Chroniques rebelles
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Christiane Passevant
Jours tranquilles en Palestine
Birzeit, mars 2004

Entretien avec quatre étudiantes de Birzeit

Article mis en ligne le 12 décembre 2007
dernière modification le 25 mai 2008

par CP

Samedi 27 mars 2004. Camp de réfugiés de Balata, près de Naplouse, Cisjordanie. Un enfant de 7 ans, Khaled Maher, est gravement blessé par une balle tirée par un soldat depuis une jeep de l’armée israélienne. L’ambulance transportant l’enfant est bloquée par les militaires et l’enfant décède avant de pouvoir atteindre l’hôpital.
La mort d’un enfant, une anecdote ?
Jours tranquilles à Naplouse, en Cisjordanie ou dans la Bande de Gaza… Banalisation de l’inacceptable, escalade d’une colonisation qui refuse de dire son nom…
Humiliations quotidiennes, mépris des droits humains, règne de l’arbitraire aux barrages et ailleurs, destructions de maisons, tirs des colons sur les habitations palestiniennes, arrogance des militaires… Tout semble permis, intensification de la tension, assassinats ciblés, bombardements, tirs sur les civils, la “ routine ” de l’occupation qui détruit tout espoir de paix et met en danger, non seulement la population palestinienne, mais aussi la population israélienne.
Le gouvernement israélien ne veut ni la paix, ni les négociations, ni la sécurité. La fuite en avant de ce gouvernement — auto-justifiée par la sécurité — montre qu’il est plus facile de répondre aux attentats tuant des civils qu’aux tentatives de dialogue. En “ blâmant les victimes ”, la violence devient légitime.

Il faut aussi justifier l’annexion de territoires palestiniens avec la construction du mur. Le mur de la honte — haut de huit mètres à certains endroits — coupe les villages, sépare les familles, les voisins, éloigne encore les gens de leur travail, emprisonne toujours plus…
" Le mur, c’est 16 000 hectares de terres confisquées, 30 puits expropriés pour un total d’environ 4 millions de mètres cubes d’eau, la destruction des oliviers, des puits, des vergers ; 55 villages destinés à être coupés de leurs terres et de leurs puits ; des dizaines de milliers de Palestiniens privés de toute source de revenus ; 98 % des colons israéliens désormais installés dans les zones annexées de facto." (Action for Peace, plate-forme des ONG pour la Palestine.)
" Le mur se situe entre les enfants et leurs écoles, les étudiants et leurs universités, les malades et leur médecin, entre les parents et leurs enfants, entre les villages et leur puits, entre les paysans et leurs champs." Uri Avneri, président de Gush Shalom.
Gaza est déjà coupée du reste de la région : 1 million et demi de Palestiniens sont enfermés par une barrière électrifiée. La notion de “ transfert ” fait son chemin dans les esprits, le terme n’est plus tabou dans les médias israéliens, un “ transfert ” détourné, un nettoyage ethnique de “ basse intensité ”, comme cette colonisation qui grignote les territoires palestiniens à l’est de Jérusalem, vers Jéricho.

À travers des entretiens avec quatre étudiantes — Irène, Maha, Hadeel et Rania — à l’université de Birzeit, près de Ramallah, on comprend mieux le quotidien de la population palestinienne et les conséquences graves de l’occupation.

Irène et Maha

Christiane Passevant – Vous êtes toutes les deux étudiantes à Birzeit ?

Irène – Je suis étudiante en 4ème année de français.

Maha – C’est ma 2ème année de business administration.

CP – Que pensez-vous de la situation politique et des assassinats ciblés ?

Irène – Ici, tout le monde souffre de la situation en raison des barrages et de l’occupation militaire. Nous vivons des difficultés quotidiennes pour nous rendre à l’université et rentrer chez nous. J’habite à Bethléem et, parfois, cela me prend plusieurs heures pour venir ici. Bethléem est à une trentaine de kms et, normalement, le trajet est de 20 minutes environ. Mais il m’arrive de mettre cinq heures pour me rendre chez mes parents ou revenir ici, en temps “ normal ” il me faut trois heures. C’est pourquoi je suis obligée de louer un appartement à Birzeit avec d’autres étudiantes. Je rentre chez moi tous les mois. L’occupation n’affecte pas seulement les politiques, mais les étudiants et les civils en général.

