Chroniques rebelles
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Moussa et David. Deux enfants d’un même pays de Maurice Rajsfus et Jacques Demiguel (Tartamudo)
Samedi 5 mai 2007.
Article mis en ligne le 7 décembre 2008

par CP

Réaliste, critique et engagé, Maurice Rajsfus l’est depuis longtemps en ce qui concerne la situation au Moyen-Orient. Critique de la politique israélienne appliquée par les gouvernements successifs, des accords d’Oslo, de l’occupation et de l’accélération de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem Est, il est aussi engagé pour les droits de la population palestinienne. Journaliste, historien et militant, Maurice Rajsfus est l’auteur de plusieurs essais sur la question, Retours d’Israël (L’Harmattan, 1987), Israël-Palestine, l’Ennemi intérieur (La Brèche, 1988), Palestine, chronique des événements courants (1988/1989) (L’Harmattan, 1990), Retour de Jordanie. Les réfugiés palestiniens dans le royaume hachémite (La Brèche, 1990). Dans chaque ouvrage, les interviews, les rencontres, les constats permettent une autre analyse, à contre-courant, avec les militants et militantes qui luttent sur le terrain. Il s’y livre aussi à un décryptage du sionisme et de la propagande qui en découle.

Il était une fois deux enfants, Moussa et David, deux enfants d’un même pays … mais séparés par un mur, un mur de béton sur un sol rendu aride à force de destructions, et un mur construit dans les têtes par une propagande distillée depuis la petite enfance.

Qu’il serait facile de se rencontrer si les enjeux, qui dépassent de loin les populations qui y vivent, ne construisaient des murs de haine et de honte sur un territoire si petit. Un territoire où se déroule un conflit emblématique de l’injustice, de l’absurdité et de la manipulation des esprits, source des amalgames meurtriers et de la discrimination.

Cependant, parfois, de simples désirs, des petites parenthèses permettent des brèches ponctuelles dans une séparation organisée.

C’est l’aventure traitée dans cette BD pas comme les autres qui revient sur l’histoire d’une région déchirée, celle du Moyen-Orient, et des victimes qui y vivent : les populations palestinienne et israélienne. Victimes à des degrés divers, bien sûr, car des deux côtés s’érigent des ghettos : ghetto contrôlé, bombardé, violent, misérable et invivable du côté palestinien ; ghetto d’une population militarisée et sous haute surveillance, en voie de paupérisation et au bord de l’implosion, côté israélien où des dirigeants militaristes reconstruisent ainsi les lieux d’antan que leurs parents et grands-parents avaient fuis.

Après le rêve d’une réconciliation possible, de l’espoir de la fin d’une occupation inique, d’une paix juste pour tous et toutes, la politique et les enjeux de pouvoir avaient rapidement tout brisé et transformé le rêve en cauchemar. Trop d’enjeux politiques activés par-delà les océans, trop d’idéologie, trop de stratagèmes, de violations des droits, de faux-semblants et de fausses promesses : la spirale de la violence a repris ses droits, les idéologies dominent, l’annexion des territoires s’est accéléré et l’occupation est de plus en plus insupportable…

Mais si le constat est désespérant la lutte a un effet, pas sur les gouvernements, mais sur l’esprit des individus. C’est ce que disait Tanya Reinhart, intellectuelle militante israélienne contre l’occupation, décédée hélas en mars dernier : « Nous représentons la majorité des gens. Cette lutte semble parfois futile, mais elle est très importante et elle a des effets. […] Les Israéliens qui se dressent aux côtés des Palestiniens face à l’armée sont venus en Cisjordanie parce qu’ils savent qu’il existe une loi supérieure à la loi de l’armée sur les zones militaires interdites : il y a la loi internationale, qui interdit le nettoyage ethnique, et il y a la loi de la conscience. Ce qui les ramène, jour après jour, c’est le nouvel accord conclu entre les peuples de ce pays, un pacte de fraternité et d’amitié entre Israéliens et Palestiniens. Ils savent qu’il est possible de vivre autrement sur cette terre. »

Vivre autrement, c’est ce que raconte cette BD de Maurice Rajsfus et de Jacques Demiguel : Moussa et David. Deux enfants d’un même pays.