Chroniques rebelles
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Samedi 29 Avril 2023
11h30 / 15h30
Nos Algérie(s) intimes de sous la direction de Soraya Guendouz-Arab et Nora Mekmouche. Disco Boy de Giacomo Abbruzzeze. Les Âmes perdues de Stéphane Malterre & Garance Le Caisne. Showing Up de Kelly Reichardt. Temps mort d’Ève Duchemin. Le Virus et la proie de Pierre Lefebvre
Article mis en ligne le 3 mai 2023

par CP

Nos Algérie(s) intimes
Ouvrage collectif sous la direction de Soraya Guendouz-Arab et Nora Mekmouche

Disco Boy
Film de Giacomo Abbruzzeze (3 mai 2023)

Les Âmes perdues
Film de Stéphane Malterre & Garance Le Caisne (3 mai 2023)

Showing Up
Film de Kelly Reichardt (3 mai 2023)

Temps mort
Film de Ève Duchemin (3 mai 2023)

Le Virus et la proie
Pierre Lefebvre (éditions écosociété)

Entretien avec Pierre Lefebvre

Nos Algérie(s) intimes
Ouvrage collectif sous la direction de Soraya Guendouz-Arab et Nora Mekmouche

Rencontre avec Soraya Guendouz-Arab, Nora Mekmouche et Olivier Le Cour Grandmaison

C’est un ouvrage magnifique où les récits s’enrichissent, non pas d’illustrations, mais s’accompagnent plutôt d’œuvres picturales, photographiques. Il s’git donc de faire découvrir « différentes écritures afin de rendre la lecture plus dynamique, animée, afin d’en faire un récit choral. »
Treize auteur.es, huit femmes et cinq hommes, toutes générations confondues, qui disent leur rapport à la mémoire, à l’engagement, à l’exil, à leur vécu partagé, à leur vision de l’Algérie, autant de regards se croisant, se faisant écho pour faire émerger des voix singulières. « La “grande histoire” se déploie sur la base d’une multitude de “petites histoires” concrètes », écrit Saïd Bouamama et cet ouvrage en est certainement une preuve dans toute sa diversité.
Des anecdotes, des histoires personnelles et collectives, des analyses qui secouent le déni : « ces récits mettent à jour les réalités de ce qui constitue un trauma colonial. En racontant comment l’histoire coloniale continue de se manifester dans nos espaces, nos corps, nos vies mais aussi en traçant les lignes d’une histoire des quartiers populaires aux frontières perméables. Une histoire qui se poursuit sans jamais être nommée. »

Disco Boy
Film de Giacomo Abbruzzeze (3 mai 2023)

Tout d’abord, ce sont des corps endormis dans la jungle, un homme, Jomo, et une femme ont pris la tête d’une lutte de libération à la suite des exactions de multinationales et des autorités du pays. En parallèle, à quelques milliers de kms, deux hommes, Aleksei et Mikhail, fuient la Biélorussie et sont prêts à prendre tous les risques pour quitter le pays. Seul Aleksei rejoint finalement Paris et s’engage dans la Légion étrangère, qui l’envoie en mission dans le Delta du Niger, où Jomo lutte contre les compagnies pétrolières qui ont dévasté son village. Si Aleksei cherche une nouvelle famille dans la Légion, Jomo s’imagine être danseur, un disco boy. La danse est une transe, mais pour l’instant, Jomo mène la lutte et déclare au groupe qui le suit : « Nous ne serons plus des esclaves. Toutes les richesses disparaissent avec la complicité des gouvernements corrompus. Dans 20 ans, il n’y aura plus de pétrole et il ne restera que des terres dévastées et des eaux polluées. » Vue aérienne des terrains dévastés.
Soudain, les événements se précipitent, les rebelles capturent quelques hommes qui allaient visiter les chantiers et s’enfoncent dans la jungle avec eux, alors qu’arrivent des mercenaires par la mer. Leur mission est de libérer les otages et la chasse aux rebelles commence. Le feu est mis au village et la traque est filmée par des caméras thermiques. Dans la jungle, les rêves et les destins d’Aleksei et de Jomo vont se croiser. Ils se battent dans la rivière, Aleksei blesse mortellement Jomo, le ramène mourant sur la rive, et là, avant d’être récupéré par un hélicoptère, une sorte d’échange s’effectue entre les deux hommes. À nouveau, la vue aérienne, montre les terres détruites avec les lieux d’extraction.
Avec ce premier long métrage où la bande son composée par Vitalic tient un rôle majeur, Giacomo Abbruzzese dit avoir voulu faire « un film de guerre atypique. Au sens où l’autre existerait vraiment, à part entière. Où il ne serait pas juste un ennemi ou une victime. » Un film ambitieux et il aura fallu dix ans pour réaliser cette histoire d’un Biélorusse « qui traverse l’Europe, arrive à Paris et intègre ensuite la Légion étrangère, puis l’histoire de son antagoniste, combattant écologiste au Nigeria. Dans le fond c’est l’histoire d’une métamorphose, qui ouvre finalement sur une utopie. » La métamorphose d’un soldat en danseur pour accomplir le rêve de celui qu’il a tué.
La violence est permanente dans le film, à commencer par celle de la destruction des terres africaines pour raison de profit, puis de la lutte de l’avant-garde écologiste dans le Delta du Niger, un des endroits les plus pollués au monde. « Je ne raconte pas l’histoire du MEND dans le film [précise le réalisateur], au départ c’était un mouvement pacifiste dont le leader s’est fait assassiner dans une prison nigériane. Suite à cela, le groupe a pris les armes et une autre dimension : opérations commando (enlèvements, rançons) avec parfois des dérives un peu mafieuses, du racket. J’avais vu des vidéos et des entretiens de plusieurs de ses militants au début de leur engagement ; ils tenaient un discours politique clair, qui me faisait penser parfois à Sankara. »

