Chroniques rebelles
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Samedi 23 février 2008
Bouffon Imperator
Alain Brossat (Lignes)
Article mis en ligne le 23 février 2008
dernière modification le 19 mars 2008

par CP

« Je me demande parfois avec une pointe de joie maligne où en sont mes (trop nombreux) amis et connaissances qui m’exhortaient à "faire barrage" au pire annoncé en faisant offrande de mon suffrage, dès le premier tour, à la cheftaine scout. Maintenant que le pire est là, tel qu’en lui-même, vers quels maquis ont-ils dirigé leurs pas, en quel austère Guernesey ont-ils élu domicile ? Se pourrait-il que, prenant si peu au sérieux leurs propres vaticinations, ils en soient, comme l’an dernier, tout simplement à acheter leurs vacances sur lastminute.com ? » 16 mai 2007, Alain Brossat, Bouffon Imperator .

Interrogation essentielle. Où en est, en effet, la résistance devant ce déferlement de réformes et d’annonces ? Face à «  ce règne placé sous le signe des petites et grandes infamies » : « Que faisons-nous face à l’intolérable ? »
Bouffon Imperator — le journal des cent premiers jours du président — décrit, avec acuité et ironie, la « Gorgone d’un régime sans boussole ».

Mais le régime est-il sans boussole ? Et, au fond, qui est Bouffon ?

« Bouffon est un personnage à transformations, un Zelig de l’âge médiatico-publicitaire. Il n’est ni plus ni moins que la succession des situations qui le font et le défont. »
Bouffon est tour à tour champion des sondages, puis victime des sondages, moraliste, puis profiteur… Un vrai bonimenteur de la politique qui, avec ses « images euphoriques […] en vient à ressembler à une partie de campagne racontée par un sketch publicitaire promouvant Hollywood chewing-gum. »
Eh oui, le fin mot c’est la PUB !

Sache te vendre coco et tu leur feras avaler ce que tu veux : une boisson, une idée, une réforme, une loi… Par exemple celle qui, « statuant sur les “peines plancher” », annonce que « quiconque se sera rendu coupable de deux vols successifs de quelques CD ne devra pas espérer s’en tirer à moins d’un an de prison. »

L’ère bouffonne ne fait que commencer !

Et puis, il y a des relents pétainistes avec le fameux «  Travail, famille, patrie » auquel s’ajoute la religion, parce qu’un enseignant ou une enseignante ne peuvent évidemment pas remplacer un curé, un rabbin, un imam…
Vive l’opium du peuple ! Bouffon est-il un reborn façon Bush ?
Dormez braves gens, ne pensez plus ! La politique-spectacle règne, la démagogie n’a plus de limites, le pouvoir veille…
Le modèle Bouffon s’emballe.

Une des dernières sorties bouffonnes et graves, entre autres promesses de suppressions des droits fondamentaux comme le droit de grève, c’est, après la récupération des résistants et de leurs luttes, l’obligation — ce n’est plus un droit — l’obligation de mémoire officielle pour les enfants dès l’école primaire. Ils devront « adopter » des enfants déportés durant l’Occupation. Il faut cependant rappeler que ces enfants ont été arrêtés par des policiers français et que l’ordre venait des autorités françaises.

La mémoire est certes essentielle. Mais quelle mémoire et pour qui ?
Comme l’écrit Maurice Rajsfus : « Pour la police aussi, il faut un devoir de mémoire. »
«  Entre le 16 juillet 1942 et le 31 juillet 1944, 11 000 enfants dont les parents étaient désignés comme juifs devaient être raflés, puis déportés vers les camps de la mort. Pour Nicolas Sarkozy, il faudrait que chaque élève de CM2 prenne en charge la mémoire de l’une de ces victimes de la haine raciale.

Une autre approche est possible, en se posant la question essentielle : qui a arrêté ces jeunes ? Ce sont nos policiers et gendarmes français, lesquels n’ont jamais hésité à les confier rapidement aux bons soins des bourreaux nazis ! Il serait donc cohérent que dans chaque commissariat soient rappelés régulièrement les exploits des anciens de nos forces de l’ordre.
De tels rappels à l’Histoire seraient tout à fait salutaires, en un temps où policiers et gendarmes sont constamment en mission pour traquer les sans papiers et, à l’occasion, les séparer de leurs enfants, sans que cela les traumatise particulièrement.

Bien sûr, il ne saurait être question de comparer les périodes, car le temps de la barbarie nazie est heureusement révolu. Pourtant, les mauvaises manières n’en perdurent pas moins, et les fonctionnaires d’autorité de la République ne se risquent jamais à transgresser des ordres qui ne sont en rien compatibles avec les traditions humanitaires du pays des droits de l’homme.

Une fois encore, on nous objectera : “Ce n’est pas pareil !”
Belle façon de faire l’impasse sur des dérives insupportables. Tout serait donc permis, dès lors qu’un régime se proclame démocratique et que ses dirigeants procèdent du suffrage universel ?
 »

Alors, face à « ce règne placé sous le signe des petites et grandes infamies : Que faisons-nous face à l’intolérable ? »

Émission rediffusée le 26 avril 2008.