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Samedi 15 décembre 2018
Basquiat Un adolescent à New York (Boom For Real) de Sara Driver. Monsieur de Rohena Gera. Pachamama de Juan Antin. The Happy Prince de Rupert Everett. Mary Shelley de Haifaa Al Mansour. Qui a tué Lady Winsley ? de Hiner Saleem. Utoya 22 juillet de Erik Poppe. La vie comme elle vient de Gustavo Pizzi. Styx de Wolfgang Fischer…
Article mis en ligne le 17 décembre 2018

par CP

Basquiat
Un adolescent à New York (Boom For Real)

Film de Sara Driver (19 décembre 2018)

Monsieur
Film de Rohena Gera (26 décembre 2018)

Pachamama
Film de Juan Antin (12 décembre 2018)

The Happy Prince
Film de Rupert Everett (19 décembre 2018)

Mary Shelley
Film de Haifaa Al Mansour (sortie DVD 8 décembre 2018)

Qui a tué Lady Winsley ?
Film de Hiner Saleem (2 janvier 2019)

Utoya 22 juillet
Film de Erik Poppe (12 décembre 2018)

Une affaire de famille
Film de Kore-Eda HiroKazu (12 décembre 2018)

Grass
Film de Hong Sangsoo(19 décembre)

The World is on Fire
Film documentaire de Roberto Minervini (5 décembre 2018)

La vie comme elle vient
Film de Gustavo Pizzi (26 décembre 2018)

Styx
Film de Wolfgang Fischer, avec Suzanne Wolff (2 janvier 2019)

Basquiat
Un adolescent à New York (Boom For Real)

Film de Sara Driver (19 décembre 2018)

Le titre du film de Sara Driver, Boom For Real, est traduit en français par Basquiat. Un adolescent à New York. Si Jean-Michel Basquiat est certainement emblématique de la ville à la fin des années 1970, le film est avant tout sur New York et les mouvements politiques et artistiques qui ont animé cette période juste avant l’arrivée de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis, en janvier 1981.

Ces années-là, comme le montre très bien le film de Sara Driver grâce aux archives et aux témoignages, sont des années où la création a été libre, fusant dans toutes les directions, dans un Down Town, un centre ville complètement déserté. Le film de Sara Driver est un document passionnant sur cette époque où tout semblait possible, où l’on cassait les codes obligés de l’art pour s’exprimer dans tous les domaines sans penser à la consécration ou à la réussite, qui laisse se profiler la récupération par le business. Jean-Michel Basquiat est alors très jeune, vit plus ou moins dans la rue ou squatte chez les personnes qu’il croise — il était partout dit un des témoins —, il s’imprègne de tous les courants — mouvements hip-hop et punk rock, événements politiques, violences raciales… —, et finalement il va symboliser une expression graphique, une création libérée.

Ce qui a suivi, ce sont les années Reagan, et là c’est une autre histoire, celle d’un quartier et d’une lutte que Seth Tobocman raconte dans son roman graphique, Quartier en guerre. New York années 1980 (éditions CMDE). À la déliquescence d’une ville qui donnait la liberté d’explorer des expressions, d’expérimenter de nouvelles formes artistiques, succédèrent la politique sécuritaire et, très vite, les spéculations immobilières dans le quartier populaire du Lower East Side de New York. La gentrification démarre et donc il s’agit de chasser une population modeste ou marginale du centre ville pour installer des super marchés et des logements pour yuppies. Wall Street et la haute finance n’est pas loin, accompagnée par la dérégulation de l’économie et la renaissance de la droite états-unienne.

Dans Boom For Real, en français Basquiat. Un adolescent à New York, la réalisatrice fait office d’archéologue en faisant découvrir ou redécouvrir une ville, son histoire dans un moment particulier : les derniers sursauts d’une contre-culture sans frontières, et des artistes spontanés qui savaient partager, échanger, créer…
Le film de Sara Driver, Basquiat. Un adolescent à New York, est certainement politique, musical et bien plus. On peut le voir à partir du 19 décembre.

Monsieur
Film de Rohena Gera (26 décembre 2018)

« La fracture des classes sociales en Inde aujourd’hui est aussi forte que la discrimination raciale aux États-Unis des années 1950 [souligne la réalisatrice]. La différence est qu’ici elles ne sont même pas identifiées comme un problème. Il est considéré totalement normal d’exploiter, ignorer et traiter comme inférieures des personnes qui vivent et travaillent dans les foyers aisés. Une histoire d’amour entre un patron et sa “servante”, comme on les appelle toujours, et comme ils s’appellent eux-mêmes, conduirait ces deux personnes au ridicule et à la honte. »

Dans cette société où tout semble figé, où le système de castes est tellement intégré dans les mentalités, les coutumes et les habitudes qu’il paraît impossible de même imaginer que les barrières sociales puissent disparaître, ou être remises en question. C’est la force du cinéma, non pas de provoquer le changement, mais peut-être de donner la possibilité d’observer, de poser des questions, de susciter la réflexion, et c’est déjà bien.

