Chroniques rebelles
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Samedi 14 août 2021
Itinéraire et portrait d’une cinéaste : Tamara Erde. Voix du théâtre en Palestine de Jonathan Daitch. Berlin. Alexander Platz de Buhran Qurbani. Summer White de Rodrigo Ruiz Patterson
Article mis en ligne le 12 juillet 2021
dernière modification le 28 août 2021

par CP

J’ai rencontré Tamara Erde en 2015, lors de la présentation de son film, This is My Land, au festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier. À cette époque, nous avons fait deux entretiens, dont le second avec une amie journaliste, Annie Gava, aussi impressionnée que moi par l’intelligence du travail documentaire de Tamara Erde.

Tamara a par la suite participé à l’une des chroniques rebelles sur l’enseignement et les livres scolaires au Moyen Orient, de même qu’à un colloque à Paris VIII où nous nous sommes retrouvées. L’entretien sur son parcours cinématographique et ce qui l’avait décidé à choisir cette voie a cependant pris du retard pour cause de tournages et de pandémie…

Récemment, Tamara a évoqué son projet, « Dans l’intervalle », qu’elle présente comme un terrain d’expérimentation sociale et politique avec la mise en place d’ateliers artistiques, pour une réflexion et la création de nouvelles formes de médias. Un projet ébauché qui éveille la curiosité, et en en discutant il m’a semblé intéressant de revenir sur son itinéraire, l’origine et la motivation d’utiliser la caméra comme outil d’expression et d’échange. Nous avons alors décidé de prendre le temps d’une rencontre plus longue.

Voix du théâtre en Palestine
de Jonathan Daitch.

Entretien avec Sonia Fayman de ATL Jenine

Berlin. Alexander Platz de Buhran Qurbani (18 août 2021)

Summer White de Rodrigo Ruiz Patterson (18 août 2021)

Rober
Court métrage documentaire | DV | 20 min.| 2008

Réalisatrice, scénariste et à la caméra
Production : Laliv Melamed. Musique : Dori Adar | Montage : Idit Aloni | Son : Oren Roz
Rober est le film documentaire d’un voyage personnel fait en 2007.

Jericho
Court métrage de fiction expérimentale | HD | 28 Min (2010)

Production : Le Fresnoy, Studio National des Arts contemporains, France.
Script : Tamara Erde
Comédien.nes : Hande Kodja, Gianfranco Poddighe, Yousef Swade. Dancer : Ephia Gburek
Camera : Gaetane Reauseau | Music : Yann Leguay | Editing : Jérôme Fino | Sound : Sebastien Cabour

A Path to the North
Court métrage de fiction | HD | 12 min | South Korea | 2011

Direction, Script and camera : Tamara Erde
Production : Hooyoon Performance Arts center, South Korea
Comédien.nes : SeungHyun LEE, Nay Hasegawa, Yunshin Lee Solga, Yugin KIM
Music : Yunshin Lee Solga

Very Heavy Stones
Film documentaire | DV | 50 min.|

Direction, d.o.p and script : Tamara Erde
Production : Noa Levi
Editing : Idit Aloni, Elia Reis
Original Music : Harold Rubin, Harel Shraiber

THIS IS MY LAND
Documentaire, 90 min. 2015

This is my land retrace l’histoire du conflit israélo- palestinien tel qu’il est présenté et enseigné dans les systèmes éducatifs israélien (public, arabe et religieux) et palestinien.

Le film entrelace l’histoire de six écoles et professeurs, que l’on suit, construisant pour le spectateur les différents univers, parfois divergents, des enseignants. Ils sont filmés aussi bien en privé, exposant leurs motivations, leurs rêves, qu’à l’école, pour montrer comment leur vie et leurs idées s’intègrent à leur travail en classe, mais aussi lors de cérémonies, de voyages ou d’évènements spéciaux organisés par l’école. Ce point de vue intime sur chacun des professeurs donnera ainsi au spectateur un aperçu des différents systèmes éducatifs et de la façon dont les enfants, qui seront la prochaine génération d’habitants de la terre israélo-palestinienne, sont éduqués et informés.

