Chroniques rebelles
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Samedi 1er octobre 2005
Livres, revues, films, festivals…
Article mis en ligne le 29 janvier 2008

par CP

L’État algérien, qui affiche sa volonté politique de pardonner, a organisé un referendum pour appliquer une charte de réconciliation nationale. Autrement dit, un vote qui donne les pleins pouvoirs au président Bouteflika. L’amnistie permettant en effet de ne pas établir clairement les responsabilités des massacres et des disparitions, d’accorder l’impunité aux islamistes, de vider les maquis du millier d’islamistes qui s’y trouvent encore et de les désarmer, mais permet aussi — et c’est bien commode — d’accorder l’impunité à l’armée malgré sa responsabilité dans les exactions, les violences, les enlèvements et les assassinats depuis plus de dix ans.
On tourne la page sans justice, sans analyse, on oublie les crimes, les massacres, les disparu-e-s…

Nier les responsabilités de l’armée dans les disparitions, les enlèvements, la torture, amnistier les massacreurs sans rendre justice, sans reconnaissance des faits : cette amnistie ressemble fort à de l’amnésie. Table rase est faite des souffrances, des questions, des problèmes sociaux, des droits… La peur est efficace pour manipuler l’opinion quand la population n’en peut plus de la violence. L’instrumentalisation de l’opinion a battu son plein, la campagne référendaire a envahi l’espace… et pendant ce temps, les voix dissidentes sont muselées, censurées, emprisonnées…
Et les femmes ? Elles sont toujours des mineures à vie par l’application du code de la famille de 1984. Mais silence ! On opprime…

Bab-Errih , roman de Ghania Hammadou (Paris Méditerranée)
Bab-Errih, La porte du vent , passage obligé de tous les égarés, les paumés. C’est par cette porte que passe l’histoire de deux femmes, d’une ville, d’un pays pris entre la corruption et la violence contre les civils.

Deux femmes, deux consciences dans une ville où tout semble irrémédiablement détruit et sans espoir…
Selma à l’esprit mordant, constate : « Dans ce pays où l’essentiel est inaccessible à la moyenne de la population, l’aspiration des plus démunis est d’acquérir l’accessoire. » Selma, la rebelle, l’éveillée, « femme à la langue bien pendue, atteinte de lucidité » et capable de colère contre la peur et le conformisme.
Elle observe son pays soumis à la corruption et à la terreur, sa ville déchirée : « Des forcenés dangereux sont sacrés émir ou khalife, les détraqués de la cervelle, prétendant communiquer avec l’au-delà, sont lâchés dans les rues pour prophétiser. »

Selma n’oublie rien, ni la réaction de la sage-femme à la naissance de sa fille unique qui s’écrit : «  Encore un vagin ! » ; ni celle de sa mère — sa pire ennemie — qui interrompt des études qui l’empêcherait de trouver un mari. Selma n’en finit plus de dénoncer les normes, les coutumes, la barbarie et l’inconscience des autres :
« Si vous n’étiez pas aveugles, vous verriez peut-être mieux qui sont les auteurs des crimes, de l’incendie de votre garage aujourd’hui, de la terreur qui vous presse à pousser vos verrous avant l’heure du couvre-feu, à se terrer dès que la nuit tombe. D’où viennent ces hordes d’assassins ? Mais de vous !… Ils sortent des ventres de vos femmes, de vos mères. Ce sont vos fils, vos frères qui tuent… Voilà des décennies qu’on vous inocule la thèse du complot international, de la collusion de voisins envieux. C’est bien commode et ça ne mange pas de pain. » Ghania Hammadou, Bab-Errih (Paris Méditerranée)

L’autre femme, c’est Hélène : l’amie d’enfance, la complice qui revient au pays et s’interroge : « J’avais quitté un peuple insurgé, vais-je retrouver un troupeau résigné ? »
Ensemble, elles manifestent avec les femmes, recueillent des témoignages, résistent à leur manière… Hélène est journaliste, mais bien différente de ceux et celles que Selma critique : « Les journalistes sont en général aussi volages et inconstants que ceux qu’ils mettent en vedette ; ce qui les intéresse ce n’est pas le fait mais sa nouveauté, ce n’est pas notre vie mais notre mort… Quoique celle-ci s’est tellement banalisée qu’elle ne les emballe plus guère. » Ghania Hammadou, Bab-Errih .

