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Samedi 2 avril 2022
Underground et contre-culture en Catalogne dans les années 70 (3). Employé / Patron de Manuel Nieto. O fim do mundo de Basil Da Cunha. Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi. Réfractions n°47
Article mis en ligne le 3 avril 2022
dernière modification le 29 mars 2022

par CP

Underground et contre-culture en Catalogne dans les années 70

Employé / Patron
Film de Manuel Nieto Zas (6 avril 2022)

O fim do mundo
Film de Basil Da Cunha (6 avril 2022)

Contes du hasard et autres fantaisies
Film de Ryusuke Hamaguchi (6 avril 2022)

Réfractions n°47

Underground et contre-culture en Catalogne dans les années 70

Cette exposition, en replongeant dans le climat des années de l’après franquisme, offre un regard rétrospectif sur les bouleversements sociaux, les espoirs et les influences créatives opérées durant un tournant fondamental de l’histoire du pays. « Divisée en différents domaines thématiques, l’exposition documente sur l’émergence des luttes ouvrières, de l’antimilitarisme, du féminisme, de l’homosexualité, du psychédélisme, de l’écologie, de la musique, de la poésie et des arts d’avant-garde, on peut y ajouter les bandes dessinées et les fanzines, parmi d’autres références. Un voyage dans le temps et l’espace d’un moment essentiel non seulement pour une génération en Espagne, mais aussi dans le monde. »

On peut y adjoindre les questions, tant intemporelles qu’universelles, sur la lutte, l’élan libertaire et la récupération d’un mouvement, que soulèvent les entretiens réalisés par Mireille et Daniel grâce aux intervenants qui ont une vision acerbe et critique de cet intermède « prometteur ». Après des décennies de chape de plomb, comme le dit Francesc Boldú, « les portes du barrage se sont ouvertes et l’eau a coulé à flots. Aujourd’hui il n’y a plus cette fraicheur, cette créativité, ni rien. […] Je crois que ni moi ni notre génération soyons des exemples. Parce que chaque génération doit suivre son propre chemin. […] Je crois que cette exposition peut-être un détonateur, un stimulant, une levure qui fasse fermenter ce que les gens ont en eux-mêmes, encore endormi ».

Le reportage de Mireille Mercier et Daniel Piños propose une longue balade dans cette exposition étonnante. Les deux premières parties ont été diffusées le 5 mars en compagnie de Pepe Ribas, commissaire de l’expo, et de Manel Aisa, et aujourd’hui ce sera en présence de Francesc Boldú.
Une rediffusion intégrale du reportage est programmée le 25 avril dans l’émission Trous noirs de Radio libertaire.
L’underground et la contre-culture en Catalogne dans les années 70. C’est une exposition exceptionnelle qui éclaire sur l’Espagne d’aujourd’hui. Il ne reste qu’à espérer qu’elle soit itinérante.

Employé / Patron
Film de Manuel Nieto Zas (6 avril 2022)

Présenté à la quinzaine des réalisateurs comme un western uruguayen contemporain et implacable, Employé / Patron est aussi du début à la fin une démonstration des différences de classe profondément ancrées dans les mentalités. Dix ans auparavant, à la suite de la crise économique, de nombreux agriculteurs ont été obligés de vendre leur exploitation pour quasiment rien à de grandes exploitations agricoles. Depuis d’immenses champs de soja et de maïs ont remplacé les troupeaux et les gauchos sont devenus chauffeurs ou de machines agricoles. Ce changement drastique de vie fait que ceux qui sont restés survivent comme ils peuvent et s’accrochent à leurs traditions, notamment par leur attachement au cheval. Employé / Patron montre que cette vénération du cheval est lié à leur vie rurale, le film « embrasse ces deux mondes et nos deux jeunes personnages sont le reflet de l’un et de l’autre. »

Le fils d’un patron agricole tente de conjuguer sa vie personnelle et son travail, en même temps qu’il se préoccupe pour la santé de son bébé. Pressé de livrer sa récolte de soja, il recrute un jeune homme de 18 ans qui a un besoin urgent de gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de sa famille. La culture du gaucho, si elle est train de disparaître est toutefois présente durant tout le film, « le cheval [explique le réalisateur] est une figure culturelle très importante et un symbole identitaire incontournable, surtout à l’intérieur du pays. Ces courses que le film dépeint, ont la particularité de réunir, sous une même passion, pauvres et riches, ouvriers et employeurs. Tout le monde rêve de vendre ses chevaux à l’Arabie saoudite. »

Un jour sur la plantation, en plein phase de récolte, advient un terrible accident qui provoque la mort de la petite fille du jeune employé et va changer les relations Employé / Patron. Une plainte est déposée et les processus administratifs se mettent en place. S’installe alors un climat de défiance, d’angoisse, de provocation, d’affrontement qui passe par les regards, les attitudes et domine tout le film.
Deux mondes s’opposent et le réalisateur, qui connaît les milieux ruraux uruguayens, observe « avec une distance qui révèle progressivement les comportements humains dans une société codifiée et dans un jeu implicite avec le genre du western qui prend toute sa dimension avec la course finale de chevaux. […] Ces courses peuvent changer le destin d’un homme de la campagne. »
Employé / Patron de Manuel Nieto Zas en salles le 6 avril 2022.