Maha – J’habite à Ramallah. Il y avait un barrage — levé à présent — entre Ramallah et Birzeit (Voir A caged bird song / Le chant d’un oiseau en cage) et parfois les militaires israéliens nous empêchaient de passer ou faisaient des arrestations. C’était le seul barrage que je passais pour venir à l’université. À présent, je ne sais pas s’ils vont le remettre.

CP – À cause de l’assassinat de Cheikh Yacine ? La situation risque de s’aggraver ?

Irène – Bien sûr. Hier, on pensait rentrer chez nous, mais il paraît qu’il y avait des barrages partout. Le barrage entre Ramallah et Birzeit, c’était pour humilier les gens. Il était inutile car il est placé entre plusieurs villages, il avait là ni villes ni colonies israéliennes, seulement des villages palestiniens.

Maha – Les barrages, les arrestations, les destructions de maisons sont quelque sorte une routine.

Irène – Quelquefois cela fait peur, mais les Palestiniens tentent malgré tout de vivre normalement : de travailler, d’aller à l’université.

CP – Le conseil des étudiants a décidé de reprendre les cours malgré le deuil de trois jours ?

Irène – Il y a des chants de deuil, des discussions, des moments de recueillement, mais l’université reste ouverte.

Maha – C’est aussi une forme de résistance. Si chaque fois qu’ils détruisent une maison ou arrêtent quelqu’un, on fait un deuil de trois jours, notre vie sera impossible. Étudier, c’est résister, c’est vouloir faire quelque chose dans la vie.

CP – Comment voyez-vous votre avenir ?

Irène – C’est très compliqué. J’y pense car je finis mes études cette année et il n’y a pas de travail. J’aimerais obtenir une bourse pour étudier à l’étranger. Je pourrais faire un doctorat à Birzeit, mais là n’est pas le problème. Je dois aussi travailler pour continuer mes études. Tout le monde étudie ici, mais les possibilités de travail sont minimes et limitées. Les jeunes ici sont pessimistes car il n’y a pas de travail et ils ont peu d’espoir en l’avenir. J’ai fait la demande d’une bourse pour étudier en France car je ne vois pas de débouchés ici.

Maha – Si, en dépit de la situation, je termine les deux années qui me restent, j’irai à l’étranger pour obtenir une maîtrise, travailler, et ensuite revenir ici.

Irène – On a toujours l’espoir de revenir ici. C’est notre terre, notre famille et nos amis sont ici, notre mémoire.

Maha – Rester ici, c’est une forme de résistance. Alors nous devons rester ici.

CP –Pour construire quelque chose.

Irène – Oui, c’est ça.

Larry Portis – Avez-vous des contacts avec des étudiants étrangers ?

Irène – Des étudiants de tous les pays viennent à Birzeit pour faire des études en arabe. Bien sûr nous les connaissons car actuellement, ils ne sont pas nombreux. Nous allons au cinéma et nous sortons ensemble.

Maha – Les étudiants en arabe sont rares en raison de la situation. C’est bien d’apprendre l’arabe dans un pays arabe, mais ils ont peur de venir étudier ici.

Irène – Avant la 2ème Intifada (septembre 2000), il y avait beaucoup d’étudiants étrangers à Birzeit. Maintenant, il n’en reste que quelques-uns, filles et garçons. En général, ils ont peur au début, mais ensuite ils veulent rester et même poursuivre leurs études ici.

Maha – Je pense qu’ils se sentent très proches de nous. Il existe ici un sentiment de solidarité particulier, à cause de la situation et de notre culture.

CP – Quel est le pourcentage d’étudiants et d’étudiantes à l’université de Birzeit ?

Irène – Je ne connais pas le pourcentage exact, mais il y a plus de filles que de garçons. Il faut dire que beaucoup de garçons vont à l’étranger pour leurs études, c’est plus difficile pour les filles qui s’inscrivent ici dans les universités. Les familles craignent de laisser les filles voyager seules, donc les filles sont plus nombreuses dans les universités palestiniennes.