Dans ce récit à plusieurs voix se croisent des personnages, des souvenirs, les odeurs de basilic, le passé de la Kasbah, la réminiscence des luttes, des engagements et des espoirs… Et les souks, le quartier de Bab El Oued où l’on se promène avec le danger qui rôde.

Deux femmes lucides relatent la terreur, la population sacrifiée, l’intimidation pratiquée par les sbires du pouvoir, les massacres dont le pouvoir s’arrange — quand on a peur, on pense moins à revendiquer des droits.

Ce roman de Ghania Hammadou, journaliste au Matin et réfugiée en France, est d’autant plus important dans le contexte actuel algérien.
La population algérienne a voté pour une charte de réconciliation, pour l’amnistie des crimes commis, sans savoir parfois par qui.
Mais comment oublier ?
Que signifie un vote pour le pardon ?
Comment ne pas poser de questions sur les causes de la violence, sur les disparitions, sur les véritables responsables, sur les enjeux des tueries ?
Un leurre est organisé pour faire silence sur les opprimé-e-s, sur les disparu-e-s. Amnistie égal amnésie.
Et le code de la famille voté en 1984, on l’abroge quand ?
Combien d’années encore la violence d’État doit-elle s’exercer contre les Algériennes ?

Un sourire en exil. Chroniques palestiniennes de Hiyam Bseiso (Golias)
Gaza s’inscrit dans le souvenir d’une enfance méditerranéenne et l’espoir d’un retour jamais réalisé.

Des chroniques et des saynètes ancrées dans la réalité quotidienne… Hiyam y exprime la souffrance de l’exil : « J’ai bougé la tête… Alors mes yeux se sont frappé aux quatre murs », de la séparation :
« J’ai ouvert la porte pendant qu’il était là, chez moi, j’entendais la musique ou le bruit de la télévision. C’était très beau et rassurant de les entendre. Quand je voyais la lumière descendre des fenêtres et recouvrir le sol de la cour, traverser les feuilles du seul arbre de cette cour, c’était très beau de les voir. En même temps, je me dépêchais pour arriver à la porte, l’ouvrir et voir à l’intérieur. C’était plus beau encore. […]
Pourquoi dit-on qu’il ne faut pas s’arrêter aux petits détails ?
Ces quelques petits détails de la visite de mon frère Kannan chez moi nous a fait revivre le passé perdu. Mon frère venait de Gaza. Nous avons connu une séparation de vingt-cinq ans. C’était à cause de la guerre. Tout simplement ! Petit détail…
 » Hiyam Bseiso, Un sourire en exil. Chroniques palestiniennes.

Gaza est le personnage clé de ces chroniques… Gaza est témoin de l’horreur vécue par les civils :
« Mohammed Al-Dorra était un enfant innocent. Il marchait dans la rue avec son père pour aller quelque part dans la Bande de Gaza. Il ne manifestait pas, il n’avait ni pierre dans ses mains ni l’intention de jeter quoi que ce soit. Puis son père avait été blessé par les soldats israéliens, il était tombé dans la rue avec ses blessures et son sang. Il appelait au secours en prenant son fils de dix ans dans ses bras pour le cacher dans son plexus. Était-ce le plexus qui était trop étroit pour protéger son enfant ? Ou étaient-ce les balles qui avaient bien su cibler l’enfant ? Mohamed Al-Dorra mourut contre l’abdomen de son père. » Hiyam Bseiso, Un sourire en exil. Chroniques palestiniennes (Golias)