O fim do mundo
Film de Basil Da Cunha (6 avril 2022)

Spira, 18 ans, revient chez lui après huit ans passés en maison de correction. Chez lui, à Reboleira, un bidonville dans la banlieue de Lisbonne où il retrouve sa famille ses amis. Il a changé et son quartier aussi, chaque jour des voisins sont expropriés de leur maison de fortune, détruite ensuite par un bulldozer. Tout le quartier est appelé à disparaître sur décisions des politiques. Les chantiers de buildings avancent et l’espace est convoité. Alors évidemment un bidonville, la misère comme décor depuis la terrasse et les dealers, rend encore plus inexorable la fin du quartier.
Spira observe, ne veut pas se compromettre dans la drogue, comme l’un de ses amis d’enfance, cherche une solution pour enrayer la destruction du quartier et tombe amoureux de Lara, une jeune mère de 16 ans qui doit être expulsée. Cette fois c’en est trop, et les événements s’enchaînent pour lui et ses deux amis… La fatalité de la violence s’impose. « Ici, pas de misère que des difficultés » aime-t-on répéter à Reboleira.

Spira incarne le destin d’une génération de fils d’immigrés, que le Portugal n’a pas su intégrer dans son récit national. Il absorbe la violence d’un passé qui disparaît, d’un présent qui semble figé et d’un futur qui se refuse à lui. Il y répond par la révolte. « En observant ce corps, devenu étranger en son pays, naviguer entre les guerres de gang, l’adolescence et ses amours volées, et la fin prochaine du quartier [explique le réalisateur], c’est le portait d’une jeunesse abîmée mais aussi une fresque sociale que j’ai cherché à tisser. »
O fim do mundo de Basil Da Cunha au cinéma le 6 avril 2022

Contes du hasard et autres fantaisies
Film de Ryusuke Hamaguchi (6 avril 2022)

Trois histoires, trois contes basés sur des personnages féminins, représentent une approche du « hasard » et de l’« imagination » qui sont la traduction du titre japonais. Hamaguchi revendique l’influence d’Éric Rohmer, mais y ajoute une touche de grâce et de perversité qui subjugue littéralement. On est sous le charme du récit, de la mise en scène et du jeu des comédiennes et comédiens.

Le premier — Magie ? — commence en extérieur, avec un shooting, mais se déroule surtout dans plusieurs huis clos, qu’il s’agisse du taxi, du bureau ou du café, avec vue sur un extérieur en construction. La rencontre, l’attirance, la rupture, la double conclusion — réelle ou imaginée ?
Un tour de magie les rassemble, un autre les sépare et les dialogues rythment le film dans une fluidité impressionnante.

Le second conte — La porte ouverte — est une merveille de perversité, de manipulations et de hasards. C’est aussi le seul récit qui s’étale dans le temps, puisque cinq ans séparent les premières scènes de la séquence finale dans le bus.

La jeune femme lisant un passage érotique extrait du livre de son professeur, dans le bureau de celui-ci à l’université, est impressionnante par ce qu’elle y met à la fois de conviction et d’innocence. Ce qui rend le texte lu ainsi encore plus torride. La suite, que je ne révèlerai pas, repose sur des « accidents », des surprises et une scène finale qui, là encore, donne le rôle dominant à la jeune femme. Hamaguchi avoue d’ailleurs un intérêt plus grand pour la femme que pour l’homme, d’où la complexité et la finesse de chaque personnage féminin dans ses films.

Le troisième conte est construit sur une suite de hasards et de rencontres fortuites, d’erreurs de personnes qui finalement se transforme en opportunités heureuses. Deux femmes se croisent, pensent se reconnaître, mais se trompent… On pourrait le dire autrement : les amitiés réelles sont elles plus fortes que les amitiés fulgurantes et fantasmées… « Si les hasards concernent tout le monde, ce qui nous démarque les uns des autres est notre capacité plus ou moins grande à faire preuve d’imagination pour nous sortir d’événements que provoque le hasard. » C’est sans doute cette capacité qui permet à Hamaguchi de transformer les récits en des leçons de cinéma, en un éblouissement de naturel des mouvements et des gestes qui accompagnent les dialogues. Il est rare qu’un cinéaste domine à ce point la forme, le style, le fond et l’émotion.
Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi, une merveille à voir à partir du 6 avril.

Réfractions n°47

Le Festival International Music & Cinéma s’installe à Marseille
pour sa 23e édition, du 4 au 9 avril 2022.

Unique festival européen à consacrer l’intégralité de sa programmation à la relation réalisateur / compositeur, le Festival International Music & Cinéma de Marseille réunit pendant 6 jours plus de 25 000 spectateurs et plus de 500 professionnels du monde entier, qu’ils soient compositeurs de musique pour l’image, réalisateurs, scénaristes ou comédiens.


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