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samedi 1er août 2020
Front Noir 1963-1967. Surréalisme et socialisme des conseils. Textes choisis et présentés par Louis Janover et Maxime Morel. L’Écrivain devant la révolution de Benjamin Fondane. Dawson City : Le temps suspendu de Bill Morrison. White Riot de Rubika Shah. L’infirmière de Koji Fukada
Article mis en ligne le 11 août 2020
dernière modification le 19 juillet 2020

par CP

Front Noir
1963-1967
Surréalisme et socialisme des conseils
(éditions Non lieu)

Textes choisis et présentés par Louis Janover et Maxime Morel

L’Écrivain devant la révolution
Benjamin Fondane.

suivi de « L’Histoire en face », dossier établi par Louis Janover (éditions Non lieu)
Un plaidoyer pour la liberté de l’esprit.
En compagnie de Louis Janover, Maxime Morel, Florian Langlais et Michel Carassou

Dawson City : Le temps suspendu
Film documentaire de Bill Morrison

White Riot
Film documentaire de Rubika Shah (5 août 2020)

L’infirmière
Film de Koji Fukada (5 août 2020)

Front Noir. 1963-1967. Surréalisme et socialisme des conseils.
Textes choisis et présentés par Louis Janover et Maxime Morel pour les éditions Non lieu.
S’agissant de la construction de l’ouvrage, il comprend tout d’abord une étude de Maxime Morel sur la création de la revue Front Noir, sur le contexte historique et politique dont elle est issue. Ensuite un choix de textes, de même que des illustrations et des poèmes de Gaëtan Langlais, Le Maréchal, Georges Rubel et Manina. Enfin une postface de Louis Janover qui fut à l’origine, avec quelques autres, de la revue Front Noir.

Revenir à l’origine de la création de la revue est essentiel pour comprendre sa démarche initiale, qui découle des antagonismes au sein du mouvement surréaliste sur les questions politiques et le refus pour une partie de ses membres, d’être intégrée « dans le champ culturel de la gauche ». À cela s’ajoute « la primauté donnée à l’organisation d’expositions et à la critique d’art, la faiblesse des positions politiques […] inscrites trop profondément dans le mouvement pour espérer infléchir [une quelconque] évolution. » Alain Joubert y voit le début « d’une importante crise dans le surréalisme ». Autrement dit, l’art serait-il alors devenu la finalité du mouvement surréaliste ?

Entre 1955 et 1961, l’activité du groupe surréaliste se focalise en effet sur les questions artistiques. L’aspect politique du mouvement semble gommé au profit de l’esthétique, et l’on peut aisément se poser la question à propos de ce constat : « L’écart ne cesse de s’accentuer entre l’image que le surréalisme donne de lui-même, celle d’un surréalisme révolutionnaire, et le déroulement des expériences surréalistes qui font de l’art, et de la peinture notamment, le centre de gravité du mouvement. »

Juin 1963, le premier numéro de la revue Front Noir paraît, animé par des « conseillistes issu du groupe Socialisme ou Barbarie », ces derniers s’attachant « à démonter les mécanismes de la création artistique dans les sociétés de domination ». Quant à la dimension politique de la revue, elle est claire : opposition radicale au stalinisme et aspirations libertaires… Dans le même temps, « les participants [et les participantes] se réclament, à l’image de Benjamin Péret, de la révolte portée par le surréalisme ».

En écho à cette publication de la revue Front Noir, paraît, aux éditions Non lieu, l’Écrivain devant la révolution de Benjamin Fondane, préfacé par Louis Janover. En juin 1935, les communistes organisent le Congrès international des écrivains à Paris, afin de constituer un front antifasciste. Or, pour Front Noir, c’est au début des années 1930 que « les surréalistes abandonnent l’espérance initiale, celle d’une unité indissociable de l’art et de la révolution. » Dans sa présentation du texte de Fondane, Louis Janover souligne : « En vérité, dans le brouillon idéologique actuel, qui génère la confusion nécessaire aux fictions de la démocratie, le stalinisme n’est plus perçu comme un mouvement contre-révolutionnaire, mais comme un mouvement révolutionnaire, et c’est comme tel qu’il reste soumis à la critique. Revenir au Congrès des écrivains de 1935, c’est reprendre la question à zéro et trouver la véritable réponse. » [1]

« L’aspect fondamental, l’aspect permanent de la démarche surréaliste a toujours résidé dans l’exaltation passionnée des idées de Révolte et de Liberté, et dans la recherche méthodique et consciente des moyens nécessaires pour parvenir à une libération intégrale » de l’être humain. La publication de textes choisis de la revue Front Noir, entre 1963 et 1967, permet un regard critique, porté aujourd’hui, sur l’histoire des avant-gardes coincées dans leur mythe mémoriel ; l’ouvrage offre de fait des pistes de réflexion, soulève des questionnements, générant ainsi des résonances avec l’actualité. De même, ce que développe Benjamin Fondane dans L’écrivain devant la révolution, à savoir l’inquiétude au sujet de « l’autonomie que doivent conserver l’art et la poésie face à une idéologie dominante », demeure une question fondamentale concernant la création.

