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Samedi 1er février 2020
Front Noir 1963-1967. Surréalisme et socialisme des conseils. L’Écrivain devant la révolution. Benjamin Fondane (éditions Non lieu)
Article mis en ligne le 1er février 2020

par CP

Front Noir
1963-1967
Surréalisme et socialisme des conseils
(éditions Non lieu)

Textes choisis et présentés par Louis Janover et Maxime Morel

L’Écrivain devant la révolution
Benjamin Fondane.

suivi de « L’Histoire en face », dossier établi par Louis Janover (éditions Non lieu)
Un plaidoyer pour la liberté de l’esprit.
En compagnie de Louis Janover, Maxime Morel, Florian Langlais et Michel Carassou

Cinéma
L’Homme du Sud
Film de Jean Renoir (en salles le 5 février 2020)

La Cravate
Film documentaire d’Étienne Chaillou et Matyhias Théry (sortie le 5 février)

Front Noir. 1963-1967. Surréalisme et socialisme des conseils.
Textes choisis et présentés par Louis Janover et Maxime Morel pour les éditions Non lieu.
S’agissant de la construction de l’ouvrage, il comprend tout d’abord une étude de Maxime Morel sur la création de la revue Front Noir, sur le contexte historique et politique dont elle est issue. Ensuite un choix de textes, de même que des illustrations et des poèmes de Gaëtan Langlais, Le Maréchal, Georges Rubel et Manina. Enfin une postface de Louis Janover qui fut à l’origine, avec quelques autres, de la revue Front Noir.

Revenir à l’origine de la création de la revue est essentiel pour comprendre sa démarche initiale, qui découle des antagonismes au sein du mouvement surréaliste sur les questions politiques et le refus pour une partie de ses membres, d’être intégrée « dans le champ culturel de la gauche ». À cela s’ajoute « la primauté donnée à l’organisation d’expositions et à la critique d’art, la faiblesse des positions politiques […] inscrites trop profondément dans le mouvement pour espérer infléchir [une quelconque] évolution. » Alain Joubert y voit le début « d’une importante crise dans le surréalisme ». Autrement dit, l’art serait-il alors devenu la finalité du mouvement surréaliste ?

Entre 1955 et 1961, l’activité du groupe surréaliste se focalise en effet sur les questions artistiques. L’aspect politique du mouvement semble gommé au profit de l’esthétique, et l’on peut aisément se poser la question à propos de ce constat : « L’écart ne cesse de s’accentuer entre l’image que le surréalisme donne de lui-même, celle d’un surréalisme révolutionnaire, et le déroulement des expériences surréalistes qui font de l’art, et de la peinture notamment, le centre de gravité du mouvement. »

Juin 1963, le premier numéro de la revue Front Noir paraît, animé par des « conseillistes issu du groupe Socialisme ou Barbarie », ces derniers s’attachant « à démonter les mécanismes de la création artistique dans les sociétés de domination ». Quant à la dimension politique de la revue, elle est claire : opposition radicale au stalinisme et aspirations libertaires… Dans le même temps, « les participants [et les participantes] se réclament, à l’image de Benjamin Péret, de la révolte portée par le surréalisme ».

En écho à cette publication de la revue Front Noir, paraît, aux éditions Non lieu, l’Écrivain devant la révolution de Benjamin Fondane, préfacé par Louis Janover. En juin 1935, les communistes organisent le Congrès international des écrivains à Paris, afin de constituer un front antifasciste. Or, pour Front Noir, c’est au début des années 1930 que « les surréalistes abandonnent l’espérance initiale, celle d’une unité indissociable de l’art et de la révolution. » Dans sa présentation du texte de Fondane, Louis Janover souligne : « En vérité, dans le brouillon idéologique actuel, qui génère la confusion nécessaire aux fictions de la démocratie, le stalinisme n’est plus perçu comme un mouvement contre-révolutionnaire, mais comme un mouvement révolutionnaire, et c’est comme tel qu’il reste soumis à la critique. Revenir au Congrès des écrivains de 1935, c’est reprendre la question à zéro et trouver la véritable réponse. » [1]

« L’aspect fondamental, l’aspect permanent de la démarche surréaliste a toujours résidé dans l’exaltation passionnée des idées de Révolte et de Liberté, et dans la recherche méthodique et consciente des moyens nécessaires pour parvenir à une libération intégrale » de l’être humain. La publication de textes choisis de la revue Front Noir, entre 1963 et 1967, permet un regard critique, porté aujourd’hui, sur l’histoire des avant-gardes coincées dans leur mythe mémoriel ; l’ouvrage offre de fait des pistes de réflexion, soulève des questionnements, générant ainsi des résonances avec l’actualité. De même, ce que développe Benjamin Fondane dans L’écrivain devant la révolution, à savoir l’inquiétude au sujet de « l’autonomie que doivent conserver l’art et la poésie face à une idéologie dominante », demeure une question fondamentale concernant la création.

