Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 18 juillet 2020
THEE WRECKERS TETRALOGY de Rosto.
Article mis en ligne le 17 juillet 2020
dernière modification le 19 juillet 2020

par CP

THEE WRECKERS TETRALOGY
de Rosto

Madre
Film de Rodrigo Sorogoyen
(entretien avec le réalisateur).

Tiempo despues
Film de José Luis Cuerda (22 juillet 2020)

Le Dernier prisonnier
Film de Bujar Alimani (22 juillet 2020)

Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio de De Sica (1970) (22 juillet 2020)

Mon Ninja et moi
Film d’animation d’Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen (15 juillet 2020)

Sur les écrans de manière éphémère en mars dernier, le film n’a pas bénéficié de la diffusion prévue, mais les différents supports, numériques et autres, permet cependant de connaître l’œuvre à la fois originale et inspirante de Rosto :
sorties CD, vyniles, DVD, le livre graphique et aujourd’hui la discussion autour de l’œuvre de Rosto en compagnie de
Nicolas Schmerkin (Autour de Minuit), d’Antoine Bieber (réalisateur, compositeur, illustrateur…) et de Francis Gavelle (animateur de l’émission Longtemps, je me suis couché de bonne heure sur Radio Libertaire).

Et en seconde partie de l’émission, des chroniques cinématographiques :
Les sorties en salles du 22 juillet 2020
Madre de Rodrigo Sorogoyen entretien avec le réalisateur
Tiempo despues de José Luis Cuerda
Le Dernier prisonnier de Bujar Alimani
Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio de De Sica en copie restaurée
Et enfin un film d’animation en salles depuis le 15 juillet, Mon Ninja et moi

Thee Wreckers TETRALOGY de Rosto.
Des images, des musiques, une déambulation fascinante dans l’univers surréaliste d’un artiste, Rosto, aux multiples dons et facettes créatives… En découvrant Thee Wreckers Tetralogy, c’est tout un pan des possibilités filmiques qui se révèlent par l’immersion dans un espace au delà de l’écran et c’est un choc.

Rosto, réalisateur, illustrateur et musicien nous entraîne dans un monde à la fois proche et onirique à l’extrême, un peu à la manière d’Alice lorsqu’elle goûte au champignon qui l’introduit à d’autres visions, d’autres regards… Et ce qui est peut-être le plus impressionnant, c’est la fabrication de cet univers qui, du point de vue de l’image, garde sa forme artisanale, ce qui en amplifie encore la caractéristique hallucinogène et la liberté du sans bornes.

En fait, il n’y a ni fin, ni commencement, juste des passages par l’eau, la mer, les éléments, la danse des oiseaux, qui scandent les différentes phases d’un récit visuel, musical, qu’il serait vain de vouloir séparer. Les deux supports sont à ce point imbriqués qu’il est impossible d’en disjoindre les effets. Indissociables les images et la bande son, qui représente selon Rosto une quatrième dimension, augmente l’espace du film : « le son vous englobe et vous pousse à l’intérieur du film ».

De Beheaded à Reruns, en passant par son roman graphique Mind My Gap, dont il devait faire un long métrage, chacune des œuvres de Rosto est, comment le dire, « un voyage entre le réel et l’imaginaire ». C’est également s’immiscer dans un univers fantasmé et libre.
 Rosto, en mettant en images ses mondes rêvés, en utilisant des techniques graphiques et cinématographiques, met en place une désinhibition des codes, des représentations et ouvre ainsi l’écran à des récits multidimensionnels et intemporels, de la mémoire de l’enfance au cauchemar, du souvenir au gouffre…

L’expérience de Thee Wreckers Tetralogy déclenche des émotions et des sensations étonnantes, dues sans doute à la musique au cœur du film, c’est aussi une impression du no limits, et d’abandon des critères habituels pour les films d’animation, musicaux ? « Cette tétralogie conçue comme un cadavre exquis (chaque nouvel épisode commence là où le précèdent se termine) met en scène la mort du groupe originel de Rosto THE Wreckers pour le voir renaitre sous la forme du groupe virtuel THEE WRECKERS. » Cadavre exquis, c’est bien le terme, car je n’ai cessé d’avoir en tête des textes construits, en écriture automatique, des animations, des processus surréalistes dans la lignée d’un Benjamin Péret, transcendant à la fois l’intime, l’introspection et le mythique… « Si vous faîtes un rêve seul, c’est un rêve. Si vous le faîtes à plusieurs, c’est la réalité »…