Maha – Il y a 55 % de filles. Tous les garçons ne vont pas à l’étranger, pour certains c’est impossible à cause du manque de moyens financiers. Et, souvent, ils doivent travailler pour aider la famille. Nous, Palestinien-ne-s, sommes connus pour notre obsession d’étudier. C’est une tradition ici d’étudier. Cela est lié aussi à la résistance contre l’occupant, pour construire le pays.

LP – Tous les étudiants et toutes les étudiantes sont donc particulièrement motivé-e-s ?

Irène – Oui. Par exemple, je veux étudier parce que c’est important pour moi, non pour me conformer aux autres ou faire plaisir à mes parents. Et c’est le cas de la plupart des étudiant-e-s. Avoir le savoir, c’est comme une arme pour se défendre, confronter l’occupation, pour l’avenir.

LP – Encourageriez-vous les étudiant-e-s à venir de l’étranger étudier à Birzeit ?

Irène – Oui, mais il faut souligner que ce n’est pas une situation facile à vivre. Je suis habituée, c’est mon pays, mais la vie quotidienne est difficile. Il n’y a pas de distractions pour les jeunes, surtout dans les villages. Mais pourquoi pas…

Maha – C’est intéressant de connaître notre culture, notre vie quotidienne. Ils ne peuvent pas voir ça ailleurs. C’est quelque chose d’unique et de très intéressant de voir la situation de l’intérieur.

CP – Vous ne portez ni l’une ni l’autre le foulard ?

Irène – Je suis chrétienne et la question ne se pose pas, mais je peux donner mon opinion. Je crois que le voile dépend de la liberté de chacune, mais que personne ne peut imposer ses croyances sur l’autre. Chacun et chacune est libre et personne ne peut imposer sa religion, sa culture ou quoique ce soit sur l’autre.

Maha – C’est quelque chose de personnel. Ici en Palestine, il y a des juifs, des chrétiens, des musulmans, et nous n’avons aucun problème à vivre ensemble. C’est la liberté de chacun et chacune.

CP – Que pensez-vous du débat en France autour de la question du port du foulard ?

Irène – La France est un pays laïc et tous les signes ostensibles religieux sont interdits à l’école. En même temps, il faut dire que le foulard n’est pas seulement un signe pour les musulmanes, c’est aussi un devoir religieux. J’ai entendu dire qu’en France, certaines des élèves refusent d’aller au cours de biologie ou de sport, et cela est une façon d’imposer leur religion sur les normes intérieures de l’école. Je suis contre cela, mais je ne suis pas contre le fait qu’elles portent le foulard car c’est considéré comme un devoir religieux. Il ne faut pas provoquer et refuser les règles. Dans ces conditions, je ne suis ni pour ni contre la loi. La loi devrait régler les problèmes mais sans interdire.

Maha – je pense la même chose, car pour moi le foulard n’est pas un symbole, c’est un devoir. Il n’est donc pas question d’interdire une croyance. Permettre ou pas me paraît déplacé. Interdire la croix ou un signe religieux, cela me paraît normal, mais un devoir non.

CP – Pensez-vous que la loi contre le port du foulard à l’école, en France, puisse agir pour la défense des droits des femmes musulmanes ?

Irène – Je ne pense pas que cela soit lié à la liberté. Je ne suis pas directement concernée, mais je pense que le foulard n’empêche pas leur liberté. Cette croyance n’empêche pas d’être libre, mais c’est une chose que les pays laïcs ne comprennent pas. Pour les musulmanes, cela n’a rien à voir avec le fait d’être femme, libre. Ce dont je suis sûre, c’est que cette loi va provoquer des affrontements entre les religieux immigré-e-s arabes — 5 millions de personnes, ce n’est pas rien — et les autres. Je crois que la situation va empirer sans que les femmes soient plus libres.

Maha – Je ne pense pas que cette loi puisse favoriser une réflexion sur les droits des femmes. Il y a des femmes très religieuses qui travaillent actuellement, en portant le voile. Alors quand le voile sera interdit, elles ne vont plus sortir de chez elles. Et cela peut les empêcher de faire des études ou d’aller travailler.