Disney Ramallah
Film court métrage de fiction / HD / 15 min.

Produced by Tita Productions, France. Fred Premel and Christophe Bouffil. With the support of PACA region.
Sound Design : Emmanuel Augeard. Musique : Siegfried Canto. Mix : Cedric Lionnet
Still photos : Erwann Merrien
Comédien.nes : Ali Suliman, Lubna Azabal, Abdel Rahman Saleh.
D.o.p : Maurizio Tiella. Editing : Sandie Bompar.

Born in Deir Yassin
Film documentaire de 60 minutes (2017) Coréalisé avec Neta Shoshani

Ce qui a commencé à Deir Yassin, s’est terminé à Kfar Shaul. Ce qui a commencé comme un massacre — un lieu et un symbole de l’occupation — est devenu un asile psychiatrique.
Pendant la nuit du 9 avril 1948, le village de Deir Yassin, un village palestinien des alentours de Jérusalem, a été attaqué par les groupes miliciens de Stern et d’Irgun. Le village a été conquis en seulement quelques heures et le massacre a commencé. Les archives sont gardées par l’armée.
Le film questionne certains des responsables des exactions.

Le Foyer (2017)
Film documentaire

LOOKING FOR ZION
Documentaire, 95 min. 2019

Le road-movie Looking for Zion suit la réalisatrice à travers Israël, reconstituant les photographies prises par son grand-père Ephraim Erde, photographe officiel du mouvement Sioniste dès les années 1930.

À travers cette quête, Tamara Erde confronte passé et présent, ainsi que leurs deux différentes perspectives : celle de l’utopie des photos d’Ephraïm précédant et suivant la création de l’Etat face à celle de la réalisatrice aujourd’hui. Les photographies de son grand-père sont contextualisées à travers des lieux contemporains emblématiques.

En parallèle, la réalisatrice confronte l’histoire personnelle de sa famille, questionnant sa mère et des parents éloignés jusqu’alors étrangers. Ces échanges, qui font ressurgir des conflits passés ou des tabous familiaux, renvoient non seulement à sa quête personnelle mais aussi à l’Histoire politique et sociale du pays.

Ainsi, ce voyage, inité pour mieux comprendre et questionner les choix des générations précédentes à travers les photos d’Ephraïm, se change en une quête tournée vers un possible changement, vers de nouveaux rêves pour un pays ancré dans une réalité paradoxale.

DES COEURS BOMBARDÉS
Documentaire, 80 min. 2021

Le documentaire accompagne le chemin de patients souffrant de traumatismes, de leur confrontation à leur cicatrisation, en thérapie et dans leur vie quotidienne. Nous suivrons, fait rare et exceptionnel, les séances de thérapie de patients avec le psychologue clinicien Emmanuel Faraüs dans un hôpital public de Seine-Saint- Denis.

Nous découvrirons les patients et leur histoire, la manière dont les traumas ont brisé leur vie, et à quel point la relation thérapeutique leur est nécessaire pour aller mieux. Entre espoirs, douleurs, colère et sentiments de victoire, nous serons témoins de leur combat dans leur vie de tous les jours.

Le film attend une date de sortie nationale. (à suivre)

PROJET (en construction)
« Dans L’Intervalle », est à la fois un terrain d’expérimentation politique, des ateliers artistiques avec un angle social, et un mouvement de réflexion de création de nouvelles formes de médias.

Parce que c’est dans l’intervalle que de grandes transformations peuvent naître, « Dans L’Intervalle » est né de la volonté de s’insérer dans cet espace-temps particulier entre deux idées, entre deux côtés d’un conflit, pour transformer les regards de l’intérieur et élargir les horizons. Avec une méthode de critical thinking basée sur des outils artistiques et une approche pédagogique, l’idée est de dépasser les désaccords de vision pour accepter le regard de l’autre.