Et à part le film, Thee Wreckers TETRALOGY — fulgurante découverte —, la sortie d’un livre graphique, de DVD, coffrets, de vyniles…
https://theetetralogy.com/

Madre
Film de Rodrigo Sorogoyen
(entretien avec le réalisateur).

Le film est construit en deux parties, un court métrage, une sorte de prologue où un jeune enfant téléphone à sa mère lui disant qu’il est seul et perdu sur une plage des Landes alors qu’il est en vacances avec son père, et surtout qu’un homme s’approche menaçant… Ellipse et générique…

Dix ans se sont écoulés depuis que le fils d’Elena, âgé de 6 ans, a disparu. Dix ans depuis ce coup de téléphone où il était seul, sans son père. Elena a déménagé, à la recherche d’indices pour retrouver l’enfant disparu, elle travaille dans un restaurant de bord de mer. Dévastée par le drame, sans réponse et rêvant sans cesse de son enfant appelant à l’aide, Elena survit. Or un jour, elle croise un adolescent qui ressemble à son fils, il aurait le même âge et, brusquement, c’est un signe ou un espoir dans ce cauchemar sans fin…

Tiempo despues
Film de José Luis Cuerda (22 juillet 2020)

Avec Roberto Alamo, Blanca Suarez, Inaki Ardanaz
En 9177, le monde entier se retrouve réduit à un seul bâtiment officiel dans lequel vit « l’establishment » et, aux alentours, des banlieues crasseuses, habitées par tous les chômeurs et affamé.es du cosmos. Parmi tous ces misérables, José María décide de prouver qu’en s’opposant à l’inéluctable et mettre fin au déterminisme social, en vendant une délicieuse limonade de sa fabrication dans le bâtiment officiel, un autre monde est possible…

José Luis Cuerda est un réalisateur extrêmement connu en Espagne. Il débute comme réalisateur au début des années 1980. Deux comédies, La Forêt animée (el bosque animado) et Amenece que no es poco, film choral à l’humour absurde dont le scénario est teinté de surréalisme, consacre son humour. Il a également traité des sujets plus graves avec en 1999 La Lengua de las mariposas (La Langue des papillons), une adaptation du livre de Manuel Rivas, Que me quieres amor, et qui parle de la guerre civile espagnole.
Il est également producteur et lance Amenabar en 1996 avec Thesis. Le jeune réalisateur n’a alors que 23 ans…

Ce film est un portrait drolatique de la société espagnole, tous les archétypes sociaux étant représentés, du roi à la garde civile, du coiffeur — qui déclame du Garcia Lorca — au berger avec ses moutons, du prêtre conservateur au prêtre révolutionnaire dans des situations cocasses. Une critique sans complaisance du capitalisme contemporain où les jeunes ont perdu l’envie de changer et monde et où un vendeur de limonade a la lourde tâche de renverser l’ordre établi… Et en filigrane, mine de rien, quelques restes du franquisme et de la guerre civile…

Jose Luis Cuerda, réalisateur de la Langue des papillons (1999), est aussi producteur, scénariste, acteur. Il est encore peu connu en France, si vous aimez Alex de la Iglesia, vous allez adorer !
Tiempo despues est un film complètement déjanté, dans un contexte de lutte des classes loin d’être irréel, et avec un humour explosif ! Surréaliste, dystopique, une critique au vitriol. À voir absolument !
Tiempo despues de José Luis Cuerda dans les salles le 22 juillet.

Le Dernier prisonnier
Film de Bujar Alimani (22 juillet 2020)

Le film se situe dans une région isolée d’Albanie, dans une prison où se trouvent de nombreux prisonniers politiques. Lorsque le personnel pénitentiaire prétend que la télévision est en panne et que celle-ci est remise en marche par un prisonnier, on comprend la gêne des matons. Nous sommes en 1990 et la télévision d’État annonce que le pays est en négociation avec l’Europe… « Ils vont essayer de soutirer de l‘argent de ce côté à présent », commente l’un des prisonniers. Mais pour cela il va falloir prouver que la répression politique appartient au passé.