Le joueur de flûte et l’Oncle Hô. Viêtnam 1945-2005 de Ngo Van (Paris Méditerranée)
et
Utopie antique et guerre des paysans en Chine (Le chat qui pêche)
« À la question qui lui fut posée à Barcelone, lors de la sortie de la traduction espagnole de Au pays de la cloche fêlée : "Pourquoi, après tout ce temps, il lui importait encore tant de continuer à témoigner sur cette histoire du passé ?" », Ngô Van avait répondu : "Parce que le monde n’a pas changé." »

Le monde n’a pas changé, les violences de l’armée des Etats-Unis qui occupe aujourd’hui l’Irak ne rappellent que trop les violences perpétrées il y a quarante ans au Vietnam et « Pour la population tant éprouvée, la mort, la mort toujours recommencée. »
Après Viêt-nam 1920-1945, Révolution et contre-révolution sous la domination coloniale , Le Joueur de flûte et l’Oncle Hô, Viêt-nam 1945-2005 est un livre essentiel pour comprendre la réalité d’un pays, d’une région dont Van avait fui la répression.

« Le monde n’a pas changé » et il y a un point commun à tous les malades du pouvoir : la peur d’une révolution sociale. C’est ce dont parle un autre livre de Ngô Van, Utopie antique et guerre des paysans en Chine : « par utopie, nous entendons le rêve non réalisé mais non pas irréalisable. »

Alors, même si — ou parce que — le monde n’a pas changé, «  l’utopie, qui fut si fort enracinée chez les dépossédés, participe d’un avoir populaire de l’émancipation qu’il importe de remettre en lumière ». Ngô Van, juillet 2004.
Ngo Van, Le joueur de flûte et l’Oncle Hô. Viêtnam 1945-2005 (Paris Méditerranée) et Utopie antique et guerre des paysans en Chine (Le chat qui pêche).
Au pays d’Héloïse (L’Insomniaque) 112 p et 50 illustrations.

Trois films d’Hani Abu Assad :
Le Mariage de Rana , Ford Transit et Paradise now .

État de guerre , film de Béatrice Pignède et Francesco Condemi, tous les samedis au théâtre de la Main d’or

Le Chagrin et la colère. Récit de Maurice Rajsfus (Cherche midi)

«  La colère reste actuellement la seule arme car la peste brune, cette épidémie qui revient au galop, ne semble pas émouvoir une population qui sort de l’indifférence le temps d’une commémoration. » Maurice Rajsfus, Le Chagrin et la colère.

Sa colère, Maurice Rajsfus l’exprime en dénonçant la mauvaise foi avec cet esprit critique qui le caractérise et en refusant toute concession. Et même si le chagrin l’a façonné, il n’est jamais cynique.
Rien n’a changé — constat récurrent —, la société est toujours aussi injuste, inégalitaire, violente… Alors « Comment éviter la colère, la rage d’assister au retour des vieux démons ? Comme si l’histoire ne nous avait rien appris. Je suis ulcéré, [je] me cabre, me déchaîne, me révolte, tempête. Si je m’abandonne à la réflexion, je suffoque. » Maurice Rajsfus, Le Chagrin et la colère.

Colère en constatant la manipulation odieuse des morts, « particulièrement lorsque des militants affectent de célébrer ceux de leurs camarades morts au combat », colère à l’encontre des « simagrées religieux » qui favorisent les intégrismes, et colère aussi contre « cette attitude honteuse des athées faisant appel à la religion, par tradition,[ce qui] démontre la triste évolution des donneurs de leçons de jadis. »

Une colère « reçue en héritage. Ce sentiment de rejet contre les forces rétrogrades qui prétendent nous renvoyer vers un Moyen âge moral, que nos parents combattaient déjà, et tendent à ressusciter un passé que l’on croyait à jamais révolu. »
Et d’ailleurs, « Comment vivre tranquillement dans un pays où il y a plus de policiers que d’assistantes sociales » ? Maurice Rajsfus, Le Chagrin et la colère.