Du surréalisme, qui prônait l’unité de l’art et de la révolution, se dégageaient cependant deux tendances, dès ses débuts, qui permettent de comprendre son évolution. À ce propos, Louis Janover « distingue un surréalisme “qui fit de l’éthique révolutionnaire son infracassable noyau de lumière” et, à l’opposé, un surréalisme inscrit dans les courants modernistes qui, très vite, n’eut d’autres projets que la création d’une nouvelle esthétique. »
Est-ce à présent si différent ? À nous de dire et, pourquoi pas, de décider si la Révolution surréaliste résiste…

Trois films en salles le 5 août.
Deux films documentaires exceptionnels :

Dawson City : Le temps suspendu
Film documentaire de Bill Morrison

En1978, au Canada, dans la ville de Dawson City située à plus de 500 kms, au sud du cercle polaire arctique, un coup de pelleteuse permet la découverte de centaines de bobines de films enfouies depuis un bail et étonnamment conservées. Films muets, films des actualités durant des décennies, images du monde et de la région au temps de la ruée vers l’or, des archives, des interviews et des photographies… avec pour accompagnement une bande-son envoutante d’Alex Somers.

Dawson City : Le temps suspendu dépeint l’histoire de la ruée vers l’or d’une petite ville canadienne, on pense évidemment à jack London et au rêve de ces chercheurs improvisés, dont beaucoup ont perdu la vie. Dawson, la ville extensible, où se font des fortunes et se fracassent des espoirs. Le film s’attache à toute cette population tout en relatant le cycle de vie d’une collection singulière de films à travers l’exil, l’oubli, l’enfouissement, sa redécouverte par hasard et son salut.
Comme l’explique le réalisateur : « Dawson City : Le Temps suspendu élargit l’histoire du cinéma en relatant simultanément l’histoire latérale de l’exploitation du cinéma et une enquête sur la façon dont le cinéma ancien a été diffusé, colonisé et enterré. L’impact de ces images récupérées est vaste et universel. »

Le film est d’autant passionnant qu’il s’inscrit dans l’art et la fabrique du cinéma depuis son origine. C’est en effet, non seulement l’histoire de la production et de la distribution, mais aussi la composition chimique de la pellicule. D’où vient la première pellicule au nitrate ? Les difficultés de sa conservation et les dangers qu’elle représente ? Dawson City : Le Temps suspendu est un monument de connaissances et de découvertes qui retrace l’évolution de l’image filmée. Toutes ces bobines de films demeuraient à Dawson, lieu le plus avancé dans le nord, dernière étape d’un passage en salles. Et les bobines ne faisaient pas le chemin inverse. Ce qui est également très beau, c’est le résultat caractéristique sur l’image de cette plongée oubliée dans le temps. Une merveille de film documentaire.
Dawson City : Le temps suspendu de Bill Morrison au cinéma le 5 août.

White Riot
Film documentaire de Rubika Shah (5 août 2020)

Le 30 avril 1978, plus de 100.000 personnes marchaient contre le racisme à Londres, de Trafalgar Square à Victoria Park où un concert était organisé avec les groupes de rock anglais tout aussi motivés contre la montée de l’extrême droite britannique.

En se basant sur des archives et les témoignages des protagonistes à l’origine du mouvement Rock Against Racism, White Riot, le film qui emprunte son titre à un morceau mythique des Clash, raconte cette incroyable mobilisation et cette aventure de la musique et de l’activisme. « Nous n’étions pas des héros, juste des gens ordinaires contre le racisme. On peut changer des choses. Et Il fallait briser la peur. »

Dans un contexte de situation économique catastrophique, le National Front clamait alors « Priorité aux blancs… » Le racisme se banalisait : « c’était une époque flippante, il y avait des punks pour le National Front qui se baladaient avec des croix gammées sur leur T-shits ! » À partir d’un fanzine militant, quelques activistes vont fédérer les musiciens anglais pour lutter contre le fascisme et le racisme. Un fanzine qui publiait : « Nous voulons une musique rebelle, une musique de la rue, une musique qui anéantit la peur de l’autre, une musique crise, une musique qui sait qui est l’ennemi… Pour la musique. Contre le racisme ! »

Le NF d’extrême droite s’est ramassé aux élections de 1979, mais la lutte est loin d’être finie !
White Riot utilise la musique des groupes antifascistes, les animations et le graphisme des fanzines. Un film génial sur les écrans le 5 août.

L’infirmière
Film de Koji Fukada (5 août 2020)

Ichiko est infirmière à domicile. Elle travaille au sein d’une famille qui la considère comme un membre à part entière. Mais lorsque la cadette de la famille disparaît, Ichiko est brusquement suspectée de complicité d’enlèvement. Et le monde de cette femme bascule, d’une vie très normale à un cauchemar. Les médias s’en mêlent, la traite en coupable, elle est chassée de la famille et doit démissionner du centre de soins dont elle dépend. Le harcèlement s’amplifie sans qu’il y ait de preuves.

À travers le personnage d’Ichiko, c’est la vision des rapports humains conventionnels, la retenue, le trouble… Un film magistral sur les non dits.
L’infirmière de Koji Fukada, au cinéma le 5 août 2020.