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Samedi 6 juillet 2019
Prenez garde à la peinture et… À Francis Picabia Film de Rémy Ricordeau. Inna de Yard de Peter Webber. Her Smell d’Alex Ross Perry
sur DVD
Article mis en ligne le 7 juillet 2019
dernière modification le 29 mai 2019

par CP

Prenez garde à la peinture … Et à Francis Picabia de Rémy Ricordeau
Entretien avec le réalisateur.

Inna de Yard
Film de Peter Webber (10 juillet 2019)

Her Smell
Film d’Alex Ross Perry (10 juillet 2019)

Prenez garde à la peinture … Et à Francis Picabia de Rémy Ricordeau

« Le goût est fatigant comme la bonne compagnie ». « La peinture est faite pour les dentistes ». « L’art est un produit pharmaceutique pour imbéciles ». Autant de phrases qui s’inscrivent dans la provocation et, surtout, dans la détermination de passer vraiment à autre chose.

La vie de Francis Picabia est entourée de légendes, que d’ailleurs il a entretenu, la principale demeurant peut-être celle de faussaire. Un faussaire génial, qui pouvait autant jouer de l’imposture critique que de l’humour le plus acerbe. Peintre, écrivain, poète, Picabia est certainement l’un des artistes les plus inventifs de l’art moderne, de même que celui qui se prenait le moins au sérieux. La vitesse, comme « la vie dans tous ses excès était à ses yeux préférable à son œuvre ; et le jeu des passions à la morbidité des dogmatismes. »

Le nouveau film de Rémy Ricordeau, dans la mouvance de la révolution surréaliste, nous fait découvrir, après son film sur Benjamin Péret, un créateur finalement assez méconnu, non seulement en raison des légendes à son encontre, mais aussi pour la diversité des styles qu’il a développés dans une œuvre prolifique. Le DVD du film Prenez garde à la peinture et… À Francis Picabia s’accompagne d’un livret sur son parcours de vie et son œuvre en mouvement.

« Picabia est l’inventeur du détournement  » explique Jean-Jacques Lebel, l’un des intervenants dans le film. Quant aux métaphores dans ses peintures, dans ses dessins, elles sont liées à la sexualité. « C’est la peinture du désir, du désir non censuré », disait André Breton.

Saper l’art, saper les habitudes en introduisant les mots dans la peinture, semer du doute dans l’image ; Picabia en est le précurseur au sein du foisonnement de ses idées. Il s’est imprégné de New York, qui a été pour lui un choc architectural, ce qui a par exemple inspiré ses dessins de machines. Picabia avait le sens du subversif, de la publicité, de la communication. C’était aussi un meneur et un mécène qui a financé des salles, des événements, des revues…

Prenez garde à la peinture et… À Francis Picabia de Rémy Ricordeau « propose ainsi de retracer la vie de Francis Picabia en soulignant l’importance de sa singularité dans l’histoire intellectuelle et artistique du XXe siècle. » S’il a décrété, avec Marcel Duchamp, la mort de l’art, Francis Picabia n’en est pas moins une référence importante pour qui s’intéresse à l’art moderne et à son influence essentielle. Mais pas question de se prendre au sérieux, il vaut mieux encore le citer :

« Messieurs les artistes
Foutez nous donc la paix
Vous êtes une bande de curés
qui voulez encore nous faire croire à dieu.
 »

Inna de Yard
Film de Peter Webber (10 juillet 2019)

C’est bien plus qu’un film musical… Inna de Yard est un collectif de chanteurs légendaires de reggae, qui remontent aux sources de leur musique. Inna de Yard signifie « dans la cour », puisque c’est là en fait que sont nées les musiques jamaïcaines : le ska, le rocksteady et le reggae. La cour, en fait c’est la terrasse d’une maison perchée sur les hauteurs de Kingston, où vingt musiciens et musiciennes se retrouvent pour enregistrer un disque exceptionnel. L’album regroupe des interprètes mythiques tels que Ken Boothe, Kiddus I, Winston McAnuff, Cedric Myton, les Viceroys, Horace Andy et Judy Mowatt, ainsi que des espoirs de la nouvelle génération reggae — Jah9, Var, Kush McAnuff et Derajah. Ensemble, ils et elles revisitent les grands titres de leur répertoire dans une nouvelle orchestration acoustique, piano, basse, guitare sèche, percussions traditionnelles, cuivres, un accordéon et, en bonus, l’ambiance de la nature jamaïcaine.