CP – Pensez-vous que les étudiantes qui portent le voile à l’université sont moins libres que vous ?

Irène – Le fait de porter le voile ne prouve rien par rapport à la liberté. Il s’agit plutôt de la tradition, de l’éducation. Il faut indiquer qu’ici les filles n’ont pas les mêmes libertés que les garçons, et cela n’est pas lié au port du foulard en Palestine. Nous sommes dans un pays machiste, mais les filles peuvent étudier, travailler, vivre normalement. En fait cela dépend de chaque famille. À l’université, nous sommes libres de le porter ou non.

Maha – Je ne pense pas que les étudiantes qui portent le foulard sont moins libres que moi. Elles étudient comme moi, travaillent. Je ne pense qu’elles sont moins libres, mais cela dépend de la famille.

CP – Sur le campus de Birzeit, il n’y a pas de différences de comportement entre les filles, foulard ou pas ?

Maha – Le foulard ne change pas le comportement et n’implique pas une interdiction de parler aux garçons. C’est comme porter un jean. En l’occurence, c’est un signe de piété, c’est tout.

Irène – Nous avons une société mixte avec des chrétiens, des catholiques, des orthodoxes, des musulmans, des non croyants — il y en beaucoup —, des athées. Il pourrait y avoir des juifs à l’université, s’ils sont contre l’occupation. Ce sont des personnes comme nous. Le fait d’avoir une religion, une croyance différente, d’être athée ne nous empêchent pas d’avoir des relations entre les garçons et les filles, d’être un groupe normal.

CP — En France, on parle des attentats où des gens se sacrifient et tuent des civils israéliens. Comment dit-on ici : des opérations suicide, martyre, kamikaze ?

Irène – Ici on parle plutôt d’opérations martyres, de personnes qui se sacrifient pour libérer la Palestine. C’est leur manière de voir, de confronter l’occupation. On n’emploie pas les termes de kamikaze ou de suicide.

Maha – Ce sont des martyrs. Ils sont plus religieux. Pour eux, ils défendent la terre.

CP — Qu’en pensez-vous ?

Maha – Je suis contre le fait de tuer des civils, mais je ne peux être complètement contre les attentats car, pour nous, c’est un des seuls moyens de résister. Hier, ils ont tué 9 Palestiniens en dehors d’Ahmed Yacine et ont détruit de nombreuses maisons. Alors qu’allons nous faire ? Devons-nous tout accepter ? C’est le seul moyen que nous ayons contre les missiles israéliens. Si nous avions des missiles pour tuer les personnes, nous ne serions pas des terroristes. Mais nous n’avons que les attentats pour répondre aux agressions israéliennes.

Irène – Je suis contre les attentats. Il y a d’autres moyens, parce que cela touche des civils israéliens, même si leurs militaires massacrent chaque jour des Palestiniens, des enfants, détruisent des maisons. Il ne faut pas toucher les civils. Pour les politiciens, les gendarmes, c’est autre chose. Il y d’autres moyens de lutter, sans toucher les civils. Les négociations peut-être, mais pas les attentats.
Dans la religion musulmane, il y a le Jihad, qui signifie la lutte pour la religion et la terre. Par ailleurs, les martyrs sont souvent des personnes qui ont déjà beaucoup souffert, des membres de leur famille sont morts à cause de l’occupation, leur maison a été détruite, c’est un acte furieux. Pour moi ce n’est pas un terroriste. Par contre, quand un Israélien détruit la maison d’un lanceur de pierres avec un tank, c’est du terrorisme. Nous avons les pierres et ils ont les tanks. Je suis contre les attentats, mais je n’appelle pas cela du terrorisme.

Maha – Pour moi, c’est plus de la résistance que lié à la religion. D’après les lois internationales, on peut résister à l’occupation par tous les moyens à notre portée. Pour nous, les Israéliens sont des occupants, donc nous devons leur résister par tous les moyens.

CP — Si la situation n’était pas bloquée, si elle évoluait, pensez-vous que ces attentats cesseraient ?

