaire « Il faut souffrir pour être belle ! » — c’est-à-dire désirable et consommable—, et le « Il faut souffrir en silence ! »,
bref le B A BA de la soumission des femmes.

Passons sur la fierté de souffrir — et sans pleurer s’il vous plaît ! —, pour les garçons, histoire de prouver sa virilité.

Et enfin — symbole suprême — le Christ sur la croix, instrument de torture à mort qui, pour beaucoup de croyants et croyantes, se termine en extase divine ! À quand les petites chaises électriques autour du cou, histoire de célébrer la rédemption, joli symbole pour les « reborn », les reconverti-e-s, les nouveaux chrétien-ne-s.

La domination de l’autre n’est-elle pas un piège pour les anarchistes ? Comment imaginer prendre du plaisir à réduire une personne à la dépendance — pour ne pas dire l’esclavage —, au rôle de dominé-e, qu’il s’agisse d’un adulte ou d’un enfant ?
Faut-il réduire le combat contre le pouvoir à ses conséquences sociales ? N’est-il pas aussi question de lutter pour l’émancipation et contre le formatage des esprits depuis la naissance ?

L’anarchisme n’est-il pas fondé sur le respect de l’autre, le respect mutuel et l’émancipation ? N’est-ce pas aussi un travail sur soi, une remise en question introspective des pulsions, des fantasmes, des normes et prendre en compte les contradictions en chacun et chacune ?

Il ne s’agit pas là de « moralité » qui, par essence, est normative, mais de revenir sur le concept de liberté individuelle. Et, dans ce contexte, le SM (sadomasochisme) n’est-il pas une perversion du concept de liberté sexuelle ?

Et, finalement, c’est quoi la liberté dans une société sous les contraintes imposées par une minorité dominante ?