Chroniques rebelles
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Samedi 6 avril 2019
Ray and Liz de Richard Billingham. Les Oiseaux de passage de Cristina Gallego et Ciro Guerra. Seule à mon mariage de Marta Bergman. La Familia de Rondon Cordova. Love Cecil de Lisa Immordino Vreeland
Article mis en ligne le 8 avril 2019

par CP

Ray and Liz
Film de Richard Billingham (10 avril 2019)

Entretien avec le réalisateur

Les Oiseaux de passage
Film de Cristina Gallego et Ciro Guerra (10 avril 2019)

Seule à mon mariage
Film de Marta Bergman (17 avril 2019)

Entretien avec la réalisatrice

La Familia
Film de Rondon Cordova (10 avril 2019)

Love Cecil (Beaton)
Film documentaire de Lisa Immordino Vreeland (10 avril 2019)

Ray and Liz
Film de Richard Billingham (10 avril 2019)

Entretien avec le réalisateur
Dans la banlieue ouvrière de Birmingham, en Angleterre, vit un couple, Ray et Liz avec leurs deux enfants. Le film, construit comme un triptyque, démarre avec Ray, seul dans un environnement glauque, un appartement social où il est en quelque sorte relégué. Le seul lien social qui lui reste, c’est un voisin, Sid, qui lui apporte sa dose d’alcool fabriquée maison et ses cigarettes.

Gros plan sur une mouche, une main tremblante, un verre et la photo — style photomaton — d’un couple. Cela résume l’univers de Ray. C’est d’ailleurs la photo qui amorce un passage vers un autre espace-temps… Flask back vers une époque où les parents du réalisateur, Ray et Liz, se débrouillaient tant bien que mal avec des allocations qui ne permettaient pas toujours de finir le mois. Liz, imposante et tatouée, s’occupe entre puzzle, télé, cigarettes et gueulante, Ray boit, Richard observe et joue avec ses copains dans la rue, Jason, le petit dernier, est gardé par son oncle quand les parents s’absentent.

Chaque détail, chaque objet a son rôle dans la reconstitution du premier acte des années 1980, la période sans doute la plus « souriante ».
La plongée dans les années Thatcher est plus vrai que nature, le deuxième acte du film est encore plus sordide. Du pavillon ouvrier, on passe au logement social dans un immeuble concentrationnaire. Jason a grandi, Ray ne dessoule pas et l’électricité est coupée. Jason s’occupe en balançant divers objets par la fenêtre et finalement il décide de fuguer.

Le photographe réalisateur Richard Billingham revient, dans un premier long métrage, sur trois époques de sa vie familiale plutôt déglinguée, à savoir durant son enfance et son adolescence. Ray et Liz, c’est du réalisme à l’état brut, une représentation sans concession d’un sous prolétariat britannique oublié, qui n’a même pas l’idée de protester. La résignation est la norme, comme la cigarette et la boose… «  Il est 9h30 du matin et tu es déjà bourré », remarque Liz au cours d’une visite hebdomadaire à son mari. On peut voir le film comme une rétrospective sociale, un constat des dégâts du thatcherisme, ou encore la vision inhabituelle d’un sous prolétariat condamné par avance à l’écartement, à l’éradication sociale. Dans ce cas, la marginalisation n’a rien d’attrayant, elle est désespérée.

« L’histoire me trottait dans la tête depuis vingt ans [explique le réalisateur], mais je n’avais jamais réussi à la mettre par écrit. Après avoir décidé que je travaillerai sur le format d’un film, j’ai rédigé une première version. J’avais à l’esprit l’histoire de mon oncle. Je l’ai écrite en deux heures, dans un train. Je me suis retrouvé à décrire des gestes, un langage corporel, même la façon dont ils pourraient s’asseoir. C’était très clair pour moi. En l’écrivant, j’avais des regards, des attitudes, des sons déjà définis. »
Ray and Liz de Richard Billigham ou le regard sur une classe sociale bousillée par le thatcherisme… Un triptyque du chaos et de la dégringolade. Ray and Liz de Richard Billingham sur les écrans le 10 avril 2019.

Les Oiseaux de passage
Film de Cristina Gallego et Ciro Guerra (10 avril 2019)

Au tournant des années 1970 en Colombie, le commerce de la marijuana avec les Etats-Unis va provoquer la naissance des cartels de la drogue, une guerre entre les clans amérindiens et la destruction de cultures ancestrales. Cristina Gallego et Ciro Guerra construisent le film dans une chronologie en cinq actes, à la manière d’une tragédie antique, autour de laquelle s’articulent les traditions indiennes Wayuu, les codes de l’honneur et de la famille, qui ne sont pas sans rappeler ceux de la mafia.

Après un premier film fascinant, l’Étreinte du serpent, les deux cinéastes récidivent avec un film implacable sur les méfaits du trafic de la drogue et la perte de valeurs. Pour Ciro Guerra, les Oiseaux de passage est à la fois un « film noir, un film de gangsters », une « tragédie grecque et un conte de Gabriel Garcia Marquez », si tenté que « les genres sont devenus les archétypes mythiques de notre temps ». C’est également, ajoute Cristina Gallego, « une métaphore de notre pays, une tragédie familiale qui devient aussi une tragédie nationale. En parlant du passé, elle nous permet de mieux comprendre où nous en sommes aujourd’hui ».

