Chroniques rebelles
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Samedi 9 novembre 2019
Divertir pour dominer. La culture de masse toujours contre les peuples. Revue {Réfractions} N° 42 « Rencontres inattendues, alliances improbables ». Le bel été de Pierre Creton. Koko-di Koko-da de Johannes Nyholm. 3 films d’animation : Zibilla ou la vie zébrée d’Isabelle Favez, Tout là-haut de Martina Svojikova, Le Dernier Jour d’automne de Marjolaine Perreten.
Article mis en ligne le 8 novembre 2019
dernière modification le 16 octobre 2019

par CP

Divertir pour dominer 2
La culture de masse toujours contre les peuples

Dirigé par Cédric Biagini et Patrick Marcolini

Lectures par Nicolas Mourer :
le stade pornographique du capitalisme — du soft porn à la torture porn — et la gamification du monde.

Revue Réfractions N° 42
« Rencontres inattendues, alliances improbables »

Le bel été de Pierre Creton (13 novembre 2019)

Koko-di Koko-da de Johannes Nyholm (13 novembre 2019)

Trois films d’animation : Zibilla ou la vie zébrée d’Isabelle Favez, Tout là-haut de Martina Svojikova et Le Dernier Jour d’automne de Marjolaine Perreten.

Visionnage boulimique de séries, addiction aux jeux vidéo, gamification des activités sociales, consommation devenue divertissement ordinaire, pornographie banalisée, invasion des musées par les marques, etc.
Aucun espace n’échappe aux productions culturelles du capitalisme hypermoderne et « branché », cela va de soi. Le culte du fun, de la transgression tendance et programmée, la quête de sensations fortes sans réflexion au final, l’exaltation du narcissisme fabriquent en quelque sorte un nouveau type d’individu, autant de pratiques qui en développent le processus.

Face à cette déferlante, certain.es voient dans cette culture de masse l’art de notre temps, un reflet de la société "démocratique", mais rebelle. D’autres s’évertuent à dépister les stéréotypes, les rapports de domination, histoire de fantasmer une possible réappropriation des contenus.

Divertir pour dominer — second ouvrage collectif sur la question — se veut à contre-courant de cette mode et s’inscrit dans la critique du spectacle, de l’aliénation et des modes de vie capitaliste. C’est une démarche d’analyser les derniers avatars de la culture de masse — efficaces et omniprésents —, qui domestiquent les esprits.

Dans une précédente émission, il s’agissait « Du virtuel dans l’art et dans les musées en particulier » et de l’addiction aux séries.
Il est aujourd’hui question d’autres domaines, la pornographie, le cinéma porno, l’évolution du porno au cinéma gore et la gamification du monde.
alisme — du soft porn à la torture porn — et la gamification du monde.
Divertir pour dominer dirigé par Cédric Biagini et Patrick Marcolini aux éditions l’échappée.

Revue Réfractions N° 42
« Rencontres inattendues, alliances improbables »

Après le livre Divertir pour dominer, Réfractions — revue de recherches et d’expressions anarchistes ¬—, traite dans son n° 42 : Des « Rencontres inattendues, alliances improbables »… Un numéro où l’on retrouve le mouvement des gilets jaunes
Où l’on retrouve les Gilets Jaunes…

« L’idée d’un numéro centré sur les alliances improbables auxquelles l’activisme des libertaires pouvait donner lieu (ou dans lesquelles il pouvait s’inscrire) avait germé bien avant que le mouvement des gilets jaunes ne fasse irruption dans l’espace public. Il s’agissait primitivement d’interroger ce que produisait la rencontre dans un laps de temps plus ou moins long entre des personnes venues d’horizons parfois très différents à l’occasion d’une commune opposition au racisme, à la condition faite aux sans-papiers ou aux sans-logis, dans des luttes contre de grands projets inutiles, plus récemment encore à l’occasion des mobilisations sur le climat, etc.

