Chroniques rebelles
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Samedi 22 juillet 2006
Le choix de la défaite. Les élites françaises dans les années 1930. (La Cagoule) (2)
Annie Lacroix-Riz (Armand Colin)
Article mis en ligne le 21 janvier 2008
dernière modification le 6 octobre 2008

par CP

« On a beaucoup parlé de la cagoule, et on n’en a jamais dit grand’ chose. Avant guerre, les journaux relatèrent certains crimes, certains attentats, mais ne lièrent point en général ces crimes ni ces attentats à leur cause directe. On connaissait bien l’existence du CSAR ou de la Cagoule, mais on ne dévoila jamais, soit par ignorance, soit par politique, le vaste tissu d’assassinats, de coups de main, de contrebande d’armes, de terreur enfin, que cette organisation avait filé autour d’elle.
La cagoule n’était rien d’autre qu’un complot fasciste visant à renverser la République et à la remplacer par un régime autoritaire. On reconnaît dans toutes les méthodes qu’elle employa la brutalité absolue et l’absence de scrupules qui caractérisent la politique des pays dictatoriaux. Et de fait, la Cagoule était en rapports constants avec les dictatures européennes. Les Cagoulards furent les agents les plus actifs de Franco, de Mussolini et de Hitler en France.

La Cagoule avait pénétré tous les milieux. Ses hommes infestaient les ministères, ils noyautaient les états-majors. La Cagoule était subventionnée par les banques, la haute finance, les trusts qui voyaient en elle un moyen de domination future. »

« Notre défaite, à laquelle ils avaient tant contribué, mieux que tous leurs précédents complots, mieux que leurs coups d’État, couronna leurs désirs. Vichy, régime d’assassinats politiques et de terreur policière, ce fut le triomphe de la Cagoule. » Joseph Désert, Toute la vérité sur l’Affaire de la Cagoule .

Cette introduction à l’enquête sur la Cagoule, publiée en 1946 par la librairie des sciences et des arts, fait suite à ce qu’écrivait Marc Bloch, en 1944 : «  Le jour viendra […], et peut-être bientôt, où il sera possible de faire la lumière sur les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l’Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe en détruisant de nos propres mains tout l’édifice de nos amitiés. »

La lumière a-t-elle été faite ? Les complicités ont-elles été, depuis, dénoncées, analysées ?

Le choix de la défaite. Les élites françaises dans les années 1930 d’Annie Lacroix-Riz présente, sur cette question, un travail remarquable, une recherche qui permet de remettre à plat les idées inculquées. Car, dans les années 1930, le fascisme existait aussi en France, comme aux Etats-Unis d’ailleurs. L’Europe était préparée au fascisme : appuis financiers, recrutement des élites, groupes de pression, corruption généralisée, presse achetée, réseaux occultes, groupes paramilitaires, collaboration économique avec les régimes fascistes.

Et aujourd’hui ? Le risque d’un régime autoritaire tient-il de l’élucubration ou de la paranoïa ? Qu’est-ce que le fascisme sinon un mode de contrôle politique autoritaire émergeant dans les sociétés industrielles capitalistes en période de crise économique ?
Or la crise économique, nous y sommes.
Et le fascisme, comme mode de contrôle, représente pour beaucoup un recours providentiel et, certainement, un outil de défense des intérêts du patronat pour contrer toutes les formes de revendications et d’avancées sociales. Il y a les partis, les mouvements et les idées fascistes. L’esprit « cagoulard » et la tentation de « l’ordre » fasciste sont-ils des mythes ?

Les réactions en novembre 2005, lors des émeutes des banlieues, et l’idée, par exemple, d’envoyer l’armée « mater » les révoltés donnent à réfléchir.
La peur et son instrumentalisation par les médias et les politiques sont efficaces pour faire accepter l’inacceptable !

C’est en cela que Le choix de la défaite. Les élites françaises dans les années 1930 d’Annie Lacroix-Riz est un ouvrage essentiel pour comprendre la défaite programmée.

Le régime de Pétain a permis la mise au pas du mouvement ouvrier. Après 1936 et le Front populaire, le seul choix pour les capitalistes était la défaite. Le « haut patronat », soucieux de sauvegarder ses privilèges et de contrôler la situation, ne s’embarrassait guère pour corrompre les politiques, les militaires, les journalistes. Il finançait la propagande et les organisations clandestines et employaient des hommes de mains pour supprimer les récalcitrants et les gêneurs.

Le choix de la défaite et la collaboration avec les nazis se préparait de longue date. « Vichy, régime d’assassinats politiques et de terreur policière, […] fut le triomphe de la Cagoule. »