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Samedi 11 juin 2022
Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux. Loving Highsmith de Eva Vitija. Je tremble, Ô matador (Tengo miedo torero) de Rodrigo Sepulveda. Boom Boum de Laurie Lassale. Le Prince de Lisa Bierwirth. Où sont passés les gens du voyage ? Inventaire critique des aires d’accueil} De William Acker (éditions du commun). La Spirale de Neil Bousfield (éditions Ici Bas)
Article mis en ligne le 12 juin 2022

par CP

Incroyable mais vrai
Film de Quentin Dupieux (15 juin 2022)

Loving Highsmith
Film de Eva Vitija (15 juin 2022)

Je tremble, Ô matador (Tengo miedo torero)
Film de Rodrigo Sepulveda (15 juin 2022)

Boom Boum
Film de Laurie Lassale (15 juin 2022)

Le Prince
Film de Lisa Bierwirth (15 juin 2022)

Où sont passés les gens du voyage ?
Inventaire critique des aires d’accueil

De William Acker (éditions du commun)

La Spirale
de Neil Bousfield (éditions Ici Bas)

Incroyable mais vrai
Film de Quentin Dupieux (15 juin 2022)

Drôle de film… On pouvait s’y attendre de la part de Quentin Dupieux, mais là, il se surpasse. D’une comédie incroyable, le film devient une réflexion acide sur deux sujets qui semblent tourmenter une partie de la population, et là évidemment c’est genré ! Il y a les mecs, représentés par le patron et tombeur de service (Benoît Magimel) obsédé par le fait de maintenir ses performances sexuelles et le nombre de ses conquêtes. Et il y a les femmes, qui, avec leur besoin de séduire, s’inquiètent du vieillissement tout en fantasmant sur une carrière loupée de top model.
Ces deux clichés récurrents, Quentin Dupieux s’amuse à les décliner en une série de gags et de rebondissements ironiques et parfois un tant soit peu cruels, avec clins d’œil cinématographiques aux classiques. Si, si Même à Luis Bunuel et au Chien andalou et ce n’est pas le seul.

En entrée de jeu, et avant le générique, un couple de la classe moyenne, Alain et Marie, s’adresse au public, tous deux sont quelque peu embarrassés, se renvoient la balle, hésitant à… prendre la parole.
Enfin, quand je dis classe moyenne, le couple a quand même les moyens vu l’acquisition de la baraque.

Alors ça commence comme ça : la visite de la maison avec un agent immobilier, plus vendeur que ça tu meurs, pommadé à souhait et qui ménage ses effets…Et ce n’est pas tout, c’est juste la mise en appétit. Parce qu’en fait il y a deux maisons, prises dans les vertiges de la temporalité. Mais attention, c’est dit dans le contrat de vente, cela peut générer des troubles… Le conduit temporel entraîne en effet l’addiction de Marie (Léa Drucker), tandis que le tombeur, lui est allé au Japon pour se faire greffer un bite électronique actionnée par son portable… Tout passe par le portable aujourd’hui, les contrôles, le billet de train, la sécu, le pass… Si vous n’avez pas scanné les applis, vous êtes has been, et là l’appli actionne le sexe ! La virilité sous forme d’appli, on y arrive et c’est plus impressionnant que les sex toys… Sa compagne (Anaïs Demoustier) tient une boutique de lingerie féminine, autre cliché.

J’oubliais, il y a un chat, qui observe, absolument super, alors qu’entre sexe piloté et cure de rajeunissement vitesse V, Alain Chabat, le philosophe de la bande, se tire à la pêche. Ne pas manquer le repas dans la nouvelle maison, une sorte de crémaillère, qui fait penser à une scène d’un autre film de Luis Bunuel, Le Fantôme de la liberté.

Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux, c’est le 15 juin au cinéma.