Maha – Bien sûr. Les attentats ne sont qu’une forme de résistance à l’occupation. Les Israéliens occupent la bande de Gaza et la Cisjordanie, ils tuent, détruisent, mais si l’occupation cesse, il n’y aura plus d’attentats. Pourquoi les gens font des attentats ? Pour résister à l’occupation.

Irène – Je pense la même chose. Les gens sont actuellement furieux et prêts à faire n’importe quoi pour résister, pour exister. Si la situation évolue, cela s’arrêtera.

Hadeel et Rania

Hadeel — Je suis étudiante en 4ème année de français, pour la traduction français-arabe. J’habite un village, Surda. Ma maison est proche de l’université et je peux venir facilement.

Rania — Je suis, comme Hadeel, en 4ème année à Birzeit. J’ai 21 ans et j’habite à Ramallah. Il y a un an, il était difficile de venir à l’université à cause du barrage. Il fallait marcher et les soldats nous menaçaient souvent. C’était dangereux d’aller à l’université. On voit encore des soldats nous arrêter, nous réclamer notre carte d’identité, nous retarder. Ce n’est pas facile, la situation n’est pas stable. Chaque jour, il y a le risque d’une catastrophe.

CP — L’assassinat du Cheikh Yacine risque-t-il d’aggraver la situation ?

Hadeel — Oui parce qu’il faut comprendre que l’engrenage est inéluctable. Les palestiniens vont répliquer et peuvent faire des attentats à Jérusalem ou Tel Aviv. Et la situation sera de plus en plus grave.

Rania — Il y aura des conséquences. Il y aura sans doute des massacres à Gaza, à Ramallah. La situation va se durcir.

CP — Que pensez-vous du traitement médiatique de l’assassinat ciblé d’Ahmed Yacine et des autres victimes dont on parle très peu ?

Hadeel — Beaucoup de citoyens palestiniens sont tués, mais personne n’en parle. Je ne sais pas pourquoi, car chaque jour il y a des morts à Gaza. C’est catastrophique. C’est terrible, c’est comme si les Palestiniens ne comptaient pas, comme si leur vie ne valait rien. C’est choquant.

Rania — Le Cheikh Yacine est considéré comme un guide palestinien. Chaque jour, il y a des martyrs, des massacres à Gaza, Ramallah, Naplouse, partout, mais quand ils assassinent un guide spirituel, cela entraîne des réactions.

CP — Que pensez-vous des assassinats ciblés et des massacres ?

Rania — Tout le monde est victime de l’occupation. Pourquoi tuer des enfants dans les écoles ? Pourquoi détruire les maisons ? Il est rare qu’ils tuent quelqu’un de coupable. Tous sont victimes. Je peux être tuée à tout moment.

Hadeel — L’assassinat de Rachel Corey a été un choc ici, parce qu’elle est états-unienne et qu’elle soutenait la lutte palestinienne. Elle était une cible parfaite pour les militaires israéliens.

Rania — Nous étions très tristes. C’est un message pour les États-uniens qui payent les taxes : chaque personne qui se met du côté des Palestiniens, des victimes risque de se faire tuer. N’importe qui finalement et de n’importe quelle nationalité.

CP — Cela signifie-t-il une escalade de la violence de l’occupation ?

Hadeel — Sharon veut continuer les massacres, il ne veut pas d’État palestinien, il ne veut pas de Palestiniens en Cisjordanie, en Israël ou à Gaza. Il veut récupérer les terres. Nos droits ne seront pas reconnus. Le peuple israélien ne fait rien non plus pour la justice et la paix.

CP — Des militant-e-s soutiennent cependant la cause palestinienne. Pensez-vous que la propagande joue un rôle dans cette indifférence au sort des Palestiniens ?

Rania — La mission de Sharon est de tuer les Palestiniens, sans état d’âme. Beaucoup de massacres sont perpétrés à Gaza, sans raisons., juste pour tuer. Il met en danger les Israéliens en provoquant les attentats. Sharon ne fait rien pour la sécurité des Israéliens, et encore moins pour les Palestiniens.

Hadeel — Les Israéliens pensent aussi que la Palestine est la terre d’Israël. C’est le problème. Il faut savoir ce que les gens croient pour après pouvoir échanger. La propagande est pour beaucoup dans les croyances. Les Israéliens pensent qu’ils tous les droits. Les États-Unis les soutiennent et leur but est supprimer tous les Palestiniens.