Maurice Rajsfus écrit aussi les éditos de Que fait la police ? bulletin de l’Observatoire des Libertés Publiques. Adresse : 7-9 passage Dagorno 75020 Paris.

Le Chagrin et la colère est un récit très personnel dans lequel Maurice Rajsfus revient sur l’enfance, les déchirements, les engagements, son combat contre le racisme et dénonce le système étatique et policier …
Un récit ponctué de textes sur le quotidien des êtres enfermés dans les camps de concentration, des textes qui n’ont rien à voir avec les commémorations bon teint et bonne conscience que l’on connaît.

Par exemple cet extrait du Journal de Bergen-Belsen de Hanna Lévy-Haas : « Le camp est définitivement envahi par les poux et toutes sortes de vermines — sans parler de la dysenterie qui prend des proportions inouïes. […] Bien que consumées par ce choléra et mourant de faiblesse, on s’efforce toutes de nettoyer le terrain, tant bien que mal. Triste et inutile besogne. On se sent tout près de la démence. Tant de corps affamés, exténués, à demi-morts, réduits à l’état de squelettes. Et tant d’excréments… »

Et il y a aussi ce texte d’Antonin Artaud, censuré sur les ondes en 1947 :

Là où ça sent la merde,

ça sent l’être.

L’homme aurait très bien pu ne pas chier,

ne pas ouvrir sa poche anale,

mais il a choisi de chier

comme il aurait choisi de vivre…

Dieu est-il un être ?

S’il en est un, c’est de la merde.

L’anarchie en société. Conversation avec Colin Ward de David Goodway, traduction de Jean-Manuel Traimond (ACL)
Après « L’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir. » — phrase attribuée à Élisée Reclus — et la définition de Daniel Colson, l’anarchie, c’est « l’affirmation du multiple, de la diversité illimitée des êtres et de leur capacité à composer un monde sans hiérarchie, sans domination, sans autres dépendances que la libre association de forces radicalement libres et autonomes », Colin Ward y ajoute : « L’anarchie est une théorie de l’organisation ! »

En 1997, il concluait ainsi un article intitulé «  L’anarchisme au XXIe siècle » : « Si les circonstances actuelles ne sont guère favorables, rien n’empêche d’y travailler et de s’y préparer. »

Journaliste anarchiste et auteur, Colin Ward ne cesse en effet d’y travailler depuis quelques décennies et croit dans un travail de divulgation pour « explorer les alternatives, les contre-pouvoirs, les petites victoires, les pistes de subversion. »
L’anarchie en société. Conversation avec Colin Ward est une bonne introduction aux écrits de Colin Ward et une piste pour comprendre l’importance de la pensée anarchiste dans sa diversité.

Réfractions n°14. Ni Dieu ni maître. Religions, valeurs, identités .
Aux États-Unis, des idées anti-évolution prévalent dans certains domaines du système éducatif. Ce n’est pas encore aussi grossier qu’il y a cinquante ou soixante ans, lorsque ce type de débat enflammait les passions jusqu’à évoquer des arguments sortis de la bible et de la genèse à opposer à Darwin. Il existe à présent des moyens très sophistiqués pour développer ce type de théories, non pas à la manière des fondamentalistes religieux — très actifs aux Etats-Unis —, mais avec des arguments scientifiques. Cela permet d’introduire un raisonnement religieux dans le genre de « Dieu a fait ou dit cela dans la genèse ».