Disco Boy est, par sa narration, le traitement de l’image et du son, un film original et envoûtant qui croise à plusieurs moments les faits, le mythe et un monde parallèle. C’est à la fois un film de guerre et un voyage intérieur, où se croisent la mémoire, les traces de vie antérieures et la réalité. En effet, la « perméabilité entre le décor et le personnage, les lieux traversés et habités racontent l’état d’âme d’Aleksei. Son évolution, aussi. J’ai cherché au montage une structure sensorielle [explique le réalisateur], avec une sorte de vortex au centre du film, la danse. Autour, les choses se font écho, les thèmes du film reviennent parfois quand on ne s’y attend pas : la jungle qui rentre petit à petit dans le jardin de la boîte de nuit, le corps de Mikhail », apparaissant dans la Seine, au moment où Aleksei trinque à son ami disparu.
La métamorphose d’Aleksei en Jomo s’accomplit peu à peu jusqu’à ce qu’il pénètre dans l’espace de la danseuse, Udoka, qui le ramène à la vision du village africain en feu, jusqu’à transformer son regard comme celui de Jomo, ou celui de la danseuse.
Disco Boy de Giacomo Abbruzzeze est une fable politique et magique, un film absolument fascinant. Il est en salles le 3 mai.

Les Âmes perdues
Film de Stéphane Malterre & Garance Le Caisne (3 mai 2023)

En 2014, un mystérieux déserteur — nom de code César — divulgue des dizaines de milliers de photos des victimes du régime syrien, mortes sous la torture. Alors que les supplicié.es, les faits des exactions sombrent dans l’oubli, que des milliers de civils disparaissent après des arrestations arbitraires, leurs familles, leurs avocats et un petit groupe d’activistes tentent de déposer des plaintes dans des tribunaux européens.
Les Âmes perdues raconte les rebondissements d’enquêtes et de procédures, qui conduiront à l’émission de mandats d’arrêts contre les plus hauts responsables de l’administration de Bachar al Assad, pour crimes contre I’humanité. Le 4 avril, un procès contre trois hauts dirigeants du régime de Damas pour crimes contre l’humanité a été annoncé publiquement et relayé par les médias. Ces trois dirigeants sont accusés d’avoir notamment provoqué la mort de deux Franco-Syriens, Mazen Dabbagh et son fils Patrick.
Cette décision ouvre la voie, pour la première fois en France, au procès historique de très hauts responsables de l’appareil répressif syrien. C’est aussi une victoire pour le frère de Mazen, Obeida Dabbagh, qui a osé porter plainte. Les Âmes perdues est la genèse de ce combat juridique mené par la famille Dabbagh et d’autres familles européennes de Syriens et de Syriennes disparu.es dans les geôles syriennes du régime de Bachar al Assad.