Rania — Sharon ne fait rien pour la sécurité d’Israël, par exemple le mur. Il prétend le construire pour la sécurité, pour bloquer les Palestiniens. Il y a un mois, je me suis rendue à Jérusalem et j’aurais pu transporter un sac avec une bombe. Le mur ne servira qu’à compliquer la vie des Palestiniens, à nous rendre encore plus misérables.

Hadeel — Le gouvernement israélien veut détruire l’État palestinien pour prendre les terres. Ensuite, il sera impossible de construire un pays avec des terres morcelées. On ne peut pas faire un État palestinien avec le mur.

CP – En fait, c’est la politique du fait accompli.

Hadeel et Rania – Oui, c’est ça.

CP – Dans cette situation, comment voyez-vous l’avenir ?

Hadeel — Je voudrais voyager. Mon père est aux États-Unis. Je voudrais continuer mes études et travailler.

Rania – Mes années d’université ont été très dures. Je m’attendais à autre chose, mais je n’ai fait qu’étudier. Je rêve de continuer mes études en France pour me perfectionner en traduction, mais cela est impossible sans bourse. Mon père n’a pas les moyens de m’envoyer en France pour étudier, sans bourse. Sans cela, je chercherai un travail en Palestine. Il y a peut-être des possibilités pour les étudiant-e-s en français, avec des associations.

CP – Et l’avenir en Palestine ?

Hadeel — Je resterai quelques années à l’étranger et je reviendrai.

Rania – Je veux vivre en Palestine. Je suis née en Arabie saoudite et j’y ai bien vécu, mais j’ai trouvé ma place en Palestine. Malgré la situation, je veux vivre ici.

CP – Avez-vous le sentiment d’avoir les mêmes droits que les hommes ?

Hadeel – Oui, j’ai les mêmes droits. Ma famille me considère égale à mes frères. Je peux faire mes études, travailler et suis libre au même titre que mes frères.

Rania – Ici, en Palestine, les droits des femmes sont différents selon les familles. Dans certains villages, éloignés des villes, ce n’est parfois pas facile pour les filles. Dans les villes, les femmes et les jeunes filles ont des droits.
Hadeel – Les femmes en Palestine sont plus libres que dans les autres pays arabes. D’une part en raison de l’éducation, mais aussi l’occupation a créé cette situation parce que tout le monde souffre ici. Les femmes, les enfants, les personnes âgées. Un exemple : une femme se retrouve seule après la mort de son mari, elle doit travailler, s’occuper des enfants. C’est pour ça.

CP – Vous ne portez ni l’une ni l’autre le foulard. Que pensez-vous de la loi sur le foulard ou le voile en France ?

Hadeel – Je suis contre et pour. C’est votre pays et cela concerne votre façon de vivre. Je ne pense pas que le voile affecte l’autre, et pourquoi alors accepter les minijupes ? J’ai parfois le sentiment que cette loi est contre l’Islam.

Rania – Le voile est considéré comme un signe, mais ce n’est pas un signe. J’ai lu que c’était un problème pour les cours d’éducation physiques ou pour la piscine, que cela allait à l’encontre des règles scolaires. Certaines personnes refusent aussi d’entrer dans une salle d’examen où il y a des hommes. Là je trouve qu’il y a exagération, mais cela me paraît exagéré des deux côtés. Toutefois faire une loi qui peut empêcher les filles d’aller étudier c’est une erreur. Étudier est un droit pour tout le monde, avec ou sans voile. Il faut trouver une autre solution.

Hadeel – Les Français ont exagéré avec ce problème. On pouvait régler les quelques cas avec des règles simples. Il fallait discuter avec les filles et trouver des compromis.
Rania – Nous avons fait dernièrement un cross de 2 kms, à l’université, et une étudiante portait un foulard. Elle a couru comme les autres. Il n’y a pas d’interdiction de faire du sport. Je ne me sens pas obligée de porter un foulard ou un voile.
Hadeel – Moi non plus.

Rires.