Du surréalisme, qui prônait l’unité de l’art et de la révolution, se dégageaient cependant deux tendances, dès ses débuts, qui permettent de comprendre son évolution. À ce propos, Louis Janover « distingue un surréalisme “qui fit de l’éthique révolutionnaire son infracassable noyau de lumière” et, à l’opposé, un surréalisme inscrit dans les courants modernistes qui, très vite, n’eut d’autres projets que la création d’une nouvelle esthétique. »
Est-ce à présent si différent ? À nous de dire et, pourquoi pas, de décider si la Révolution surréaliste résiste…

L’Homme du Sud
Film de Jean Renoir (5 février 2020)

Dans une copie magnifiquement restaurée, ce film tourné en 1945 dans l’arrière-pays californien est souvent en retrait de la filmographie de Jean Renoir, pourtant l’on y retrouve toute son originalité, son génie du cadre et de la lumière… Tiré du célèbre roman de George Sessions Perry, Hold Autumn in Your Hand, Renoir fait de cette histoire une ode à la nature et à la terre. Il y a dans ce film la poésie d’Une partie de campagne et la peinture sociale des Raisins de la colère de John Ford, tourné en 1940 d’après un roman de Steinbeck.

Le film s’inscrit dans un genre, la peinture sociale des années de la dépression avec le récit de la vie d’une famille états-unienne. Le premier plan se déroule pendant la récolte du coton. Sam et Nonna Tucker travaillent avec leur oncle comme saisonniers sur la plantation d’un grand propriétaire. L’oncle Pete, usé par le travail, a un malaise et, avant de mourir, dit à son neveu : « tu dois cultiver ta propre terre ». La précarité des travailleurs sans qualification, qui vont d’un job à un autre selon l’offre, la misère, le rapport au patron, tout est décrit avec une précision documentaire, de même les dialogues sont simples et précis, ancrés dans la réalité sociale. Sur la tombe de l’oncle Pete, Nonna regrette de ne pouvoir y mettre une stèle en pierre au lieu d’une simple croix de bois, « c’est pas pour nous, mais pour les riches » lui rétorque Sam.

Déterminé à suivre les conseils de son oncle, Sam reprend un terrain laissé en friche. Mais habiter une masure en ruine, où seul un poêle en fonte fonctionne, n’est guère encourageant lorsque l’hiver arrive. Le défrichage, la préparation du terrain, la maladie du petit garçon, le voisin aigri gêné par l’installation des Tucker près de sa ferme, la grand-mère qui râle… C’est tout un univers de la ruralité dépeint avec réalisme : les axes choisis, les profondeurs de champ, enfin la caméra saisit la magie des visages, des expressions, cela transcende le film en un long poème sur la lutte de cette famille contre les éléments. Le plan de la dévastation par une pluie diluvienne des récoltes, emportées par le fleuve est à la fois dramatique et magnifique.

Sam se décourage, il parle à son ami du travail de la terre sans rien recevoir en retour, il songe à partir en ville travailler en usine… Mais le foyer repart et les deux amis parlent de leur travail complémentaire, le paysan nourrit les ouvriers, et les ouvriers fabriquent les machines pour travailler la terre…
L’Homme du Sud échappe aux codes hollywoodiens de l’époque, sans doute parce que Renoir n’a bénéficié que d’un budget modeste, cela lui a permis de réaliser un film dans son style particulier, sans grandes vedettes, mais avec des comédiens et comédiennes remarquables. Un chef-d’œuvre de son exil états-unien.
L’Homme du Sud de Jean Renoir est sur les écrans le 5 février.

La Cravate
Film documentaire d’Étienne Chaillou et Mathias Théry (5 févtier 2020)

Assis dans un fauteuil, le jeune homme lit un récit de vie : le sien, celui d’un jeune militant du Front National. En voix off, les auteurs déroulent le fil narratif des images tournées à ses côtés.

La Cravate est un film-enquête fascinant par sa forme, une mise en scène étonnante, l’immersion dans les milieux d’extrême-droite durant la campagne présidentielle du Front national… Un grand film sur la machine politique et les coulisses du pouvoir…
La Cravate est en salles le 5 février.