Les questions scientifiques seraient si complexes que la théorie de l’évolution ne pourrait pas tout expliquer, donc pourquoi exclure les explications religieuses ? L’évolution n’étant qu’une des très nombreuses théories — pas plus juste qu’une autre —, cela justifie donc de les enseigner toutes. Même, d’ailleurs, si cette tendance actuelle au sein du système éducatif étatsunien est en contradiction avec l’idée d’un pays avancé et développé du point de vue technologique. »

Constat tout à fait troublant de Curtis Price, en mai dernier, et qui illustre les préoccupations et les réflexions développées dans le dernier numéro de Réfractions, notamment dans la première partie, Analyses et propositions.
1905/2005. En France, un siècle de loi pour la séparation de l’Église et de l’État. Mais pour autant, la laïcité est-elle le garant des droits des personnes en matière de croyances, celles-ci devant se cantonner dans le domaine du privé ? D’ailleurs, comme le souligne Sylvie Knoerr-Saulière : « En laissant à l’Église catholique quantité de privilèges, en ne faisant de la laïcité qu’une déclaration de principes, l’État ouvrait par avance, la voie à une contestation de la séparation des sphères du religieux et du social. »

Et l’on peut ajouter que les religions, destinées à « dompter les pulsions », à « nous civiliser », à « éclairer les énigmes », ont surtout un but, partagé avec l’État : maintenir l’ordre, formater et préserver un modèle d’individu en conformité avec ses intérêts. L’État, c’est le « Respect des lois, de la propriété, de l’ordre, des chefs, [le] sacrifice de l’individu pour le groupe, [l’]acceptation sans mise en doute du contenu de l’enseignement ;[la] limitation ou [la] répression de l’esprit critique afin de former de bons citoyens, de bons soldats, de bons employés. Tout comme l’enseignement religieux, moins la référence religieuse. »

Alors si, comme l’écrit René Fugler, « La force des religions constituées, c’est de proposer, en plus de croyances consolatrices, des communautés d’accueil et des rites collectifs ou individuels qui peuvent aider à sortir du désarroi. » Il faut s’interroger sur les réponses apportées par la pensée anarchiste et sur les débats à propos de ces questions dans le mouvement libertaire : « À la généralisation du particulier propre au despotisme (de l’État, de la Science, du Capital et de la Religion), l’anarchisme oppose l’universalisation du singulier. »

Il est important de se pencher aussi sur les luttes passées, sur les tentatives d’émancipation, bien avant l’anarchisme. Pourquoi ne pas hériter du passé et de l’ailleurs tout en refusant la « dimension oppressive » des représentations religieuses ? Et ceci, comme l’évoque Daniel Colson, « à travers un processus incessant d’évaluation, de sélection, de séparation, de recomposition et de réagencement de ce qui est, d’expérimentations pratiques et théoriques où peut justement se construire un mouvement émancipateur capable de défaire toute forme d’oppression. »
Réfractions, Ni Dieu ni maître. Religions, valeurs, identités… Un numéro passionnant et très dense. Auquel on peut ajouter :
La Gloire des athées
Textes rationalistes et antireligieux, de l’Antiquité à nos jours (Nuits rouges)
une anthologie passionnante de textes antireligieux publiée par les Nuits rouges.

Quand il s’agit de sexualité, forger un mot […] c’est transmettre […] un élément de la pensée de son inventeur, de sa conception du monde, du corps humain, ou des rapports entre femmes et hommes.

On regarde une verge, comme une vulve, à la lumière de ses propres souvenirs, bons ou mauvais, et aussi à travers le filtre des préjugés de son temps » écrit Florence Montreynaud dans son livre Appeler une chatte… Mots et plaisirs du sexe .
D’ailleurs ajoute-t-elle : “ Tant qu’on associera l’identité sexuelle masculine à la bandaison, des hommes seront obsédés par leur érection, que leur rappellent d’innombrables symboles phalliques.

Guide érotique du Louvre et du musée d’Orsay de Jean-Manuel Traimond (ACL).

Ce qui évidemment amène à s’interroger sur la représentation de la sexualité dans l’art et, par là même, de sa codification. Le Guide érotique du Louvre et du musée d’Orsay de Jean-Manuel Traimond propose cette balade sexuée et artistique à travers les temps, dans la représentation des fantasmes, des tabous et des interdits. Une manière de disséquer les codes, de les comprendre, de toucher là le sulfureux souvent associé à une transgression de l’ordre établi.