En pleine nuit, ordre est donné de transférer un prisonnier politique sans plus de détails. Le directeur de la prison s’en étonne mais il signe les papiers, et le prisonnier part sous la garde d’un bureaucrate et d’un tortionnaire. Le chauffeur, lui, a interdiction de s’adresser au prisonnier, mais la voiture tombe en panne en pleine montagne. Le prisonnier fait alors la connaissance de ses deux gardes, responsables dévoués au parti communiste albanais.

Le Dernier prisonnier est un thriller politique jouant sur le suspens dans le contexte spécifique de fin du régime soviétique en Albanie, mais surtout dépeint de manière fine et incisive de qu’était la bureaucratie et la répression, et ce qu’elle imprimait dans les mentalités et dans les rapports sociaux. Le traitement de l’image a son importance pour évoquer l’ambiance de ces années. Lorsque l’un des agents du gouvernement avoue que pour le parti, il a même renié sa fille, on comprend sa réticence à traiter correctement un prisonnier politique. Le totalitarisme va de pair avec le nationalisme et la brutalité. Le prisonnier a été enfermé pour ses idées, depuis quinze ans, il était professeur et a connu le printemps de Prague…
Le Dernier prisonnier de Bujar Alimani (22 juillet 2020)

Le Jardin des Finzi-Contini
Film de Vittorio de De Sica (1970) (22 juillet 2020)

À Ferrare, dans le grand jardin de la riche famille juive des Finzi-Contini, Micol et son frère Alberto vivent quelque peu reclus et invitent leurs amis juifs à venir jouer au tennis. Nous sommes en 1938, le régime de Mussolini instaure les premières lois raciales qui provoquent, pour certaines personnes, la crainte du modèle nazi et des déportations, pour les autres, l’incrédulité d’une ségrégation par l’État fasciste, sinon son déni. Dans ce contexte, se nouent des histoires amoureuses sur fond de différences de classes et de résistance.
Le Jardin des Finzi-Contini est certainement l’un des plus grands films italiens, avec le Conformiste de Bernardo Bertolucci, sur la répression durant la période fasciste envers l’opposition politique et la communauté juive italienne.

Mon Ninja et moi
Film d’animation d’Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen (15 juillet 2020)

Le jeune Alex est en classe de 5ème, et déjà la vie n’est pas facile, il vit dans une famille recomposée, subit des violences à l’école sans pouvoir se défendre… Jusqu’au jour où, pour son anniversaire, un oncle lui offre une poupée Ninja vêtue d’un étrange tissu à carreaux, fabriquée en Thaïlande.
Et voilà que le jouet s’anime et lui parle, l’incitant à ne pas se laisser intimider par un gamin qui joue les terreurs dans sa classe. Mais Alex est incapable réagir… À cela ne tienne, le ninja lui propose de l’aider, d’affirmer sa personnalité, bref de le rendre plus fort… et lui demande en retour à accomplir une mystérieuse mission. Le pacte est scellé entre Alex et le Ninja et découle alors toute une série d’aventures et d’amitié, d’où l’humour n’est pas absent.

Ce film d’animation est un véritable phénomène au Danemark, 20 % de la population l’aurait vu en salles. Il faut dire que le film aborde des problèmes graves de société, les familles recomposées et le manque de stabilité pour les enfants qui le vivent, le harcèlement à l’école qu’il n’est pas facile de confier à des parents n’ayant pas toujours le temps et la disponibilité nécessaire pour écouter leur enfant et, enfin le travail forcé des enfants en Asie pour fabriquer ces jouets pour les enfants en Occident.
Mon Ninja et moi d’Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen sur les écrans le 15 juillet

Nous terminons ces chroniques avec Rosto et son Monster of Nix, et sur un extrait de l’éditorial du n° 44 de Réfractions, un n° absolument passionnant dont nous reparlerons.