À défaut d’être objectivement improbables, de telles rencontres, en tant qu’elles transgressent les frontières sociologiques (entre paysannerie, prolétariat ou sous-prolétariat et petite-bourgeoisie intellectuelle), idéologiques (entre catholiques et anarchistes dans le cas de mobilisations pour les sans-logis ou les migrants), ou tout simplement les frontières du militantisme, sont en tout cas inattendues. Elles ont pour premier effet de remettre en cause le confort plus ou moins résigné de l’entre-soi sociologique ou militant. Tout aussi inattendue était la bruyante confirmation de l’actualité de cette réflexion par le phénomène proprement extraordinaire que représente le mouvement des gilets jaunes. Par-delà l’unité du code vestimentaire, ce mouvement a en effet été d’une diversité exceptionnelle : dans ses revendications, dans ses modes d’organisation ou de refus de l’organisation, dans sa composition sociale, du point de vue de l’expérience militante des personnes qui s’y sont engagées, dans son rapport à la question de la représentation etc. Cette diversité contribue à expliquer les réactions ambivalentes qu’il a pu susciter ».
Lectures par Nicolas Mourer

Le bel été de Pierre Creton (13 novembre 2019)

La démarche habituelle de Pierre Creton — « Filmer à partir d’une rencontre  » — il la poursuit dans Le bel été. Le film est en effet une rencontre. Il va partager le quotidien d’une association — « Des lits solidaires » —, et s’immiscer également dans l’intimité d’ami.es qui décident d’accueillir Nessim et deux jeunes venus d’Afrique. Là-bas, la situation politique représente une menace, alors ils ont traversé la Méditerranée et vivent ensemble, avec Robert, Simon et Sophie le temps d’un bel été, en Normandie.

Au début, il y a la mémoire de Calais, de la jungle rasée et des « fantômes » dont l’espace garde les traces, même effacées. Le regard de Nessim décrit sans le dire cet espace où était auparavant la jungle.

Le Bel été n’est pas un film qui parle des victimes d’États technocrates ayant oublié « le plus jamais ça », non c’est un film sur les rencontres, la littérature, sur l’apprentissage, les projets, les rêves de communauté, d’amour et de création, un havre d’espoir dans un monde qui le bannit pour toute une partie de l’humanité. « Mon désir de cinéma [dit Pierre Creton] est de filmer ce qui advient dans la (ma) vie, entre l’espace de la rencontre et celui de l’engagement, il y a l’espace de l’amitié. […] Je n’ai pas envisagé Le Bel été comme un film politique, pas davantage que mes autres films. Je pense que l’intime est politique, sans doute aujourd’hui plus que jamais. »

Pierre Creton a une autre manière de filmer et de raconter — comme déjà dans Va Toto —, entre documentaire, fiction et récit poétique, mais finalement on se moque bien d’y mettre des étiquettes à ses films, et à ce film en particulier, sur l’amitié, l’attirance, l’amour, le partage… Accompagné en voix off par la voix de Sophie Lebel, le film déroule la vie au jour le jour de personnages, que l’on désire connaître, dans une maison où les animaux s’épanouissent, les lectures s’échangent, et où la mer est présente à tous les moments.

Pierre Creton décrit ainsi la communauté : « les personnages semblent parfois au bord du gouffre. C’est le cas de Sophie sur le bateau ou sur la chaise d’arbitre, de Nessim dans la forêt, de Simon dans la manière dont il vit l’évolution de sa relation avec Robert. Étrangement, seuls les garçons semblent confiants. » J’ajouterai que la jeune Flora y ajoute aussi une part ludique dans sa complicité avec les deux jeunes. C’est aussi un film sur l’amitié dans lequel passent, entre autres, Mathieu Amalric et Nicolas Klotz.

La descente joyeuse vers la mer ajoute certainement à l’impression de « film solaire », de même que la musique des Limiñanas y tient un rôle comme les créations de Robert regardées par Nessim — « l’art soigne mieux que la religion, parce qu’il instruit les hommes des raisons de leurs blessures, sans rien leur promettre. » Sans rien leur promettre… Et il y a la présence étonnante de Gilberte, l’ânesse, dans l’atelier… « Tout est vivant, dans ce monde envahi par la mort. »
Le bel été de Pierre Creton est à voir en salles le 13 novembre.

Koko-di Koko-da de Johannes Nyholm (13 novembre 2019)

Tout part d’une boîte à musique, de celles que l’on offre aux enfants pour se souvenir des comptines de l’enfance. Celle–ci s’appelle le Coq est mort et sur la boîte à musique sont dessinés des personnages, un homme au canotier, qui entraîne dans son sillage un homme des bois aux allures d’ogre, une femme énigmatique, grande brune impavide et prête à jeter un sort ou à tirer un coup de révolver… et un chien, plutôt un molosse prêt à l’attaque.