Chanson :Bernard Joyet, Rien s’en va

Loving Highsmith
Film de Eva Vitija (15 juin 2022)

Le film est un regard très original sur la vie et l’œuvre de la célèbre autrice états-unienne, Patricia Highsmith. Film basé sur ses journaux intimes, des carnets de notes, ainsi que les témoignages de ses amantes, de ses ami.es et de sa famille. Née en 1921 au Texas, enfant non désirée, elle est recueillie par sa grand-mère jusqu’à l’âge de six ans, âge auquel elle rejoint sa mère à New York, mais revient au Texas à 12 ans. Le fait d’être ballottée ainsi est certainement une des clés de sa personnalité et de sa demande d’amour comme cela est souligné dans le film.
En même temps, elle développe une indépendance par rapport à son milieu familial, tout en étant obligée de dissimuler ses amours. Le fait d’être lesbienne à cette époque est complètement scandaleux et condamné dans un pays marqué par le puritanisme et, notamment, les discriminations raciales. Cependant, elle « mène une vie underground sauvage et homosexuelle dans le New York des années 1940-1950. Jusqu’à ce qu’elle puisse vivre de l’écriture, Highsmith compose des histoires pour des “comics” pour Marvel, des histoires stéréotypées de héros aux doubles identités. » C’est dans ses romans policiers qu’elle joue le mieux sur l’ambiguïté. Dans le film, les témoignages de ses proches amies montrent à quel point elle était exigeante dans les relations.

Strangers on a Train, publié en 1950, est son premier grand succès littéraire qu’Alfred Hitchcock adapte au cinéma. L’Inconnu du Nord Express est aussi la première des nombreuses adaptations cinématographiques de ses œuvres. Ce succès lui permet de quitter les Etats-Unis et de voyager en Europe. Son second roman, The Price of Salt, adapté au cinéma par Todd Haynes et intitulé Carol, le sera seulement en 2015. Une histoire d’amour lesbienne qui se termine bien ne rentrait évidemment pas dans les normes littéraires de l’époque, c’est pourquoi le roman sera publié à sa demande sous un pseudonyme, et republié sous son nom quarante ans plus tard. À partir de 1962, elle s’installe en Europe — en Angleterre, en France et en Italie. Il faut d’ailleurs souligner que malgré ses succès littéraires, les adaptations cinématographiques de ses œuvres, certains de ses romans sont rejetés aux Etats-Unis. Elle s’installe en Suisse à partir de 1981.

C’est au cours de ses recherches et du tournage du film que la réalisatrice prend conscience que l’œuvre de Patricia Highsmith et les thèmes de son écriture sont « puissamment déterminés par l’amour. L’amour est un thème permanent, pas seulement dans ses romans et journaux inédits. Les célèbres thrillers psychologiques de Highsmith sont également entremêlés avec des thèmes d’amour obsessionnel qui perturbent l’identité. En dernière analyse, elle écrit toujours sur l’amour, même si la plupart du temps, de façon “codée”. C’est pourquoi [précise Eva Vitija], j’ai voulu mettre le “sujet omniprésent” de Highsmith, comme elle se réfère à ses réflexions sur l’homosexualité dans ses journaux, au premier plan dans Loving Highsmith. »
On peut ajouter que Loving Highsmith est à la fois une « biographie amoureuse » de cette grande écrivaine et une reconnaissance de la lutte des femmes de cette génération pour le droit de vivre et d’aimer comme elles l’entendaient.
Loving Highsmith d’Eva Vitija, en salles le 15 juin.

Où sont passés les gens du voyage ?
Inventaire critique des aires d’accueil

De William Acker (éditions du commun)

La semaine dernière, le film de Tony Gatlif, Swing, sortait dans les salles en version restaurée. Or, dans la lancée de l’œuvre de Tony Gatlif, le travail original de William Acker vient de recevoir le prix d’écologie politique pour son livre, Où sont passés les gens du voyage ?
Cette reconnaissance accompagne son travail de visibilisation de la situation des Voyageurs et des Voyageuses, et bien entendu du racisme environnemental et de l’antitsiganisme qu’ils et elles subissent.

Où sont passés les gens du voyage ?
Inventaire critique des aires d’accueil

De William Acker (éditions du commun)

Nous en reparlerons avec des lectures d’extraits.