Au carrefour de la politique, de l’art et de la pédagogie, « Dans L’Intervalle » adresse les problématiques sociétales qui me semblent urgentes aujourd’hui, comme les questions migratoires, les inégalités et l’avenir de la démocratie, et invite les publics à se mettre en mouvement.

Concrètement, l’objectif est de faire se rencontrer des acteurs de la sphère politique et des groupes du grand public dont on n’entend pas souvent la voix, pour co-créer ensemble des nouvelles formes de médias. « Dans L’Intervalle » cherche ainsi à recréer de la confiance et du lien, à encourager le débat dans notre société et à profondément faire se questionner les publics.

Pour alimenter ce processus de réflexion en constant mouvement, des projets thématiques sont déjà lancés :

« Our Women Leaders », des ateliers cinématographiques avec différents groupes de femmes – des femmes migrantes, incarcérées, prostituées, etc. -, qui chacune écrit et réalise le portrait d’une femme leader inspirante pour revisiter son propre parcours et inspirer les jeunes femmes souhaitant s’engager en politique. Ce projet de web-série est soutenu par le European Network of Migrant Women et Sciences-Po Paris.

« Images à l’école », qui est à la fois un processus en soi et un documentaire, qui explore la construction des schémas de pensée, le rapport au jugement et la recherche d’esprit critique chez les enfants, à travers des ateliers pédagogiques dans des classes de CM1 et CM2, autour d’images d’actualité choisies par des personnalités. Une dizaine d’écoles en France sont déjà volontaires.

« Un autre moi », ce sont des ateliers cinématographiques en milieu carcéral, invitant les détenus à réaliser un autoportrait dans lequel ils viennent questionner leur parcours et leur vérité à travers les méthodes du documentaire, pour élargir leur vision d’eux-mêmes. Le projet a été lancé avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse pour un public de jeunes engagés dans un processus de radicalisation.

Voix du théâtre en Palestine
de Jonathan Daitch.

Entretien avec Sonia Fayman de ATL Jenine

Voix du Théâtre en Palestine de Jonathan Daitch qui, en fait, est une œuvre collective de 50 co-auteurs et autrices, avec l’idée partagée de montrer que la lutte pour la paix se joue aussi sur le terrain de l’art et de l’éducation.
Sonia Feyman revient l’origine du livre, de même qu’elle rappelle les dernières nouvelles du Freedom Theatre de Jenine et les projets.
Voix du Théâtre en Palestine est un livre essentiel pour connaître la vie culturelle en Palestine, sa résistance et les différentes formes de création… L’édition est participative pour ce livre de témoignages et de photos qui, comme l’espère Sonia Fayman et l’association ATL Jenine, paraîtra à la rentrée en deux versions, française et anglaise.
Voix du Théâtre en Palestine de Jonathan Daitch
Pour plus d’informations, voir le site : Voix du Théâtre en Palestine

Berlin. Alexander Platz de Buhran Qurbani (18 août 2021)

Burhan Qurbani est le troisième cinéaste qui se lance dans l’adaptation du célèbre roman d’Alfred Döblin, Alexanderplatz. Un premier film date de 1931, c’est ensuite la série quasi introuvable de Fassbinder, réalisée en 1980.

Burhan Qurbani adapte le roman avec une certaine liberté pour faire écho à aujourd’hui, par exemple, le personnage de Franz dans le roman de Döblin, qui sort de prison à la suite du meurtre de son amie Ida, devient Francis dans son film, un réfugié de Guinée-Bissau, seul survivant de la noyade où son premier amour a trouvé la mort. Se retrouvant miraculeusement sur la rive après une séquence de noyade envahie par le rouge et des mouvements saccadés de caméra, Francis fait le serment de rompre avec sa vie passée et de choisir une vie honnête. Voix off : « Il a survécu, mais c’est juste un délai de grâce ».