Le film de Rohena Gera, Monsieur, fait partie de ces films qui donnent à réfléchir sur les habitudes anodines au premier regard, les comportements institutionnalisés qui font que l’on ne se préoccupe pas de l’autre, des autres, ni du phénomène de la domination, de quelque nature qu’elle soit…

Monsieur est aussi un film ouvert, grâce au personnage de Ratna, une femme déterminée dans la poursuite d’un rêve et de son émancipation… L’histoire d’amour impossible illustre parfaitement les frontières dans lesquelles s’enferment les individus. Alors les femmes représentent l’avenir ? En tout cas, Ratna y est pour beaucoup.
Monsieur de Rohena Gera sera sur les écrans le 26 décembre.

Pachamama
Film d’animation de Juan Antin (12 décembre 2018)

Deux enfants, Tepulpaï et Naïra, vivant dans leur village de la Cordillère des Andes, partent à la poursuite de la Pachamama, le totem protecteur de leur village, qui a été confisqué par les collecteurs des impôts de l’Inca. Leur quête va les mener jusqu’à Cuzco, la capitale royale assiégée par les conquistadors, des brutes assoiffées d’or.

C’est une très belle animation, une histoire qui rétablit un tant soit peu la réalité biaisée par l’histoire officielle, à savoir la brutalité de la conquête en Amérique du Sud, et enfin le film est accompagné d’une musique géniale.
Pachamama est à voir depuis le 12 décembre.

The Happy Prince
Film de Rupert Everett (19 décembre 2018)

Ce premier long métrage du comédien Rupert Everett, The Happy Prince, est une belle réussite. Tout d’abord, il y a le conte, The Happy Prince, que raconte Oscar Wilde à ses enfants, puis aux gamins des rues qu’il fascine. Cet homme cassé, trahi, vilipendé par un public qui l’adulait et l’enviait, dégringolé de sa stèle en pleine gloire, est magnifiquement incarné par Rupert Everett qui, de toute évidence, est subjugué non seulement par le génie de Wilde, mais également par ses contradictions et ses outrances.

L’une des scènes les plus terribles est certainement celle de la gare, lors de son transfert de prison, où revêtu de l’uniforme de forçat, enchaîné et accompagné de ses gardiens, Oscar Wilde est en quelque sorte livré au lynchage d’une foule haineuse sur le quai, en attendant son train. C’est un homme effondré qui revit ensuite cette scène odieuse, mise en écho au temps où, ses pièces de théâtre faisaient salle comble et que, dès son apparition sur scène à la fin du spectacle, il surprenait par son humour et son ironie. C’est la fin d’un dandy génial, qui ne s’avoue certainement pas vaincu par une société étriquée, avec parfois des saillies que personne n’attend, des bravades et un refus ostentatoire à se conformer…

Finalement le film de Rupert Everett, The Happy Prince, souligne aussi le décalage entre les classes d’alors, celle d’un écrivain prolixe, irlandais de surcroît, et certes peu soucieux de la moralité réactionnaire victorienne, et celle, représentée par une aristocratie hypocrite et coincée de la fin du XIXe siècle. Outre que Wilde affiche son homosexualité, considérée à cette époque comme une déviance interdite et punie par la loi, il a la dent dure contre l’establishment et le vernis des bonnes manières de l’époque. Brillant, ironique, scandaleux, c’est surtout pour cela que l’écrivain est envoyé en prison durant deux ans. Ses biens sont confisqués, et la maladie s’ajoute à la ruine. Des amis qui l’entouraient jadis, quelques-uns, rares, sont là pour le soutenir, l’aider et tenter de le protéger contre la société et contre lui-même.

The Happy Prince décrit le parcours d’une fin de vie, une dégringolade et une fuite sous un faux nom — Sebastian Melmoth —, avec malgré tout des fulgurances, des lieux sordides transcendés par l’imagination, des moments où le charisme de Wilde refait surface, mais également des creux de vagues d’autant plus dramatiques qu’il est malade et misérable. La pérégrination va du nord de la France, où son amant le rejoint — l’enfant gâté dont il est encore épris et pour lequel il a fait de la prison —, jusqu’à Naples où tous deux s’installent un temps, face au Vésuve. Il retourne ensuite à Paris où s’achève une errance douloureuse dans une chambre minable.

Trois ans après sa sortie de prison, Oscar Wilde meurt à 46 ans dans un dénuement total. Le film a pour trame les trois dernières années de la vie de l’écrivain, tissées de flash-backs au détour d’un souvenir, d’un mot, d’une image, d’un texte, de rencontres. Le récit est fluide d’une perte d’illusions, que sert le jeu des comédiens et des comédiennes (émouvante Emily Watson dans le rôle de Constance, son épouse. Il faut également citer Colin Firth, Edwin Thomas et Colin Morgan, dans le rôle de Bosie). Les dialogues offrent une dimension ironique et cependant tragique à un moment moins connu de la vie d’Oscar Wilde, et la musique originale de Gabriel Yared ajoute au film une touche sensible et discrète. Quant aux décors, ils sont superbement reconstitués et plongent le public dans l’ambiance de l’époque, avec quelque part, une réminiscence du Portrait de Dorian Gray.