Comment ces documents ont-ils pu sortir des archives ? C’est à la fois incroyable et la démonstration que, malgré la peur, certains s’insurgent contre l’horreur et sa banalisation, bien qu’il faille un courage inouï pour décider et accomplir le détournement de preuves. «  César » reste d’ailleurs anonyme pour ne pas mettre en danger ses proches. Le film est un document exceptionnel et illustre les méfaits de la collaboration et la banalité de l’impensable. Mazen Dabbagh et son fils ont disparu pour que quelqu’un de bien placé puisse récupérer sa maison. On ne peut que se souvenir de faits similaires durant la Collaboration des autorités françaises avec les nazis.
Les Âmes perdues de Stéphane Malterre & Garance Le Caisne est un film, un document précis et essentiel, à découvrir sur les écrans le 3 mai.

Showing Up
Film de Kelly Reichardt (3 mai 2023)

Deux artistes, Lizzie et Jo, voisines et amies, sont à la veille de présenter une exposition de leurs créations. Deux personnalités différentes, deux œuvres différentes, Jo semble à première vue plus ouverte et plus enjouée, alors que Lizzie est anxieuse, tourmentée par le doute à propos de sa créativité et par les rapports qu’elle entretient avec sa famille, à la fois proche et en décalage. La proximité du vernissage, les sculptures — des personnages féminins en mouvement — à terminer, leur installation à imaginer afin de créer un ensemble et un lien narratif, un écho entre toutes, cela angoisse Lizzie. Elle est sans cesse contrariée par des détails du quotidien qui la perturbent et l’empêchent de se concentrer sur son travail, le chauffe-eau en panne, l’intrusion d’un pigeon dans sa maison chassé par Ricky, le chat, l’insouciance de Jo, l’une de ses sculptures sortant à moitié brûlée du four, sa famille… Le pigeon, traumatisé par Ricky, est finalement soigné par Jo et Lizzie, devient d’ailleurs l’un des personnages jusqu’à l’exposition.

Showing Up, immergé dans un milieu méconnu ou fantasmé, évoque le processus de création, le travail quotidien des artistes et comme le souligne la réalisatrice : « Showing Up parle du fait de travailler tous les jours et de prendre le temps de s’entrainer. C’était quelque chose d’essentiel au scénario. Il fallait montrer en quoi le fait de s’entrainer tous les jours devient quelque chose d’automatique, comme le fait de manger. Travailler devient une nécessité ne serait-ce que pour payer son loyer. Notre vie est souvent tributaire de la façon dont se déroule notre vie au boulot. Nous travaillons parce que cela nous nourrit, nous construisons notre vie autour de ça.  »
Les doutes, les freins à la création en même temps que le monde extérieur nourrit par bien des aspects l’œuvre de Lizzie, les ratages, les erreurs sont sources d’autres perceptions, par exemple sa famille, très présente, « ce genre de relations inspire et demande en même temps énormément d’énergie. Elle est constamment interrompue dans son travail. Pourtant, c’est aussi elle qui se met dans cette position, celle d’être facilement sollicitée. Pour le meilleur et pour le pire. » Ce sont des thèmes récurrents dans la filmographie de Kelly Reichardt, pour qui « l’idée de la communauté, de la responsabilité qu’on a de prendre soin des autres, l’amitié, sont vraiment des thèmes essentiels ».
Les gros plans qui suivent chaque mouvement de la sculptrice, depuis l’ébauche du projet jusqu’à sa finalisation, les surprises, les déceptions et finalement la sculpture apparaissant dans toute sa dimension, décrit précisément le processus de création. Kelly Reichardt nous fait pénétrer dans l’intimité des personnages, nous les rend proches avec une finesse étonnante. Capter un milieu avec une telle authenticité est remarquable, Les comédiennes, les comédiens ne jouent pas, elles et ils vivent la situation. « Ce qu’il y a d’unique dans son cinéma [dit Michelle Williams qui incarne Lizzie], c’est que le récit est à la fois conscient et inconscient. Si l’on s’en tient aux faits, Showing Up raconte l’histoire d’une artiste qui prépare une exposition tout en s’occupant de sa famille. Mais il y a aussi tous ces détails sous-jacents que Kelly apporte avec sa façon si particulière de cadrer, monter les images, et de voir la vie. »
Concernant l’étape du montage, après le tournage et le travail en équipe, c’est, explique la réalisatrice, « le retour à la solitude. On est seul avec son projet avec des hauts et des bas. Mais j’aime l’idée de pouvoir physiquement toucher, de construire quelque chose, d’étirer une matière, un peu comme en sculpture. On crée quelque chose, on détruit, on trouve une histoire, on la dissèque, on la déconstruit puis on la reconstruit sans cesse. J’ai souvent associé le montage au fait de sculpter. »
Un très beau film que Showing Up qui recrée, le temps du tournage, et grâce au décorateur, l’ambiance d’une école d’art, la vie d’une communauté d’artistes, sans les faux-semblants ou les mythes attachés à la création et à la célébrité.
Showing Up de Kelly Reichardt est sur les écrans le 3 mai.