Le film est construit comme une tragédie en cinq actes. À Berlin, Francis comprend rapidement que l’honnêteté est quasi impossible pour un travailleur sans papier, et il est vite récupéré par la pègre. Sa rencontre avec le trafiquant de drogue allemand Reinhold est déterminante, il est fasciné par ce dernier, qui l’utilise. «  En optant pour un protagoniste noir doté d’un antagoniste blanc, Reinhold, [la version de Buhran Qurbani] de Berlin Alexanderplatz est devenue une allégorie postcoloniale. » « Tu veux être bon dans un monde mauvais  » ironise Reinhold, « c’est mal de vendre de l’herbe a de touristes ? Mais le pays vend des armes à des dictateurs !  » Francis abandonne ses résolutions et s’intègre vite dans son nouveau milieu, il est Franz et refuse le terme de « réfugié », non « nouvel arrivant » serait plus juste : « Ich bin Deutschland ! » (je suis l’Allemagne) lance-t-il à des Africains qu’il recrute comme dealers.

L’ambiance des boîtes et des bas-fonds, la vie nocturne font penser aux années 1920, Cabaret et Willkommen. Le braquage, l’accident, son histoire d’amour, la renaissance, la trahison, c’est l’engrenage sur fond de crise sociale et politique ; l’intrigue criminelle structure le récit du film tout en insérant une progression irrémédiable vers un dénouement tragique. Burhan Qurbani pose un regard sans complaisance sur la société, sur la situation des sacrifié.es, des sans voix et des candides, condamné.es quoiqu’ils ou qu’elles fassent. « Tout ce que j’aime, je le détruis », confie Francis devenu Franz : la culpabilité est la clé la tragédie, alors un nouveau départ est-il possible ?
Berlin. Alexanderplatz de Buhran Qurbani au cinéma le 18 août 2021.

Summer White de Rodrigo Ruiz Patterson (18 août 2021)

Un adolescent de 13 ans est fasciné par le feu et entretient une relation fusionnelle avec sa mère. Lorsque celle-ci rencontre Fernando, cela le perturbe profondément, le privant de la complicité maternelle, d’autant que ce nouveau compagnon s’installe chez eux et s’arroge une place, que l’adolescent ne peut accepter. Sa mère tente de lui parler, mais Rodrigo se renferme et installe une caravane abandonnée dans une déchetterie. Il en fait son repère, un endroit où il n’est plus l’adolescent, où il est son propre maître. Alors quand il rentre et trouve sa mère et son ami en pleine installation, de rage, il renverse un pot de peinture sur les affaires de Fernando. Sommé de s’expliquer, il nie toute responsabilité. Sa mère ne comprend pas, totalement larguée entre sa nouvelle relation amoureuse et les réactions hostiles de son fils. Rodrigo n’accepte pas cette nouvelle autorité. Et la tension monte d’un cran au cours de leçons de conduite que Fernando donne à l’adolescent. Le rapport de force entre l’adulte et l’adolescent est de plus en plus conflictuel.

Rodrigo fugue, se réfugie dans la vieille caravane, joue avec le feu, enflamme ses mains, un arbre… La progression de la frustration de Rodrigo est très bien rendue, il n’a de cesse de briser la nouvelle relation de sa mère, même si cela la rend malheureuse. Il ressent l’arrivée du petit ami comme une intrusion, une privation de l’intimité entre sa mère et lui. Les efforts maladroits de Fernando pour créer un lien « viril » avec Rodrigo, aboutissent à une forme d’autorité qui envenime encore l’agressivité sourde de l’adolescent. Rodrigo est dans une phase de « transition émotionnelle et physique » — l’adolescence —, proche encore de l’enfance, mais avec la velléité d’un adulte. Comment, dans ce cas, accepter un homme qui n’est pas son père, mais veut en quelque sorte en prendre la place ?

L’histoire est racontée du point de vue de l’adolescent, de « sa perception visuelle, auditive, émotionnelle et psychologique », le feu symbolisant à la fois le passage, l’épreuve, l’initiation et la puissance de détruire… Autrement dit une manière d’être le maître du jeu ?
Summer White de Rodrigo Ruiz Patterson au cinéma le 18 août 2021.


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