Chroniques rebelles
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Samedi 25 novembre 2000
Hamas ou le miroir des frustrations palestiniennes
Agnès Pavlowski (L’Harmattan)
Article mis en ligne le 17 février 2008
dernière modification le 25 juin 2011

par CP

Attentats suicides, attentats contre des bus scolaires, représailles, attaques aux missiles, et pour finir blocus économique imposé aux Palestiniens… La situation en Israël-Palestine est en pleine escalade de la violence dont les deux populations civiles font les frais — à commencer par les Palestiniens qui comptent le plus grand nombre de victimes — et dont il est difficile aujourd’hui de voir l’issue.

« La culture d’impunité qui entoure la police israélienne se traduit par des violences physiques et morales, qui prennent notamment la forme de coups et de menaces. » (Extrait du document Arrestations massives et brutalités policières publié par Amnesty International le 10 novembre 2000)

Entre le 29 septembre et le 19 octobre 2000, plus de 100 Palestiniens, parmi lesquels 27 enfants, ont été tués par les forces de sécurité israéliennes en Israël et dans les Territoires occupés.

Toujours selon Amnesty, les forces de sécurité israélienne ont fait un « usage excessif de la force meurtrière, dans des circonstances où ni leur propre vie ni celle d’autrui n’était directement menacée » et que tout porte à croire qu’elles aient commis à cette occasion des homicides illégaux. Aucune enquête n’a été menée sur les circonstances de ces homicides.
« Les armes utilisées étaient propres à causer la mort, adaptées à des situations de combat et non au maintien de l’ordre dans le cadre de manifestations violentes. » Les balles métalliques recouvertes de caoutchouc, « fréquemment utilisées par les forces de sécurité israélienne » sont mortelles lorsqu’elles sont tirées à moins de 40 mètres. « Selon toute apparence, les forces de sécurité israéliennes ont pris pour cibles des personnes qui s’efforçaient d’évacuer des blessés. Ainsi, Bassam al Bilbaysi, chauffeur d’ambulance travaillant pour le Croissant-Rouge, est décédé après avoir été atteint à la poitrine par les tirs de soldats israéliens le 30 septembre, au carrefour de Netzarim, dans la bande de Gaza, à l’intérieur d’une ambulance. » […] « Au moment des faits, Bassam al Bilbaysi et son collègue tentaient de s’approcher de Mohamed El Dirah, 12 ans, et de son père, tous deux blessés par les tirs de soldats israéliens. Mohamed El Dirah a succombé à ses blessures. »

Dans la préface du livre d’Agnès Pavlowski, Hamas ou les frustrations palestiniennes , la situation des Palestiniens est bien décrite en les montrant coincés entre « d’un côté une histoire faite d’occupation, de présence massive de l’armée israélienne, de l’autre, une revendication nationale qui, faute de trouver une solution satisfaisante, est constamment menacée de dérapage dans l’extrémisme ou dans le culte de l’héroisme désespéré. »
Il faut ajouter à cela les sujets de tension qui, loin de favoriser le partage et une paix équitables entre les deux populations, éloignent encore l’espoir d’une paix juste dans la région. Il s’agit de l’eau de la Cisjordanie, des colonies israéliennes et de leur implantation encouragées par tous les gouvernements qu’ils soient travaillistes ou issus du Likoud, du retour des réfugiés palestiniens, du statut de Jérusalem-Al Qods, de la libération des prisonniers politiques palestiniens...

« La crise qui a éclaté fin septembre 2000 n’est pas la première au cours de laquelle l’usage abusif de la force meurtrière par les forces de sécurité israéliennes coûte la vie à des Palestiniens : des manifestants et des passants, parmi lesquels de nombreux enfants, sont morts pendant la révolte des pierres de 1987 à 1993, au cours des mois de septembre et d’octobre 1996, en mai 2000 et en bien d’autres occasions. »
Depuis “la révolte des pierres”, l’Intifada de 1987-1993, certains des anciens chebabs sont devenus des militaires de l’Autorité palestinienne — récupérés par la sous-traitance sécuritaire des services israéliens. Peuvent-ils pour autant tirer sur les jeunes chebabs qui jettent des pierres aujourd’hui ? Peuvent-ils entériner un processus de paix qui confisque une grande partie des terres palestiniennes ?

Pour tenter de se retrouver dans les découpages des accords de paix, un point rapide : « Dans les Territoires occupés, le processus de paix engagé aux termes de l’Accord d’Oslo de 1993 et poursuivi en vertu de l’Accord de Taba de 1995 s’est traduit par l’émergence d’une mosaïque de juridictions. Dans la zone A de la Cisjordanie, qui ne représente qu’une faible proportion de cette région en termes de superficie mais où se concentre 98 pour cent de sa population, la sécurité et les affaires civiles relèvent entièrement de l’Autorité palestinienne. Dans la zone B, qui se compose d’un grand nombre de villages et de localités, l’Autorité palestinienne est chargée des affaires civiles tandis que la responsabilité de la sécurité incombe essentiellement à Israël. Enfin la zone C de la Cisjordanie est totalement placée sous l’autorité de l’État hébreu. Souvent, les routes reliant les territoires qui relèvent de l’Autorité palestinienne sont placées sous contrôle israélien, alors que les territoires adjacents à ces voies de communication font partie de la zone B. »
Les accords de paix ont eu pour résultat de créer des bantoustans et de favoriser une situation explosive dans laquelle les Palestiniens ne se posent plus la question s’ils ont encore à espérer quelque chose de ces accords. Peut-on calmer une situation en détruisant des bâtiments à la roquette au centre des villes — les frappes chirurgicales, nous savons ce que cela signifie en termes de vies humaines ! — ou encore en imposant un blocus économique qui touche le carburant, l’énergie, les denrées alimentaires, les médicaments, etc. ?

Le blocus imposé à la population palestinienne se traduit par le manque d’eau potable, les coupures de courant électrique, les fruits et les légumes qui pourrissent sur place, les hôpitaux qui ne fonctionnent plus, les déplacements impossibles, sans parler du chômage et de l’enfermement de toute la population…

Pour quel résultat ? Dans quel but ? Pacifier une population en l’affamant, est-ce une nouvelle stratégie des militaires israéliens ? Une absurdité qui coûtera cher en vies humaines. Les civils palestiniens, mais aussi israéliens à terme, vont souffrir et cette situation "de guerre" — comme cela est dit dans les médias — promet une radicalisation sans espoir.