La Spirale
de Neil Bousfield (éditions Ici Bas)

En 200 bois gravés sans paroles, Neil Bousfield offre une vision cinglante du monde industriel et de la misère sociale qu’il provoque.
Le lieu : une usine. Gros plan sur la chaîne. Sans fin. L’éternel recommencement, d’une génération à l’autre. La misère et la violence. Est-il possible d’échapper à cette spirale infernale ?
La Spirale de Neil Bousfield (éditions Ici Bas)

Boom Boum
Film de Laurie Lassale (15 juin 2022)

Après Un peuple d’Emmanuel Gras, À demain mon amour de Basile Carré Agostini, Boom Boom de Laurie Lassalle apporte un autre angle de vision à ce qu’a été la révolte des Gilets jaunes, ce que cela a signifié pour celles et ceux qui revendiquaient plus de justice, de respect et le droit de vivre décemment. C’est aussi la libération des paroles, toutes différentes…

Dès les premières images, la voix off donne le ton du récit, une rencontre amoureuse qui se mêle à l’idée, à la construction spontanée d’un film et aux manifestations des Gilets jaunes. Chercher de nouvelles formes d’expression de la résistance, des pratiques différentes, filmer et être dans le film, dans la révolte, y participer… Boom Boom est une histoire d’amour et de révolte collective.

Le synopsis est simple : « Je rencontre Pierrot à l’automne 2018. Quelques semaines après, nous manifestons ensemble au cœur du mouvement des Gilets jaunes. La terre tremble et nos cœurs aussi. Nos corps se mêlent à des milliers d’autres qui expriment leur colère dans la rue tous les samedis, des mois durant. »
« La manif, c’est habiter la ville »

Boom Boom de Laurie Lassalle, le 15 juin au cinéma.

Je tremble, Ô matador (Tengo miedo torero)
Film de Rodrigo Sepulveda (15 juin 2022)

« Aujourd’hui au Chili, on ne fait pas de cinéma qui ne milite pas pour une cause, qu’elle soit féministe, ethnique, LGBTQI, sur la santé mentale, etc. Je n’ai pas l’impression qu’on y fasse un cinéma léger dans le sens d’un cinéma qui serait inconséquent ou sans aucun engagement. Je n’y avais pas trop réfléchi avant, mais si on me demandait : “quel film ne ferais-tu pas ?”, j’aurais du mal à répondre car tous les films qui se font actuellement semblent très engagés, ce qui me paraît merveilleux. Il me semble qu’un monde incroyable est en train de s’ouvrir avec ce qui se passe au Chili, avec cette nouvelle Assemblée Constituante dont la majorité est constituée par des femmes qui sont jeunes, d’une joueuse d’échecs à une biologiste... » Voilà ce que déclarait Alfredo Castro à propos du film, Je tremble, ô matador (Tengo miedo Torero) de Rodrigo Sepulveda. De toute évidence, si l’on se remémore les films récemment en salles ou en attente de date de sortie, dans lesquels Alfredo Castro tient les rôles de personnages aussi divers qu’époustouflants de naturel et de vérité, on ne peut que constater l’engagement du cinéma chilien, par exemple : Algunas bestias de Jorge Riquelme Serrano (20 avril), Karnawal de Juan Pablo Félix (11 mai), et deux films en cours de distribution et vus lors du dernier Cinélatino de Toulouse, La Vaca que canto una cancion hacia el Futuro (La Vache qui a chanté une chanson pour le futur) de Francisca Alegria,
 et Immersion de Nicolás Postiglione.

Je tremble, ô matador de Rodrigo Sepulveda est situé durant la dictature de Pinochet, en 1986, et met en scène deux personnages en danger durant ce régime, un révolutionnaire idéaliste et un travesti vieillissant. Le film s’inspire d’un roman écrit en 2001 par l’écrivain et artiste LGBT chilien Pedro Lemebel, dont c’est l’unique roman. « Cette histoire d’amour entre un vieux travesti et un guérillero qui prépare un attentat contre la dictature dans le Chili des années 1980 a été très populaire dans notre pays. Il s’agit [explique Rodrigo Sepulveda] d’une histoire d’amour particulière en raison du contexte politique et de l’environnement dans lequel elle se déroule. Les deux personnages principaux, Carlos et La Loca, vivent chacun dans le secret : Carlos pour être un guérillero, et La Loca pour être homosexuel dans un pays où l’homosexualité était illégale. Mon intention était donc de donner à ressentir qu’ils vivent chacun dans un monde soumis à l’isolement : qu’il s’agisse de l’espace intérieur de la Loca ou de l’espace social public d’un pays vivant sous une dictature. »

