Chroniques rebelles
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Samedi 21 août 2021
4h : (1) Mémoires de prison d’un anarchiste d’Alexandre Berkman. Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Agüero. Rencontre avec Denitza Bantcheva autour de son ouvrage, René Clément
Article mis en ligne le 20 août 2021
dernière modification le 12 juillet 2021

par CP

Mémoires de prison d’un anarchiste
d’Alexandre Berkman.
Traduction de Jacqueline Reuss et Hervé Denès (éditionsl’Échappée)

Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Agüero (25 août 2021)

Rencontre avec Denitza Bantcheva autour de son ouvrage, René Clément (aux éditions du revif)

Mémoires de prison d’un anarchiste d’Alexandre Berkman. Traduction de Jacqueline Reuss et Hervé Denès (éditionsl’Échappée)

Mémoires de prison d’un anarchiste d’Alexandre Berkman, dans une traduction intégrale et inédite de Jackie Reuss et Hervé Denès, paraît aux éditions l’Échappée et fait suite à l’autobiographie d’Emma Goldman .

À plus d’un titre, c’est une contribution essentielle, notamment à l’histoire sociale des Etats-Unis et à l’histoire révolutionnaire et libertaire.
Ce témoignage exceptionnel de l’intérieur du milieu carcéral, de l’oppression, du phénomène de perte des repères spatio-temporels dans l’enfermement, mais aussi de la résistance et de l’évolution d’un jeune homme engagé pour l’émancipation de l’humanité, n’a certes rien perdu de son intérêt et de sa vision critique.

Récit d’un itinéraire très personnel, bouleversant, en écho à l’observation universelle des « autres », de la reconstruction du militant et, comme Alexandre Berkman le dit lui-même, de sa « résurrection », Mémoires de prison d’un anarchiste est également le récit d’un grand écrivain.

Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Agüero (25 août 2021)

Après Eva ne dort pas et Salamandra, Pablo Agüero dénonce à travers l’histoire absurde d’une chasse aux sorcières qui enflamma le Pays Basque, il y a quatre siècles, la misogynie, l’abus de pouvoir et la persécution, avec une forte résonance contemporaine. Les Sorcières d’Akelarre « a pour sujet la manière dont la superstition a été imposée aux femmes. Un préjugé communément assumé prétend que la superstition a toujours été plus forte chez les gens le plus "simples", les "ruraux" et particulièrement chez les femmes. Celles présentées dans le film avaient un rapport très direct à la nature [explique le réalisateur]. C’est le pouvoir monarchique, patriarcal et clérical qui vient leur imposer une conception mystifiée du monde, prétendant que les fils de la réalité sont mus par un Dieu et un Diable. On les accuse de sorcellerie — c’est à dire, de pacte avec le diable — parce qu’on ne peut pas tolérer leur liberté. »

Pays basque, 1609. Des femmes sont brûlées sur des bûchers sous les yeux des juges qui les ont condamnées, l’un d’eux laisse échapper « c’est atroce ! » devant les corps suppliciés dans les flammes. « Elles se taisent sous la question. Et si le sabbat n’existait pas ? » Mais le juge Rosteguy ne doute pas de leur culpabilité et il est missionné par le roi pour purifier la région. Il a déjà ordonné 77 exécutions de femmes accusées de sorcellerie et de participation au sabbat. Au pays basque, il faut combattre la secte satanique et d’ailleurs « rien n’est plus dangereux qu’une femme qui danse. C’est ce sabbat et ces sorcières qui vont inverser le cours du monde. »

Le juge et ses sbires ratissent la région et arrivent à Akelarre où Ana, Katalin et leurs amies sont brutalement arrêtées et accusées d’un crime dont elles ignorent tout : la sorcellerie. Jetées au cachot, elles sont questionnées sur leurs pratiques sabbatiques, mais les jeunes filles ne savent rien. Le juge a une mission : leur faire avouer à tout prix ce qu’elles savent sur le sabbat, la cérémonie diabolique au cours de laquelle Lucifer s’accouple avec ses adeptes. En échange de quoi, elles ont des pouvoirs, mais aussi des marques sur le corps et des endroits insensibles à la douleur.

Tout d’abord, les jeunes filles, dont une jeune adolescente, assurent en toute bonne foi qu’elles sont innocentes de ce qu’on les accuse, prennent à témoin le prêtre du village qui les connaît, mais ce dernier en rajoute et malgré leurs supplications et leurs dénégations, elles sont coupables de sorcellerie. Devant ces accusations absurdes, elles décident alors de jouer le jeu qu’on attend d’elles pour retarder l’exécution, pour gagner du temps. Les hommes du village sont partis à la pêche en mer et ne reviendront qu’à la nouvelle lune. Les femmes sont donc livrées au fanatisme des inquisiteurs sous mandat royal.