Temps mort
Film de Ève Duchemin (3 mai 2023)

Trois détenus se voient accorder une permission d’un week-end… La prison en prélude, puis la sortie. Le film d’Ève Duchemin se déroule donc hors les murs et, pour chacun, ces 48h sont une occasion de retrouver la famille, des amis… mais aussi de se confronter à une autre réalité. Si la prison est un reflet de la société, le constat du décalage entre les trois détenus et leurs proches est pessimiste. NI les uns ni les autres ne sont préparés pour affronter ce décalage qu’il s’agisse de l’extérieur ou de l’expérience de l’enfermement. Cela laisse peu de chances à la réinsertion. La réalisatrice dit avoir voulu « questionner et filmer ces corps jetés dans le réel lors d’une permission, sachant que ces personnes doivent rentrer dans leur cellule le lendemain. Je voulais que mon film ne soit ni un film dit « de prison » ni un polar carcéral à rebondissements, mais qu’il soit tourné vers le dehors ».
Un temps mort qui ne débouche sur rien.

Une fiction qui a des airs de documentaire ou d’enquête psychologique sur trois personnes, dont on ne sait pas dans le détail ce qui les a amené à être condamné. Des peines différentes, des vécus et des passés différents… le regard d’Ève Duchemin est intime dans sa manière de filmer ses personnages, au plus près. « Dans la vie [dit-elle], quand on est ému par quelqu’un, on fait nous-mêmes un gros plan en focalisant notre attention sur des détails. J’avais envie de partager ce qui me touche chez mes personnages : leur manière de respirer quand ils sont incapables de répondre à une question, leurs gestes. J’aime être proche des gens que je filme. » Et il y a le temps qui ponctue le film, avec ces panneaux qui, comme un compte à rebours, indiquent la liberté en suspens, la prison est toujours présente, même dehors. « Je souhaitais que mes personnages [indique la réalisatrice], à certains moments, puissent prendre leur temps, et notamment celui de retrouver l’accès au langage, qui épuise Hamousin. Mes personnages vivent un rodéo émotionnel et pour que cela s’éprouve, il me fallait m’autoriser quelques longues séquences, comme celle entre Colin et la jeune fille dans la chambre d’hôtel. […] Le temps s’écoule comme les grains d’un sablier. Colin, par exemple, passe tout le week-end à fuir sa mère, qu’il aimerait pourtant tellement revoir, et quand il s’en rend compte, il lui faut courir derrière le peu de temps qu’il lui reste. » Quant à Bonnard, ce temps de liberté le rend si vulnérable qu’il veut devancer le retour à la taule, qui signifie aussi la tutelle des médicaments.

L’épreuve des proches n’est pas simple, Colin est en total décalage avec ses amis, il s’attend à quelque chose de différent, en fait il est paumé. Bonnard est dans un autre monde, son père ne supporte plus ses excès et son fils le regarde sans comprendre et s’en tient éloigné. Quant à Hamousin, sa fille le rejette en pleine retrouvailles familiales : « tu n’es pas mon père ! Je ne sais pas ce que tu es venu faire ici. »
Au final, cette prise de contact avec l’extérieur est négatif et fait ressortir la détresse des trois hommes. Un constat sans jugement, sans concession qui pose évidemment la question du rôle de la prison. Temps mort, celui d’un week end, montre que la prison ne prépare pas à la sortie. Trois prisonniers, trois galères, trois malentendus, trois gâchis… Un film noire et un état des lieux navrant.
Temps mort d’Ève Duchemin au cinéma le 3 mai 2023.

