Chroniques rebelles
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Samedi 11 juillet 2020
Ennemis d’État. Les lois scélérates, des « anarchistes » aux « terroristes » de Raphaël Kempf. Abu Leila de Amin Sidi-Boumediène. La Nuit venue de Frédéric Farrucci
Article mis en ligne le 16 juillet 2020
dernière modification le 15 juin 2020

par CP

Ennemis d’État
Les lois scélérates, des « anarchistes » aux « terroristes »

Raphaël Kempf (La fabrique)

Abu Leila
Film de Amin Sidi-Boumediène (15 juillet 2020)

La Nuit venue
Film de Frédéric Farrucci (15 juillet 2020)

En seconde partie des chroniques, il sera question de cinéma, notamment avec un entretien en compagnie d’Amin Sidi-Boumediène, réalisateur de Abu Leila, et de Lyès Salem et de La Nuit venue de Frédéric Farrucci (sorties nationales le 15 juillet)…

Ennemis d’État. Les lois scélérates, des « anarchistes » aux « terroristes ».
9 décembre 1893, Auguste Vaillant lance une bombe dans la Chambre des députés. Cette bombe ne tue personne, quelques députés sont légèrement blessés, cependant l’événement frappe les esprits parce que dirigé contre la représentation nationale. Ce sera pour le gouvernement, deux jours après l’attentat, le prétexte de faire voter des lois liberticides.
Presque cinq ans après, le 1er juillet 1898, Léon Blum publie dans La Revue blanche un texte intitulé Comment ont été faites les Lois Scélérates (que l’on pourrait d’ailleurs, selon la définition du dictionnaire, qualifier de loi criminelles) : Ces lois donc « permettent au premier “gouvernement fort“ qui surviendra de tenir pour nulle la loi de 1881 (sur la liberté de la presse), loi incomplète, mais libérale dans son ensemble, et l’une des rares lois républicaines de la République. Elles abrogent les garanties conférées à la presse en ce qu’elles permettent la saisie et l’arrestation préventive ; elles violent une des règles de notre droit public en ce qu’elles défèrent des délits d’opinion à la justice correctionnelle ; elles violent les principes du droit pénal en ce qu’elles permettent de déclarer complices et associés d’un crime des individus qui n’y ont pas directement et matériellement participé ; elles blessent l’humanité en ce qu’elles peuvent punir des travaux forcés une amitié ou une confidence, et de la relégation un article de journal. »

Cette critique des lois scélérates, destinées à casser le mouvement anarchiste à la fin du XIXe siècle, est particulièrement actuelle, « l’arbitraire des gouvernements de la IIIe République […] n’a rien à envier au président Hollande décrétant l’état d’urgence contre les musulmans ou les militants écologistes, non plus qu’à Macron et Castaner enfermant de façon “préventive” des gilets jaunes avant qu’ils ne rejoignent les manifestations. »

Le texte de Raphaël Kempf insiste sur ce point et donne de nombreux exemples sur ces lois d’exception qui « se normalisent avec le temps ; des lois ne visant que quelques groupes et finissent par toucher tout le monde ; le gouvernement joue avec la peur pour faire passer ses textes ; et ces lois donnent un pouvoir sans partage à la police et à l’État. »

Ennemis d’État. Les lois scélérates, des « anarchistes » aux « terroristes » est un livre important et utile, par son contexte historique et le lien qui est fait avec une actualité inquiétante. Il permet de mieux déceler les atteintes aux libertés faites en agitant la peur, en jouant sur l’émotion, d’une part, et en pratiquant une Novlangue comme celle qui décrit la loi anticasseurs comme « Une loi pour protéger le droit de manifester » !

Raphaël Kempf désamorce justement ce langage, donne des indices afin de comprendre les nouvelles lois scélérates qui se multiplient depuis 2014-2015, pour déboucher sur une perspective politique simple : « la demande d’abrogation des lois scélérates et l’amnistie des condamné.es qui en sont victimes. Cette exigence était portée à la fin du XIXe siècle par Émile Pouget, elle doit l’être aujourd’hui pour les opposants [et les opposantes] politiques et autres gilets jaunes lourdement condamné.es. »

Et le gouvernement décida de confiner les libertés
Raphaël Kempf a évoqué ses articles dans le Monde diplomatique, voici donc l’un des plus récents par l’auteur de Ennemis d’État. Les lois scélérates, des « anarchistes » aux « terroristes » publié à la fabrique. Le texte est lu par Nicolas Mourer.

Abou Leila de Amin Sidi-Boumediène
Entretien avec Amin Sidi Boumediène et Lyès Salem

Violence et désert, réalité et imaginaire, métamorphose et symbole du sacrifice, Abu Leila est construit comme un thriller politique et fantastique qui aboutit à un face à face démoniaque. Avec ce constat : « Un jour la guerre sera finie, mais tu auras toujours un pied dedans. »

Difficile de résumer le film d’Amin Sidi Boumediène et les réflexions qu’immanquablement il suscite… En effet, Abu Leila croise passé et présent, road movie dans le Sahara, exploration de l’histoire de la décennie noire algérienne, ses conséquences sociales, le terrorisme au quotidien et ses traces dans l’imaginaire et le vécu des personnages.

En 1994, deux amis d’enfance partent à la recherche d’un terroriste assassin, Abu Leila, qui se cacherait dans le désert. Lotfi fait partie d’un commando antiterroriste et S. est un simple policier, traumatisé et complètement flingué par les massacres.

Abu Leila, récit entre réalité et hallucinations, est certainement l’un des films les plus puissants sur la guerre civile algérienne — ou devrais-je dire la guerre faite aux civils —, c’est une véritable introspection de la barbarie.
La rencontre avec le réalisateur Amin Sidi Boumediène et Lyès Salem, l’un des comédiens, s’est déroulée dans le cadre du festival international du cinéma méditerranéen, à Montpelller, en octobre 2019. C’est une interview chorale à laquelle participaient plusieurs journalistes, dont Annie Gava de la revue Zibeline à Marseille. La première question posée a porté sur la sortie du film en Algérie dans une situation particulière, l’Hirak, soulèvement de la population contre le pouvoir algérien, ses dénis et sa corruption.
Abou Leila de Amin Sidi-Boumediène en salles le 15 juillet.

La Nuit venue de Frédéric Farrucci, le 15 juillet au cinéma

Paris, 2018. Jin, jeune immigré sans papiers, est un chauffeur de VTC soumis à la mafia chinoise depuis son arrivée en France, il y a cinq ans. Cet ancien DJ, passionné d’électro, est sur le point de solder « sa dette » en multipliant les heures de conduite. Une nuit, au sortir d’une boîte, une jeune femme, Naomi, monte à bord de sa berline. Intriguée par Jin intéressée par sa musique, elle lui propose d’être son chauffeur attitré pour ses virées nocturnes. Au fil de leurs courses dans la ville interlope, une histoire naît entre ces deux noctambules solitaires et pousse Jin à enfreindre les règles du milieu.