De cet enregistrement et de sa passion musicale jamaïcaine, Peter Webber tire un film, qui met non seulement en vedette l’univers musical des artistes, mais aussi les caractères de chacun et de chacune, leurs parcours de vie, leur engagement, l’originalité et la beauté de leur musique, qui tient tout autant de la soul, du gospel que des croyances rastafari. Le film rassemble des gloires anciennes de la musique jamaïcaine et celles de la jeune génération… Pour le plaisir de jouer ensemble, de partager et de transmettre. Inna de Yard, c’est un film, c’est un album et c’est aussi une tournée mondiale… À voir et à écouter !

« Ayant grandi dans l’ouest de Londres durant les années 1970 [explique le réalisateur], j’ai baigné dans le reggae qui était partout. Il y avait là une communauté jamaïcaine importante et bien établie, et le carnaval de Notting Hill – la plus grande manifestation de rue de la capitale – vibrait au son de cette musique. Par ailleurs, les jeunes groupes punk-rock, qui étaient les plus branchés du moment, étaient fascinés par son imagerie et sa musique. Si on était fan des Clash, ce qui était mon cas, il était impossible de passer à côté du reggae. L’inlassable promotion qu’ils faisaient de ce nouveau son vital venu de la Jamaïque, leur tristement célèbre voyage sur l’île en 1978 qui leur inspira la chanson Safe European Home, leurs allusions permanentes à des artistes de reggae – de Prince Far I à Delroy Wilson – ont eu sur moi un impact considérable, au même titre que leurs reprises – de Police and Thieves à Armagideon Time. »

On l’aura compris, Peter Webber était et reste un fan de cette musique. Ne pas oublier le film mythique de Perry Henzell, sorti en 1972, The Harder They Come (en français Tout, tout de suite), qui est un voyage social et politique en Jamaïque, avec l’une des plus belles bandes son du cinéma. La force des textes et la puissance de la musique demeurent…

« Une nouvelle génération de fans a découvert les airs classiques et les interprètes des années 1970, et a entretenu la flamme du reggae. Vieil admirateur de cette musique, c’est avec enthousiasme que je me suis récemment rendu en Jamaïque pour rencontrer certaines de mes idoles de l’époque, en pleine forme et toujours en activité. L’excitation d’approcher ces musiciens, d’écouter leur récit des tout débuts, quand la scène en était à ses balbutiements, de la façon dont ils ont survécu aux années de vaches maigres qui ont suivi, puis de leur come-back, au cours de ces dernières années, a été très inspirante. Il était tout aussi passionnant de faire la connaissance d’artistes reggae de la nouvelle génération, des jeunes dont l’impertinence n’enlève rien au respect qu’ils ont pour leurs aînés et qui sont fiers d’apporter une touche de modernité au genre. Il m’a paru évident qu’il y avait là matière à faire un documentaire fascinant, qui suivrait les plus charismatiques de ces personnages, retraçant les hauts et les bas de leur vie. Issus des bidonvilles ou de régions rurales, ceux-ci ont fui la misère pour aller faire le tour du monde. Les anciens, que j’écoute et admire depuis des années, ont survécu à des maisons de disques véreuses, aux gangs de rue, à de violentes luttes politiques et, à l’aube de leur septième décennie, ils ont des histoires à nous raconter – qui font tour à tour froid dans le dos et chaud au cœur. […] Quant aux jeunes, il était difficile de ne pas se laisser emporter par l’exubérance débridée de leur musique, le pouvoir de leur voix, leur conscience politique et les histoires qu’ils ont eux aussi à raconter. »

Le résultat est un film magnifique ! Peut-être encore plus fort que celui réalisé sur la musique cubaine par Wim Wenders, Buena Vista Social Club
Inna de Yard de Peter Webber sort le 10 juillet, Inna de Yard c’est aussi un album sorti en avril et, en ce moment, c’est un concert mondial.

Autre sortie le 10 juillet :
Her Smell d’Alex Ross Perry

Sur scène et dans les coulisses un groupe de filles punk rock… Becky, la star du groupe, interprétée par Elisabeth Moss, incroyable, adopte un comportement complètement auto-destructeur. L’alcool, la drogue, tout y passe et tout dérape pour le groupe, de même que l’inspiration de She — nom de scène. Becky fout décidément tout en l’air.

Une ambiance scène trash, un filmage de concert avec des trouvailles, une musique formidable et des interprètes étonnantes, Elisabeth Moss, Cara Delevingne, Amber Heard, mais les autres aussi.