Chroniques rebelles
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Samedi 3 avril 2021
Malavida : une collection cinématographique. Rencontre à la librairie Quilombo. Revenir à Naples de Paco-Ignacio Taibo II. Bande de colons. Une mauvaise conscience de classe d’Alain Deneault
Article mis en ligne le 7 avril 2021
dernière modification le 9 avril 2021

par CP

Malavida, c’est une collection et un travail sur la cinématographie rare, subversive aussi et surprenante. C’est la raison de cette rencontre avec Anne-Laure, Lionel et Fabrice dans la Boutika à Pigalle, une boutique de quartier où s’affichent un cinéma sans frontières et des créations cinématographiques aussi diverses qu’originales…

La première impression au vu du catalogue Malavida, c’est l’ouverture, la curiosité, la démarche de faire connaître un autre cinéma, de prendre des chemins cinématographiques de traverse. Initiatrice et initiateur de la collection Malavida, Anne-Laure et Lionel se passionnent d’abord pour le cinéma d’Europe de l’Est, du Nord, de la marge, animé.es tous deux par l’idée d’échange et de passage de connaissance, et très vite le champ s’élargit… Fabrice, créateur de la ligne graphique de la collection, et Marion les rejoignent notamment au sein de l’équipe Malavida, qui présente une collection exceptionnelle de films restaurés et rares en salles et sur écran personnel.

Récompensée par le Prix de la Meilleure collection DVD/Blu-Ray décerné par le syndicat français de la critique de cinéma, la collection collector Malavida se situe, comme le souligne Anne-Laure, « au carrefour de la salle de cinéma, qui nous manque, et de l’édition DVD, dont on tient absolument à défendre le support. » Des mots très justes pour décrire la place du cinéma et ses œuvres physiques dans la société. Non, la dématérialisation des œuvres cinématographiques ne remplace pas le plaisir d’aller en salles ou de revoir quand on le désire les films de notre choix.

Dans un moment où nous sommes privé.es de cinéma en salles, bienvenue donc dans cet antre de merveilles cinématographiques, la Boutika, avec Fabrice qui nous en fait faire le tour avant l’arrivée d’Anne-Laure et de Lionel…

Quilombo : une librairie associative dans le 11ème arrondissement, rue Voltaire

Quilombo, on s’y sent bien, on s’y meut à l’aise, et l’œil est très vite attiré par les bouquins présentés par thème… Rencontre avec Jacques, véritable passionné de lectures et curieux à tout prix des textes qui passent à sa portée comme à celle de ceux qui animent la librairie.

Revenir à Naples de Paco-Ignacio Taibo II
Traduction et postface de Sébastien Rutés (éditions Nada)

Veracruz, vers 1900. Un groupe d’anarchistes italiens, fuyant la misère et la répression, débarque au Mexique pour y fonder une commune agricole. Parmi eux, un prestidigitateur, une poétesse, un boxeur, une prostituée et même un curé.
Mais, face à un gouvernement corrompu et des propriétaires terriens voraces, les apprentis paysans voient leur rêve d’une vie nouvelle vaciller. Pris dans la tourmente d’une révolution qui s’annonce, ils devront choisir leur camp.
Quatre-vingts ans plus tard, hanté par de vieux démons, Lucio Doria, le cadet de la bande, entreprend un retour rédempteur à Naples.
Humour et tragédie se conjuguent dans ce roman de Paco Ignacio Taibo II qui nous plonge au cœur des espoirs brisés des luttes révolutionnaires du XXe siècle.
« Ceux-là sont mes fantômes. Je n’aimerai jamais personne autant que je les ai aimés. Et je ne trouverai le repos que le jour où je les rejoindrai dans ce paradis de justice où reposent désormais leurs rêves. »

Jetés aux ténèbres
Sandrine Berthet (éditions du Sonneur)