Elles organisent un sabbat qui fascine le juge dont la curiosité frustrée est proche de la lubricité — la classique attraction / répulsion. Elles jouent la transe et chantent. Les soldats qui les gardent sont effrayés, certains désertent de peur que les jeunes filles leur jettent des sorts.

Les sorcières d’Akelarre de Pablo Agüero est un drame du fanatisme contre les femmes, contre celles qui ne seraient pas suffisamment soumises. Par ailleurs, le pays basque est visé comme étant une région de rebelles que le pouvoir veut contrôler. La sorcellerie donne ainsi un prétexte pour cette chasse aux sorcières, qui intervient lorsque la plupart des hommes du village sont en mer, absents.

Pablo Agüero réalise un film à la fois d’une beauté exceptionnelle — le cadre, la lumière, les contrastes — et effrayant par le sujet qui évidemment fait écho à la progression des violences à l’égard des femmes et aux féminicides. Les scènes intérieures sont proches de peintures, avec utilisation des ombres, de l’éclairage aux chandelles, ce qui donne une présence très forte aux personnages, à la rudesse des juges, des soldats et à la liberté des jeunes filles. Les scènes extérieures sont proches du symbolisme, avec les rayons de lumière qui traversent les feuillages, en particulier les panoramiques sur la falaise semblent sortis de certains tableaux. Quant au sabbat, tout en mouvements de caméras, en rythme amplifié, c’est un ballet fascinant qui donne corps aux fantasmes des juges.
Le film a été récompensé au Festival de San Sébastian.
Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Agüero à voir en salles à partir du 25 août

Après la présentation d’une très belle rétrospective des films de René Clément au 49e Festival de la Rochelle, nous avons voulu reprendre cet entretien avec Denitza Bantcheva basé sur son livre intitulé René Clément, étude complète sur le rapport de ce grand cinéaste au cinéma et à la création. D’autant que Le Jour et l’heure sort en DVD-BR en octobre prochain, auquel Denitza apporte sa contribution dans les bonus.

Il est étonnant de constater que peu d’ouvrages ont analysé l’œuvre de ce cinéaste malgré ses nombreux films récompensés par des prix prestigieux — deux Oscars quand même ! — de même ses films ont été et sont encore plébiscités par un public international. C’est sans doute une des raisons qui a poussé Denitza Bantcheva à se lancer dans l’aventure d’une écriture curieuse et critique sur la filmographie de René Clément, de recueillir les témoignages de comédien.nes, de proches de ce faiseur cinématographique génial, enfin d’analyser le style et les thèmes qui traversent son itinéraire, à la fois diversifié et marqué par une cohérence du regard porté sur la société et l’humanité, un regard ouvert, observateur, sans jugement.

Remarquable directeur d’acteurs et actrices, considéré comme la « figure de proue » du cinéma français d’après guerre, innovateur en matière filmique, il n’est que de citer certains de ses films pour découvrir la richesse de sa filmographie : Jeux interdits (1952), Monsieur Ripois (1954), Gervaise (1956), Plein Soleil (1960), Quelle joie de vivre ! (1961), Les Félins (1964), Paris brûle-t-il ? (1966). René Clément est largement apprécié au niveau international, mais il semble que la Nouvelle vague française ait peut-être un peu rapidement collé l’étiquette de cinéma traditionnel sur son œuvre. Un jugement en effet quelque peu hâtif comme le souligne Denitza Bantcheva : « Pour revenir au cliché condescendant [de] réalisateur “classique”, tout spectateur tant soit peu objectif peut s’étonner de ce terme constamment repris au sujet du cinéaste » et de ses films. Alors querelle générationnelle ? Rivalité due au succès ? Toujours est-il que Réné Clément s’inscrit lui-même en faux sur ce qualificatif en déclarant lors d’un entretien : « La diversité de mes démarches, on m’en a assez fait grief, prouve que ma recherche continue, mon insatisfaction et ma liberté aussi. […] Dans chacun de mes films, il y a toujours eu une bande de recherche. Sans accompagnement de fanfare. D’autres récoltent la moisson ? Cela se remarque davantage ? Sans importance. La véritable avant-garde s’ignore. Ce n’est jamais celle des manifestes. »

Rencontre avec Denitza Bantcheva autour de son ouvrage, René Clément (aux éditions du revif), et la passion du cinéma qui l’anime…


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