C’est l’étrange prélude du film Koko-di Koko-da qui s’apparente au rêve, au conte, et même à de l’écriture automatique façon surréaliste… Une affaire de regard, car on est bien en mal de dire si les personnages dessinés existent dans la réalité ou dans les mythes.

La veille de son anniversaire pour ses huit ans, la fillette d’un couple meurt avec la boîte à musiques près d’elle… Traumatisés par cette disparition brutale et confrontés au vide laissé par l’enfant, les parents partent camper quelques années plus tard dans une forêt mystérieuse, froide et inquiétante. Le voyage fait apparaître le malaise latent existant au sein du couple, et la solitude de la forêt en exacerbe l’expression. La tente installée, le couple s’endort et, avant l’aurore — entre chien et loup —, le cauchemar s’immisce violemment avec des personnages extrêmement hostiles et malfaisants sortis du mythe. Le cauchemar se répète encore et encore, avec quelques variantes mais avec une fin identique : la caméra se retire, s’éloigne et s’élève comme si la tragédie s’arrêtait à un point ultime. Pour reprendre à l’infini avec le début du voyage des parents, enfermés dans la mort de leur petite fille.

La répétition des violences débute par le regard de la mère scrutant la nature depuis la tente, sans qu’elle anticipe le déchaînement qui va suivre… Les cauchemars à répétition semblent d’ailleurs émaner du père, — un voyage dans le deuil et dans la culpabilité. Hormis le dernier rêve, où un chat blanc magique invite la femme à le suivre, les cauchemars traduisent-ils l’angoisse, le déni, l’incapacité du père à défendre sa famille ? Et l’histoire se perpétue, se répète avec les mêmes gestes et les mêmes images terrifiantes.

Pourquoi alors ne pas quitter les lieux et rompre ainsi l’enfermement de cette clairière horrifique ? Mais l’enfermement ne correspond-il pas au déni de la mort de l’enfant et à la souffrance que le couple vit depuis ? La comptine ponctue chaque saynète comme pour rappeler l’anniversaire tragique. « C’est une chanson pour enfant, à la fois naïve et effrayante [explique le réalisateur]. Le coq continue de chanter “Koko di koko da”. Il est mort, mais pas tout à fait. Cela renvoie à nouveau aux limbes, au fait d’être mort sans l’être complètement. La structure répétitive du film vient aussi de ce morceau ». Et toute l’énergie du film, poursuit-il, vient de la boîte à musique : « Elle le contient tout entier et renferme sa musique, son intrigue et ses personnages. Cette boîte renforce aussi le caractère claustrophobe du film. »
C’est dans le théâtre d’ombres, avec la famille lapin, que les clés se glissent. Il y a l’ouverture grâce à la magie féline alors que l’enfermement des parents se résume à leur refus de voir s’envoler l’oiseau coloré.

Koko-di Koko-da est un conte-cauchemar peuplé d’animaux et animé par des personnages inspirés des songes du réalisateur, qui se dit influencé par Le Maître et Marguerite de Boulgakov.
Koko-di Koko-da de Johannes Nyholm, un conte cruel et un monde de méandres structurées par l’inconscient. Le film est en salles le 13 novembre 2019.

Sort également le 13 novembre un film de isabelle Favez, Zibilla ou la vie zébrée , pour les très jeunes, mais pour les autres aussi. Le dessin, l’histoire et l’animation sont magnifiques.

Zibilla, jeune zèbre adoptée par des parents chevaux, subit les moqueries de ses camarades dans sa nouvelle école. Du coup elle a du mal à accepter ses rayures… Alors la voilà qui part à l’aventure dans un cirque où elle va libérer un lion et se faire plein d’ami.es. La différence, c’est super !

En complément de programme, deux courts métrages d’animation : Tout là-haut de Martina Svojikova , belle histoire sur l’altérité. Un couple de girafes et leur petit girafon font les touristes en Europe…

Et Le Dernier Jour d’automne de Marjolaine Perreten . Une course de vélos pas du tout comme les autres. Histoire sans paroles, mais pleine de surprises.
3 films d’animation pour tous et toutes sur les écrans le 13 novembre.