Rarement un film a montré avec cette puissance évocatrice des images de l’enchaînement irrémédiable de la violence et de la destruction, où la fatalité tient lieu de règle et d’épilogue. Un film puissant et magistral.
Les oiseaux de passage est à voir le 10 avril.

Seule à mon mariage
Film de Marta Bergman (17 avril 2019)

Entretien avec la réalisatrice
Après une fiction, Carmen et Lola d’Arantxa Etchevarria, et un film documentaire, 8 avenue Lénine. Heureuse comme une Rom en France de Valérie Mitteaux et Anna Pitoun, voici que sort le 17 avril un film qui poursuit par son récit l’étude des femmes roms et leur besoin d’autonomie. Carmen et Lola d’Arantxa Etchevarria nous immergeait dans une banlieue de Madrid et mettait en scène l’amour de deux jeunes filles roms. Tabou impensable dans une société aux coutumes rigides qui considère l’homosexualité féminine comme une maladie ou une sorte de possession maléfique.

Après l’histoire d’amour de Carmen et Lola, le film documentaire 8 avenue Lénine. Heureuse comme une Rom en France est un document important. Pendant une quinzaine d’années, les réalisatrices ont suivi la lutte d’une femme rom roumaine, Salcuta, pour obtenir le droit de vivre dignement en France où elle a choisi de s’installer, malgré les politiques discriminatoires en cours.

Si ce film met à mal tous les a priori à l’encontre des Roms, il en est de même pour le film de Marta Bergman, Seule à mon mariage, qui dresse le portrait d’une jeune femme rom roumaine, déterminée à choisir un autre destin que celui qui lui est réservé. En rupture avec les traditions, elle décide de partir « ailleurs » et se lance dans la recherche d’un fiancé « correct ».

Pamela est certes décidée, mais elle n’est pas naïve et, comme elle dit à l’agence matrimoniale, pas question de partir pour tomber sous la coupe d’un proxénète. Cela implique cependant qu’elle laisse derrière elle sa grand-mère et sa petite fille, du moins momentanément. Pamela est issue d’une famille où les femmes élèvent seule leur enfant.

Trois histoires de femmes roms dont un des points communs est à coup sûr le désir d’émancipation.
Seule à mon mariage de Marta Bergman est en salles le 17 avril 2019)

Jusqu’au 20 avril dans de nombreuses salles
PANORAMA DES CINÉMAS DU MAGHREB ET DU MOYEN ORIENT
14e édition

Avec notamment la réalisatrice Kaouther Ben Hania
La Belle et la meute
Les Pastèques du Cheikh
Zaineb n’aime pas la neige
Le Challat de Tunis

Et un focus sur le cinéma tunisien, mais pas que…
pcwwo.org

La Familia
Film de Rondon Cordova (10 avril 2019)

Caracas. Des gosses jouent dans une cité où la violence est omniprésente, dans les jeux même, où le racket et les rapines sont synonymes de débrouille pour survivre. Pedro, un gosse de 12 ans, traîne dans la rue, la mère n’est plus là et le père est très souvent absent ; il bosse dans plusieurs endroits.

La catastrophe survient lorsque Pedro blesse gravement un gamin qui menaçait son copain, et son père comprend immédiatement la menace, cela signifie qu’ils sont en danger de mort. De cachettes improvisées en boulot aléatoire, le père et le fils se disputent sans cesse, Pedro retourne dans son quartier et apprend que son ami a été descendu à sa place. Le prix du sang. C’est à nouveau la fuite et, au final, la tentative de se retrouver pour le père et le fils…

La Familia a été présenté au festival Cinélatino de Toulouse en 2018, il sort sur les écrans le 10 avril, dans un contexte social et une actualité politique dramatique au Venezuela.

Love Cecil (Beaton)
Film documentaire de Lisa Immordino Vreeland (10 avril 2019)

Photographe, écrivain, peintre, créateur de costumes et de décors pour le cinéma, Cecil Beaton était certainement un écho de son temps, mais peut-être aussi au-delà par son sens de la mise en scène d’un univers photographique particulier. Certes il a occupé les pages de magazines renommés et consensuels comme Vogue ou Life, mais en même temps, il a su garder une originalité et jouer avec les changements culturels du XXe siècle. La réalisatrice Lisa Immordino Vreeland fait, avec son film documentaire qui mêle archives filmées et photographies, le portrait sensible d’un créateur imaginatif et complexe.
Love Cecil est sur les écrans le 10 avril.
Recréer un univers par la photo, c’est ce que fait également le cinéaste, peintre et photographe, Richard Billingham, interviewé dans la première partie des chroniques avec son film Ray and Liz. C’est également ce qu’évoque le travail photographique de Caroline Barbarit à Montpellier.