Ces deux-là se rencontrent accidentellement à la sortie d’un cabaret illégal où se produisent des artistes trans. Lors d’un spectacle, la police fait violemment irruption dans la salle, tire en direction de la scène, tue la vedette et embarque tout le monde. Par chance, La Loca échappe à la descente de flics et se retrouve dans la rue où un homme le retient alors qu’il risque de se faire embarquer par un contrôle. La Loca est méfiant, mais tombe presque immédiatement sous le charme de cet homme. Carlos lui demande de cacher des documents secrets chez lui, dans un immeuble presque en ruines. La Loca accepte par amour et veut croire en une idylle romantique, même s’il n’est pas tout à fait dupe que le groupe dont fait partie Carlos se sert de lui.
La force du film réside dans ce mélange à la fois de récit sentimental et d’histoire politique admirablement rendue dans l’évocation de la tension et du danger permanent résultant d’une situation de clandestinité. De même, les relations de solidarité entre les trans sont extrêmement touchantes, il/elles se soutiennent et, d’une certaine manière, résistent à l’oppression par la transformation de leur image. Ils se savent en danger permanent dans une dictature dominée par la virilité brutale. C’est aussi un constat social sur l’oppression, la pauvreté, la prostitution, la violence…

Tengo miedo Torero est une chanson sentimentale qui a donné le titre au roman et a été repris par le réalisateur Rodrigo Sepulveda pour son film, avec un Alfredo Castro incarnant incroyablement La Loca, tant du côté de la gestuelle que du langage. Une interprétation brillante, on peut en effet se demander ce qu’il ne pourrait pas encore jouer pour étonner le public. Ce film rejoint en quelque sort le théâtre qu’il a créé et nommé le « Théâtre de la mémoire », car, dit-il, « je pressentais qu’il faudrait de nombreuses années pour régler la question de la mémoire au Chili et que la droite et le centre-droit s’efforceraient d’imposer l’oubli. Leur discours a été : “regardons vers l’avenir”, mais […] nous leur avons dit “non, nous n’oublierons pas ”. Il est possible qu’aujourd’hui, finalement, après 40 ans, Pinochet soit vraiment mort et que la “transition” soit achevée. Peut-être. Cela dépend de nous. » Alfredo Garcia, entretien à propos de Je tremble ô matador.

Pour la question de la mémoire, Je tremble, ô matador (Tengo miedo Torero) de Rodrigo Sepulveda en fait une admirable démonstration. Une belle histoire mêlant amour et politique au cinéma le 15 juin 2022.

Musiques : Rolo Makewe, me déclaro enemigo. El derecho de vivir de Victor Jara

Le Prince
Film de Lisa Bierwirth (15 juin 2022)

Monika travaille dans une galerie d’art à Francfort et ne semble rien avoir en commun avec Joseph, diamantaire congolais à l’occasion, en attente
 de régularisation et qui survit de combines. Leur rencontre fortuite, quasi accidentelle, va les rapprocher, faire naître une attirance, un sentiment de curiosité et de reconnaissance mutuelle. Tous deux se voient, se vivent différents des personnes qui les entourent, dans une marge intérieure qui les fait se ressentir sans cesse en décalage. Le coup de foudre les surprend, et des moments de doute, de déceptions et d’incompréhensions s’immiscent peu à peu dans la relation amoureuse et génèrent des malentendus… Ils vivent deux mondes différents, Monika n’obtient pas le job de responsabilité qu’elle convoite, ses ami.es ne comprennent pas sa relation amoureuse, la régularisation de Joseph semble bloquée et son projet de commerce de diamants échoue… Ce qui provoque des tensions, « I dont want your help ! I need your respect. » Je ne veux pas de ton aide. J’ai besoin de ton respect ! s’écrie Joseph.