The Happy Prince, titre repris d’une nouvelle d’Oscar Wilde, est porté par le réalisateur et comédien Rupert Everett avec une sincérité inspirée. Il faut d’ailleurs ajouter que les films sur la vie d’Oscar Wilde — Oscar Wilde de Gregory Ratoff (1960), The Trials of Oscar Wilde de Ken Hughes (1960), Oscar Wilde de Brian Gilbert (1997), Le Procès d’Oscar Wilde de Christian Merlhiot (France, 2008) — ont peu abordé cet épisode de la vie de l’écrivain avec le caractère d’intimité de The Happy Prince. Le film sort le 19 décembre.

Mary Shelley
Film de Haifaa Al Mansour (sortie DVD 8 janvier)

Dans la foulée de The Happy Prince de Ruppert Everett, sur les écrans le 19 décembre, le DVD du film de Haifaa Al Mansour, Mary Shelley, est sorti le 8 décembre.
C’est à nouveau le domaine de la littérature anglaise, mais en remontant le temps au début du XIXe siècle, et cette fois il s’agit d’une romancière et non des moindres, puisque son roman, Frankenstein ou le Prométhée moderne, est parmi les plus illustres de la littérature mondiale. Ce roman a pour origine un pari entre plusieurs écrivains et poètes et Mary Wollstonecraft Godwin, qui vit avec Percy Shelley, rédige un texte doublement transgressif, non seulement par son sujet, mais du fait que l’univers de la littérature à l’époque n’accorde guère de place aux femmes, hormis celui de muse ou de copiste.

Mary était en avance sur son temps et était déjà dans la transgression, à 16 ans, elle s’enfuit avec Percy Shelley et, à 18 ans, elle écrit Frankenstein. Un roman novateur qui ouvre le domaine de la science-fiction. Le film de Haifaa Al Mansour décrit le processus de création à une époque où une jeune femme n’était pas censée écrire et, encore moins signer de son nom des œuvres littéraires.

Dans la réalisation de son film sur Mary Shelley, Haifa Al Mansour imagine des liens avec les luttes actuelles des femmes pour gagner leur indépendance et pouvoir s’exprimer.
Mary Shelley de Haifaa Al Mansour, le film est sorti en DVD.
Les bonus et notamment une interview de la réalisatrice est à voir.

Qui a tué Lady Winsley ?
Film de Hiner Saleem (2 janvier 2019)

C’est un polar dans la plus pure tradition des films noirs états-uniens des années 1940, mais en même temps Hiner Saleem en détourne sciemment les codes pour dérouter le public, avec un humour qui tient parfois au seul comique de situation ou à une chorégraphie de l’absurde. Le plan des buveurs de thé, par exemple, ou celui des flics à l’extérieur du commissariat illustrent parfaitement l’humour du réalisateur.

Sur une petite île située au milieu du Bosphore, une écrivaine états-unienne est assassinée dans sa villa, sans que l’on puisse trouver le meurtrier, ni d’ailleurs le mobile. Mais Qui a tué Lady Winsley ?
Et voici qu’un inspecteur arrive d’Istanbul pour mener l’enquête. « Je me fie à mon intuition » déclare-t-il au commissaire bien embarrassé et en charge de faire régner l’ordre sur l’île, où tout le monde est plus ou moins lié, une grande famille quoi ! Alors quand l’inspecteur décide de faire passer des tests ADN à toute la communauté, parmi laquelle l’assassin se dissimulerait, ça rue dans les brancards. Les hommes déjà, puis les femmes, suspectées d’adultère et d’avoir des liens avec un meurtrier, là c’est trop !

Aborder la question de l’adultère dans une société conservatrice n’est pas simple, explique le réalisateur : « La femme infidèle y est systématiquement considérée comme coupable alors que c’est le contraire pour l’homme. Son infidélité peut même participer à construire et imposer sa virilité. C’est ici une des conséquences d’un système patriarcal qui est peu ou pas discuté. Pour autant, je ne voulais pas verser dans l’analyse sociologique. Les prismes du polar et de la comédie convenaient donc parfaitement à mes intentions premières. Il y a quelque chose d’absurde dans cet adultère quasi généralisé à toutes les femmes de l’île, mais la réaction de leurs maris est aussi le marqueur d’un état d’esprit propre à cette société. »

Le « polar » comédie d’Hiner Saleem s’amuse des rumeurs, des suspicions et des non-dits qui surgissent tout au long de l’enquête et font monter une hostilité vis-à-vis de l’inspecteur — un « étranger » pour ces insulaires.
« On est chez nous et on tue qui on veut ! » s’énerve une femme. C’est alors que s’immisce la question kurde dans l’histoire et en est peut-être la clé.

Un polar, une comédie, une histoire d’amour, le patriarcat ridiculisé, la question kurde… Tout est là pour faire réfléchir, rire, avec des interprètes formidables… On attend la suite !
Qui a tué Lady Winsley ? d’Hiner Saleem sera sur les écrans le 2 janvier.

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