Chroniques rebelles
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Samedi 7 juin 2008
Tous propriétaires ! Du triomphe des classes moyennes
Jean-Luc Debris (Homnisphères). Avec L’auteur et Alain Dichant pour les éditions Homnisphères
Article mis en ligne le 8 juin 2008
dernière modification le 14 juillet 2008

par CP

La classe ouvrière existe encore — même si l’on parle à présent de
salarié-e-s — et la lutte des classes est toujours présente bien qu’elle soit occultée ou dissimulée par des formules alambiquées.
La récupération des mots est habile et les moyens aux mains du pouvoir sont énormes et omniprésents.

Tous propriétaires ! Dans ce pamphlet, Jean-Luc Debry s’insurge contre la notion du « tout-cuit », du prédigéré et compagnie d’un soi-disant savoir universel inéluctable. Car il s’agit de résister à la pensée unique et à ses diktats assénés par tous les moyens médiatiques et de propagande,
Si l’on prend l’exemple du monde ouvrier, celui-ci a fait « l’objet d’une dévalorisation de sa “conscience de classe” afin de la rendre inopérante. [Du coup] le monde ouvrier est devenu inaudible. Isolé et moqué, il est désormais inclus dans la grande masse des employés gouvernés par des directions abstraites et régis uniquement par des logiques financières à court terme. »

L’imposition de codes sociaux renforce le maintien de l’ordre économique, les nouveaux modes d’organisation sociale, d’où la lutte de classes escamotée puisque l’aspiration à l’émancipation est remplacée par la consommation à tout prix !

Tous propriétaires  ! Mais plus que l’autre ! Car il faut « substituer au désir de révolte un besoin de posséder et de dominer l’autre ». Au panier donc la notion de solidarité et aux poubelles de l’histoire la mémoire collective des luttes !

Tous propriétaires ! C’est la rengaine au goût du jour. Avant,
c’était la promesse du gros gâteau dans le ciel, à la droite de qui vous savez, mais à présent, c’est l’horizon hypothétique d’un pavillon de banlieue, avec une voiture à astiquer le week-end, une cuisine aménagée et une énorme télé — écran plat — trônant dans la pièce à vivre… Je veux dire le living.
Ah, j’oubliais la traditionnelle visite de l’hypermarché, passage obligé par sa galerie marchande !

Consommateurs et consommatrices de tous les pays, unissez-vous et rêvez des marchandises !

Le rêve, c’est posséder et la possession est l’épanouissement ultime !
Ne pensez plus : consommez !

Mais après ? Après c’est l’allégeance à une société dans laquelle on nous répète que nous faisons partie d’une immense classe moyenne avec,
en haut, quelques très riches et, en bas, quelques très pauvres.

La société marchande, le capitalisme, c’est la démocratie ! — on se demande laquelle — et c’est bien sûr la liberté !
La démocratie… La liberté… Il faudrait revenir sur la définition des termes utilisés en boucle qui sont autant de terminologies dévoyées, récupérées, fourre-tout, censées ne soulever aucune controverse ni questionnement sur cet édifice du mensonge orchestré.

Les chantres de la pensée unique ont bien bossé. Mais s’ils se croient au-dessus de la mêlée… C’est un piège. Ne sont-ils pas eux aussi les victimes
de cette idéologie abrutissante et a-critique ?

Et finalement, comme le disait Alfred Jarry, « Ce n’est pas amusant d’être libre tout seul. »

Tous propriétaires ! Du triomphe des classes moyennes de Jean-Luc Debry (Homnisphères).

À l’image des petits-bourgeois de La Noce de Bertolt Brecht, le monde
des employés et des petits chefs de bureau domine le champ idéologique
de l’ensemble du corps social et imposent ses valeurs. Le prolétariat semble avoir été dissous comme par magie dans cette opération. Il en a adopté les codes caractérisés par la tyrannie du même : même façon de produire, de consommer, de se divertir, de parler, de (sur)vivre.

Cette classe, moyenne en tout, est l’incarnation de la fin de l’histoire, c’est-à-dire de son effacement au profit de l’actualité la plus immédiate avec ce que cela comporte de sordide, d’amnésie et de malhonnêteté intellectuelle. Glorification de l’individualisme, des lieux communs, des non-lieux, du conformisme et du faux-semblant. Une victoire sans partage.

Signe des temps, le slogan «  Tous propriétaires !  » fait florès. Simple et édifiant, il semble se suffire à lui-même et résonne comme « un cri de ralliement ». À lui tout seul, il résume l’utopie des marchés et désigne un lieu d’enfermement. Brandi comme un étendard, il tend à mettre sur un pied d’égalité le propriétaire d’un hôtel particulier à Neuilly, celui d’un deux-pièces-cuisine en HLM et celui d’une « maison de maçon ».

Rediffusion de l’émission le samedi 16 août 2008

Les éditions Homnisphères :