La promenade érotique a lieu dans deux musées nationaux, ce qui signifie que les critères idéologiques et artistiques en cours sont bien gardés… Pourtant, au détour d’une toile, d’une sculpture, d’un détail, d’un geste peint ou sculpté, surgissent, ça et là, un érotisme franc ou détourné que recense et décrit l’auteur du guide érotique. En le feuilletant, plusieurs questions se répètent, par exemple : certains moments, certains siècles sont-ils plus prolixes en érotisme que d’autres dans leurs créations artistiques ?

L’acte sexuel — ou son allusion — est-il plus représenté en peinture ou en sculpture ? « Les organes sexuels sont[-ils] “ inesthétiques ” parce que “ primitifs ” » ?
Et un constat, le détail primitif pire que tous les autres, c’est le poil, les poils qu’il faut dissimuler, surtout en peinture.
Le poil licencieux, le poil tabou, le poil obscène ? Hé bien oui ! Le succès durable des crèmes dépilatoires viendrait-il de là ?

Les critères marchands nous réservent d’ailleurs bien d’autres surprises. En effet, comme le souligne Jean-Manuel Traimond : «  Combien de femmes occidentales résistent à l’image de leur corps en tant que machine sèche qui doit bannir le gras cutané, à l’instar du corps gras de nos grands-mères qui devait bannir l’humide vaginal ? »

Alors, pas de graisse, pas de poils et les femmes n’ont pas fini de porter le fardeau de millénaires de domination et de fantasmes masculins !
Le viol, par exemple, dont la représentation ne manque pas dans les œuvres exposées : le viol serait la jouissance suprême !
Ajoutons à cela qu’« à l’instar des Juifs qui rendent la femme responsable des malheurs de l’homme, les Grecs ont vu en elle la cause des peines humaines » et vous avez un tableau — sans jeu de mots — peu reluisant de la situation des femmes dans les sociétés…
Il reste du chemin pour atteindre notre utopie des relations égalitaires !

Alors ni Dieu, ni maître, ni ordre moral, ni tabous, ni représentation obligée ou cachée du plaisir et, pour une fois, suivons le guide érotique de Jean-Manuel Traimond (publié à l’Atelier de création libertaire).

Planète Bidonvilles de Mike Davis (Ab irato)
Itinéraire d’Houilles à Tulkarem. D’un voyage en Palestine de Jimmy Gladiator (Ab irato)

La FIAT aux mains des ouvriers. L’automne chaud de 1969 à Turin de Diego Giachetti et Marco Scavino (Nuits rouges)

L’institution scolaire et ses miracles de Smaïn Laacher (La Dispute)

La désolation du monde. Politique, guerre et paix de Philippe Hauser (L’Harmattan)
« La politique étatique ne se laisse pas penser sans la possibilité de la guerre. Renouveler la politique, la penser aux conditions de la paix, supposerait qu’elle soit, dans ses fondements et dans ses pratiques, dissociée de la "vie de l’État". »

Les ONG occidentales au Cambodge de Sabine Trannin (L’Harmattan)

Coloniser Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial d’Olivier Le Cour Grandmaison (Fayard)

Le territoire du rien. Ou la contre-révolution patrimonialiste de Jean-Paul Dollé (Lignes) « Et si le désir de révolution restait la seule alternative au désir du rien ? »

Au-delà de la solitude et des institutions de Nils Christie, traduction de Jean-Manuel Traimond (ACL) : "Cinq villages en Norvège, où l’on met tout l’argent en commun dans un chapeau et où l’on partage travail manuel, ménage, fêtes et travail intellectuel…"

Réfractaires la guerre d’Algérie 1959-1963 avec l’Action civique non violente d’Erica Fraters (Syllepse)

Oiseau tempête , nº 12. Dossier sur Ngo Van

À contretemps , n° 21 (octobre 2005).

Du 21 au 30 octobre : 27ème Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier.
L’un des thèmes : Femmes à la caméra dans le cinéma espagnol.