Le Virus et la proie
Pierre Lefebvre (éditions écosociété)

Entretien avec Pierre Lefebvre

C’est une lettre ouverte, entre théâtre et manifeste politique qui, d’emblée cite Élysée Reclus : « Celui qui commande se déprave, celui qui obéit se rapetisse ». Geneviève Pier Boivin en interprète un extrait, tout en verve…
Un texte en roue libre et un auteur qui nous en explique la genèse à la manière d’un chien fou…
Pour conclure cette première partie de l’entretien avec Pierre Lefebvre, je reprends ce qu’il écrit au début de cette lettre ouverte au pouvoir : il n’existe « rien de plus honteux, de plus humiliant, de plus dégradant que la réussite. De plus horrible, aussi. L’état du monde, sa misère lamentable, sa boursouflure grotesque, les ravages accomplis chaque jour par l’industrie, n’importe laquelle – pétrolière, minière, pornographique, culturelle –, d’où pensez-vous que ça découle si ce n’est de la réussite de ceux et celles qui réussissent ? »
Une lettre ouverte au pouvoir, un réquisitoire, un pamphlet…

Chronique d’un temps fou
Véronique Dassas (LUX éditeur)

« L’âge venant, j’essaie parfois de calmer les bouffées de gauchisme infantile qui me hantent encore, mais, heureusement, au risque de ressembler à quelque chose comme un rockeur arthritique, je n’y parviens pas toujours. Rarement en tout cas quand il s’agit de la justice. Critiquer l’État et ses institutions, condamner la justice sommaire des dictatures de droite et de gauche, honnir le système carcéral des pays dits “libres et démocratiques”, ce fut au cœur du siècle dernier le passe-temps plus ou moins assidu de toute une génération. Quand on a trempé dans cette sauce, on ne s’en sort pas facilement. »
La journaliste Véronique Dassas est une observatrice assidue des temps fous qui sont les nôtres. Rien n’échappe à son regard libre et acéré sur le monde qu’elle aime et châtie bien. Elle explore les chemins qu’emprunte la contestation pour faire bifurquer l’histoire, elle s’intéresse aux migrants arrivés en Italie, rescapés d’une traversée infernale, elle brocarde les cafouillages politiques que la pandémie a révélés, et elle poursuit inlassablement son réquisitoire contre les guerres occidentales. En cours de route, elle témoigne son admiration pour des personnalités qu’elle a fréquentées, dans la vie ou dans les livres : Réjean Ducharme, Marie-Claire Blais, Henri Michaux, John Berger, Primo Levi, la bande à Baader.

Nous mourons nus
James Blish (le passager clandestin. Dyschroniques)

En 1969, James Blish imagine un basculement géologique causé par l’espèce humaine.
Alors que la Terre est victime d’un important réchauffement climatique, et que la pollution a atteint un niveau incontrôlable, le Président Général de la Loge 802 de la Fraternité Internationale des Ingénieurs de l’Hygiène choisit une poignée d’hommes et de femmes pour partir sur la lune contribuer à une nouvelle ère humaine...
Dans cette nouvelle visionnaire, James Blish, auteur prolifique et humaniste, imagine les conséquences du réchauffement climatique et d’une pollution qui a atteint un niveau incontrolable. Il met en lumière l’incapacité de l’humain à tirer les leçons de ses erreurs et définit assez précisément, un quart de siècle avant qu’elle soit énoncée par Paul Crutzen, la notion d’anthropocène.

Quand j’étais Juif
Maurice Rajsfus
Préface d’Alain Brossat (éditions du Détour)

Ce livre est le récit de quatre ans de la vie d’un jeune garçon, fait Juif par l’administration à douze ans, qui devenu adulte, recherche un sens à cette assignation qui changea le cours de sa vie.

Dès 1940, l’administration et la police française appliquent avec zèle les directives allemandes et marquent les Juifs comme des parias.
Maurice Rajsfus découvre alors qu’il est juif. Ce qui pour lui n’était qu’une tradition d’une famille lointaine restée en Pologne, devient une réalité qui changera le cours de sa vie. Cette décision administrative lui prendra ses parents et son innocence.

Ce livre, introspectif et combatif, est sa tentative pour reconstruire son identité, celle d’un « déserteur du judaïsme » qui ne peut s’empêcher d’être ému par le yiddish et qui se rendra jusqu’au village de sa mère pour se sentir Juif, deux heures dans sa vie.

Rescapé de la rafle du Vél’ d’Hiv à quatorze ans, l’historien Maurice Rajsfus (1928-2020), sera toute sa vie, du côté des opprimés, de celles et ceux que la police, qui « obéit à ses maîtres du moment, quels qu’ils soient », persécute.