Le Prince est un film intéressant sur les différences de cultures, les mondes qui se croisent, mais se heurtent, confrontés au quotidien et surtout aux autres. À mes yeux, le film est pessimiste malgré sa fin ouverte à toutes les hypothèses. Ce n’est pas Tout le monde s’appelle à Ali de Fassbinder malgré le point commun de la relation amoureuse et des différences sociales et culturelles. Certes l’analyse de classes et les apriori, de part et d’autre, sont également très bien montrés dans le film et restent latents dans la trame du récit, mais il demeure parfois un goût d’inachevé difficile à cerner. Et c’est cette impression qui en souligne la complexité et l’envie d’aller au-delà des apparences, et, comme le dit Lisa Bierwirth, « de comprendre si les conditions sociopolitiques, et donc
les structures et conflits post-coloniaux en particulier,
 se reflétaient aussi dans la sphère privée – et si oui, comment et où ; dans quelle mesure la relation inégale et non résolue entre ce qu’on appelle le premier et le tiers monde, entre l’Europe et l’Afrique et réciproquement, s’y reflète. Quelles assignations agresseur-agressé sont concomitantes et quelle défiance peut en découler ; et la question de cette défiance qui s’oppose à une relation d’amour. »

Monika pense à l’évidence ne pas partager la défiance vis-à-vis de «  l’autre ». Pourtant, elle n’en est pas tout à fait exempte, en tant qu’enfant de sa génération et de sa société. La réalité de la relation lui impose des exigences différentes et l’oblige en permanence à se remettre en question. À l’inverse, Joseph adopte une stratégie de survie et, en fonction de son expérience, n’accepte aucun soutien qui aurait l’apparence d’un quelconque contrôle, même bienveillant. « Mon père a été colonisé. Pas moi », déclare-t-il pour affirmer son autonomie d’un passé colonial et, parfois, rejette sa relation avec Monika, qui soudain symbolise l’ennemie. Au détour de difficultés, les conventions sociales surgissent dans le quotidien amoureux et bat en brèche l’idée romantique que l’amour peut abattre tous les murs. « On m’a souvent demandé pendant la phase d’écriture pourquoi ils tombaient amoureux, et si Monika ne devait pas avoir une raison de tomber amoureuse de ce “Congolais un peu louche et insondable”. C’est fascinant [remarque la réalisatrice] comme on peut accepter sans problème que Julia Roberts et Richard Gere tombent amoureux après une passe dans un hôtel, mais ce n’est pas possible pour Monika et Joseph. » Intéressante observation qui en révèle beaucoup sur le racisme latent et « gentil », qui se veut bien entendu de bon sens dans un milieu qui le nie et se croit dispensé de tels relents… Mais en réalité, le vernis social se fissure et cela prouve que l’esprit colonisateur et ses conséquences sont loin d’avoir été éradiquées des mentalités et des consciences.

Le Prince en cela ouvre sur de nombreux questionnements et à plusieurs niveaux, car on peut considérer Monika et Joseph comme des « loups solitaires », autrement dit « c’est une nature ou un sentiment qui les unit. 
Il est peut-être demandeur d’asile, mais il n’accepte pas l’espace exigu qu’on lui attribue en Allemagne. Joseph est évidemment stigmatisé et marginalisé, et n’a d’autre choix que de se débrouiller tout seul. Et Monika aussi se rend compte que sa situation devient de plus en plus tendue
et solitaire, dans le domaine que la société veut bien lui accorder en tant que femme sans enfant, la quarantaine passée et une carrière tout sauf spectaculaire. […] Elle se sent elle-même soudainement disparaître. »

Le Prince est un film de la nuance et de la complexité, dont «  le point de départ [révèle la réalisatrice] a été la relation entre ma mère et
 son mari de l’époque originaire de Kinshasa, au Congo. Malgré toutes leurs difficultés, ils formaient un couple incroyable.
Un couple lumineux, non seulement par leurs différences, mais aussi par leur résilience, leur humour et par l’énergie qu’il y avait entre eux. » Premier long métrage de Lisa Bierwirth, le film est magnifiquement interprété par Ursula Strauss et Passi Balende (rappeur bien connu sur Radio Libertaire et cofondateur du groupe Ministère AMER).
Le Prince est-il l’analyse d’un échec ou, au contraire, un dépassement d’une fatalité sociale ? À vous de choisir, c’est dans tous les cas un film qui porte une réflexion profonde et c’est une belle réussite. Au cinéma le 15 juin.
Musique : Tiken Jah Fakoly, African Revolution.


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