Septembre 1872 : la Danaé accoste en Nouvelle-Calédonie. À son bord, des communards envoyés expier de l’autre côté de la Terre leur désir d’une société plus juste. L’un de ces déportés, Étienne Delandre, nous fait le récit de leur lutte pour s’acclimater à ce bout d’ailleurs et pour surmonter dans cette prison à ciel ouvert, au milieu d’une nature saisissante et brutale, l’exil, le dénuement et l’oubli.
En butte à une administration pénitentiaire intraitable, confronté à une piètre société coloniale sans pitié pour les Canaques, Delandre n’a de cesse d’espérer une amnistie – et un retour en France.
Des barricades parisiennes aux terres rouges et âpres de l’archipel calédonien, Jetés aux ténèbres redonne vie aux acteurs de la Commune – épisode majeur de notre histoire –, à leurs engagements et à leurs espoirs insensés.

Enfin, coup de cœur des chroniques :
Bande de colons
Une mauvaise conscience de classe

Alain Deneault (LUX éditions)

Les chroniques avaient donné rendez-vous à Alain Deneault pour la suite de son feuilleton théorique sur « les Économies », après les trois premiers « épisodes » : l’Économie de la nature, L’Économie de la foi et L’Économie esthétique (parus chez LUX éditions), mais la pandémie — encore elle — contrecarre la rencontre prévue et la discussion autour des trois opus suivants de la « saga », à savoir l’Économie psychique, l’Économie conceptuelle et l’Économie politique. Le mot « économie », comme le souligne Alain Deneault, s’est en effet « décliné dans une constellation d’expressions couvrant plusieurs disciplines scientifiques et pratiques culturelles : la biologie, les sciences de la nature, la logique, les mathématiques, la théologie, la sociologie, la science juridique, la critique littéraire, la linguistique ou la psychanalyse ont chacune développé leur économie. Ce terme plurivoque a une multitude de sens que la “science économique” s’est employée à effacer ou à récupérer. »

Donc en attendant les suites de la série sur les économies, et de pouvoir en discuter avec son auteur, un mot sur un essai très intéressant qui, en revenant sur la colonisation du Canada et ses dénis, préconise d’abandonner le mythe du « bon sauvage » et d’inventer d’autres terrains d’entente pour un monde en devenir.

« Il s’agit d’asseoir le statut de colon en tant qu’il continue de nous conditionner aujourd’hui. Le peu de cas que nous avons fait de cette notion, au profit de celles usurpées de colonisé et du couple colonisateur-colonisé, explique les lacunes actuelles de notre conscience de classe. »

Le colon, figure mitoyenne qui ne se trouve ni dans la position invivable du colonisé ni dans celle, indéfendable, du colonisateur, est généralement relégué au statut de figurant du récit colonial. Complétant le diptyque de Memmi, Alain Deneault révèle ici l’idiot utile, voire indispensable, de l’accaparement du territoire, une figure qui n’existe qu’en solidarité absolue avec la classe qui le domine, mais dont l’impuissance politique et économique l’autorise à s’identifier, lorsque opportun, au colonisé.
Le décor où Alain Deneault campe son personnage : le Canada. Coincé entre un passé colonial qu’il veut oublier et un essor républicain sans cesse ajourné, ce territoire qu’on appelle « pays » n’excelle que dans la médiocrité de ses politiques d’extrême centre, mais il livre à la pensée politique un objet d’importance : la condition du colon qui fut celle de la majorité de sa population et qui le reste de mille façons inavouées.

Les musiques qui ont illustré les chroniques : Les bandes originales de Qui chante là-bas ? de Ailleurs (le film d’animation), et la musique d’Angelo Badalamenti. Ensuite des variations sur le Temps des cerises extraites d’un CD édité par Nato avec Tony Coe, « Les voix d’Itxassou », Wake Up venant d’un triple CD en soutien au Chiapas, La rivoluzione d’Ascanio Celestini, enfin La Canaille et la Semaine sanglante enregistrées sur l’album « la Commune n’est pas morte » avec Serge Utgé-Royo, Natacha Ezdra, Bruno Daraquy et Cristine Hudin.


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