Chroniques rebelles
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Samedi 1er mars 2008
Dictionnaire des chansons politiques et engagées
Ces chants qui ont changé le monde et le changent encore… Avec Monique Surel-Tupin, Serge Utgé-Royo.
Article mis en ligne le 1er mars 2008

par CP

«  Depuis toujours et surtout depuis l’avènement de l’ère industrielle, les chansons de protestation, de contestation, de révolte, accompagnent les mouvements sociaux et politiques, parfois les précèdent et même les initient. Les manifestations d’action collective s’accompagnent de chants adaptés aux différentes revendications. C’est un vecteur de solidarité, essentiel pour renforcer la volonté individuelle et la dynamique de groupe qui fonde chaque mouvement. »

Textes et présentation des Chroniques rebelles du 1er mars 2008 par Nicolas Mourer.

Auprès de Radio Libertaire, je vivais heureux ; 89.4FM la voix sans Dieu, sans Maître et sans pub, mais quelle voix, puisque nous allons parler aujourd’hui dans les Chroniques Rebelles de ces chants qui ont changé le monde et le changeront toujours et notamment grâce à Christiane Passevant et Larry Portis, auteurs d’un Dictionnaire des chansons politiques et engagées .

« Il faut rester motivés » nous dit Zebda, surtout en cette période où l’engagement politique n’est pas une référence constante dans la chanson. À grand renfort de matraquage télévisuel, la chanson “standard” du registre variétoche recouvre pour des raisons commerciales et conservatrices tout investissement artistico-politique qui pourrait un tant soit peu dénoncer les problèmes sociaux. « C’est le rôle des artistes, plus encore que celui des intellectuels, que d’être capables d’inventer des transgressions fortes, symboliquement chargées » nous dit Pierre Bourdieu.

Que reste-t-il alors de ceux qui chantent pour défendre les petits ? L’intégration de la lutte contre l’oppresseur dans le chant engagé a-t-elle disparu ? À moins que la chanson n’aborde de manière différente le phénomène politique : de façon oblique peut-être, transversal, moins frontal. Et pourtant avec les Béruriers Noirs, « la jeunesse continue d’emmerder le front national » et comme dit François Hadji-Lazaro, chanteur du groupe Pigalle, « La politique, c’est du social puissance dix ».

Chanson sociale, chanson militante, prolétarienne ou encore plébéienne, l’engagement semble donc rémanent dans le chant musical avec un héritage et une histoire forte que retracent Christiane et Larry sous forme alphabétique dans ce dictionnaire. Un puzzle, une mosaïque truffée d’anecdotes qui rejoignent la grande Histoire et nous offrent la possibilité de retrouver les chansons caractéristiques de décennies politiquement marquées. Sans se limiter à la France, les auteurs nous embarquent entre autres dans les sixties et les seventies au cœur de la vague contestataire et souterraine du "protest song" américain favorisé par l’émergence de l’industrie du disque et de la société du spectacle. Blowin’ in the wind de Bob Dylan est sans doute la chanson emblématique de cette mouvance qui trouvera un écho à l’échelle planétaire : Combien d’années faut-il à la montagne pour arriver à la mer ? Combien d’années un peuple peut-il exister avant d’obtenir la liberté ? Et combien de fois un homme peut-il détourner la tête et faire comme s’il n’avait rien vu ? La réponse, mon ami, est portée par le vent, la réponse est portée par le vent.

Honneur à Mai 68 également et à une nouvelle génération de compositeurs qui développent leurs sujets d’inquiétude et leurs idéaux libertaires de révolte, de luttes révolutionnaires, leurs espoirs de changement de société notamment à travers le célèbre « Ni Dieu, ni Maître » de Léo Ferré dont une version anonyme existait déjà en 1892.

Aspirations, revendications ici ou ailleurs qui se poursuivront jusque dans les années quatre vingt sur un registre intégrant le rock à la chanson française, une musique vitaminée alliée à une écriture vindicative : le rock français, en marge de la mouvance punk, devient surtout visible au milieu des eighties avec le rock alternatif dont l’effervescence est portée par les Béruriers Noirs, les Garçons Bouchers, Noir Désir ou encore la Mano Negra. Le terme alternatif se rapporte alors aussi bien à la recontextualisation de sons du passé qu’au refus du statu quo commercial Il fait surtout l’apologie de l’underground comme mode de contestation grâce à l’indépendance des moyens de production.

Et si les années 90 ont marqué un net recul de la mobilisation politique dans la chanson, la montée de l’extrême droite en France jusqu’au délire de 2002 n’a pas empêché l’avènement d’une chanson contestataire : pensons aux Voix Rebelles qui chantèrent « Résistance à Le Pen de Mort » entre les deux tours des présidentielles. Les Voix Rebelles dont je reçois aujourd’hui l’une des sirènes, Monique Surel, spécialiste de la littérature de combat, et précisément du théâtre anarchiste, un théâtre qu’elle met en scène et assortit de chants favorables à la lutte : l’amour anarchiste, la bande à Riquiqui ou encore la Grève des mères. Elle nous en parlera dans un instant.

Et si l’on mettait également une belle cerise sur le gâteau de la chanson engagée en vous offrant une interview du très envoûtant Serge Utgé-Royo, un chanteur que la révolte n’a pas quitté ; il a consacré vingt ans à chanter les violences, les absurdités et les horreurs d’une société à laquelle il oppose une utopie marquée par la mémoire sociale internationale. Il s’est prêté au jeu de l’interview.

Mais puisque nous vivons dans le tout virtuel, le web en boîte, le blogtrotting, accordons nous pour commencer une révolution.com en guise de première lutte. No one is innocent sur Radio Libertaire.

Seras-tu triste un jour Serge Utge-Royo quand tout le sang du monde
aura transité par ta voix ? Cette voix, énorme boule rouge où se blottit ta Catalogne, quelques brouillards dans un lit, le simple diamant d’un été, un bonheur, parfois fatigué, deux ou trois fleurs dans tes yeux, mais seras-tu triste un jour ?

À l’instant de se faire des signes Serge, mon ami au cœur anar, quand au détour d’un vivant parc tangue sur l’océan des larmes tes compagnons de rimes, des pieds nus de Républicains, seras-tu triste un jour dans une grimace étranglée ? Arme nous, arme nous encore au futur poétique surgi de sous la cendre d’une Espagne où tu as si mal lorsque la vie te brûle, y dormiras-tu ce soir ?

La lumière est toujours bonne pour te rencontrer, Serge, il fait soleil sur ta planète, une lumière d’étoiles blafardes et de cinq cent hivers chargé. Les Indiens de ta mémoire s’en souviennent, loin des grands troupeaux, où es-tu Serge, où dors-tu ce soir ? Mais tes anges divaguent remontant vers la lune. Seras-tu triste mais rien qu’un jour ?

Et si tu passes par la ville de Paris, si tu marches par quelque sentier, ne rentre pas ce soir, ça t’empêcherait de rêver. Ose, ose seulement chanter encore la beauté des choses, des marais, des fugues et des cités au soleil.
Rythme encore tes chansons pour les putains, les tristes gens, une lune morte, des communards de Nouvelle espérance, des cerises au gré de ton temps et sème ton refrain au vent.