Chroniques rebelles
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Samedi 16 février 2008
Les Filles faciles n’existent pas
Natacha Henry (Michalon)
Article mis en ligne le 16 février 2008
dernière modification le 19 mars 2008

par CP

« Quarante ans après un fameux printemps louant l’égalité sexuelle et la libération des femmes, un vent mauvais et contre-révolutionnaire souffle sur notre pays » annonce la quatrième de couverture du nouveau livre de Natacha Henry, Les Filles faciles n’existent pas.

Il est vrai que la libre disposition de leur corps est une revendication des femmes qui date de l’après-Mai 68, mais la remise en question du sexisme ambiant en France (et ailleurs) est hélas encore un mythe aujourd’hui.
En 1968, la prise de parole des femmes était minoritaire et les militantes faisaient souvent le café ou tiraient les tracts…
Mai 68 était sexiste et la révolution sexuelle a été un leurre concernant
les points essentiels d’une libération réelle. L’effet d’annonce est une chose, la réalité sur le terrain en est une autre.

Une révolution profonde des mœurs ne se décrète pas et, quand elle se réalise, elle est lente et n’est tangible qu’après de nombreuses luttes et une évolution des mentalités.

Depuis 1968, et malgré les luttes remarquables des femmes pour leurs droits dans les années 1970, malgré la résistance de certaines pour démonter un système de domination qui n’est pas acceptable, le sexisme traditionnel sévit de plus belle… Les médias, les pubs (record absolu dans ce domaine où plus c’est énorme et plus ça fait consommer !), les représentations des stéréotypes féminins repartent en effet dans des délires misogynes surprenants.

Les femmes sont encore moins bien payées que les hommes, tout le monde le sait. Et voilà que, la morale bien-pensante en bandouillère, la “majorité” estime que les femmes devraient se “tenir” !
Eh oui, il s’agirait de rester dans sa petite case, bien sage, à attendre que le désir masculin les désigne et, surtout, ne pas faire montre d’initiative dans une relation amoureuse, ou sexuelle. À croire que le désir féminin est secondaire. Les femmes doivent être passives, sinon elles sont qualifiées — injure suprême — de « filles faciles ».

Bref, « l’égalité sexuelle et la libération des femmes » n’est pas pour demain. La liberté sexuelle pour tous — et encore moins pour toutes ! — est un de ces mensonges utilisé régulièrement, histoire de vendre quelque chose, une mode, un style, un string… Mais attention : le style sexy doit être dans les « normes ».

Nous vivons dans une société sexiste, hypocritement sexiste… Où l’on se rince l’œil devant une pub suggestive de sous-vêtement, mais où l’on s’indigne de l’attitude d’une femme libre qui exprime son désir, où l’on se gausse et l’on rit grassement à des blagues sexistes et salaces, mais où l’on est choqué par un langage « cru » dans la bouche d’une fille ou d’une femme ! Ça ne se fait pas, voyons !
Alors rentrez dans le rang, dans vos strings et vos minijupes, mais là où il faut et quand il faut.

Nous sommes loin de l’égalité sexuelle. Les hommes qui ont de nombreuses relations sexuelles sont virils et admirés… Mais les femmes sont regardées avec mépris, comme des moins que rien, des « filles faciles » ! Cherchez l’erreur !

Alors, c’est pour quand les rapports égalitaires ?

Dans ce nouvel ouvrage, Natacha Henry dénonce à nouveau le sexisme et ses dérives. L’auteure de Dites-le avec des femmes. Le sexisme ordinaire dans les médias (avec Virginie Barré, Sylvie Debras, Monique Trancart), des “Mecs lourds” ou le paternalisme lubrique , de Marthe Richard, l’aventurière des maisons closes , d’ Exciseuse. Entretien avec Hawa Gréou , revient en force avec Les filles faciles n’existent pas .

Les hommes parlent à présent sans complexe de “cible” amoureuse — c’est la mode de tenir un langage guerrier dans ce domaine comme dans celui de l’entreprise. Conquête du marché ou conquête d’une partenaire ! On s’y perd.

Cela va évidemment de pair avec une vision totalement archaïque de la place des femmes dans la société. Et la “cible“ privilégiée des attaques misogynes, c’est évidemment la « fille facile », celle qui couche le premier soir, celle qui provoque, la “tasspé”, la marie-couche-toi-là... La fille ou la femme désignée à la vindicte des beaufs et aussi des gardiennes du temple.

Pour réagir, reprenons à notre compte ce qui se disait déjà au début des années 1970, il faut « Oser lutter contre l’oppression d’où qu’elle vienne. Oser vaincre le robot ou le flic que le capitalisme a voulu faire de chacun ou chacune de nous. Réapprendre à aimer, à jouir, à être ensemble, à créer notre vie, à faire la révolution par tous les moyens. »

Émission rediffusée le 19 avril 2008.