Chroniques rebelles
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Défense d’interdire. Almanach (nostalgique) de mai 1968 de Benjamin Lambert (éditions Méréal)
Samedi 17 janvier 1998
Article mis en ligne le 14 décembre 2008

par CP

"La liberté d’autrui étend la mienne à l’infini."

Cette phrase de Bakounine illustre parfaitement mai 68.

Mai 68, la liberté, la contestation, le refus de l’ordre moral, l’imagination subversive, le "pétillement de notre histoire qui fut une vraie éruption d’esprit libertaire."

Défense d’interdire. Almanach (nostalgique) de mai 1968 de Benjamin Lambert est une évocation historique, un désir de comprendre, de ne pas oublier ce que mai 68 a signifié et symbolisé pour beaucoup. Défense d’interdire est un ouvrage essentiel pour se remémorer les faits, pour avoir une réflexion sur les événements, après trente ans de dérive, de récupération, de manipulation de la mémoire et de l’imaginaire, de trahisons aussi sous prétexte d’évolution ou de pragmatisme. Pragmatisme : le grand mot est lâché ! Le mot est à la mode et il fait recette et permet tous les abus.
Beaucoup ont mal vécu l’après-68. Beaucoup n’ont pas accepté de voir ce foisonnement d’idées, la grève générale, le rêve de changement se terminer dans la déception. Cependant, certains et certaines sont restés fidèles aux idées de mai 68 et sont allés au bout de leurs projets.

C’est cela qui importe, même s’il s’agit d’un nombre restreint de personnes, les autres, ceux de la deuxième droite diraient Louis Janover et Jean-Pierre Garnier, les opportunistes, peuvent jouer les blasés et traiter cette période par la dérision, mai 68 ne s’efface pas facilement, les rêves se récupèrent certes, mais ne se laissent pas toujours contrôler. Alors, si "un groupuscule réunit des rêveurs, révoltés, révolutionnaires en nombre indéterminé, de 2 à 200 000", soyons réalistes et exigeons l’impossible !

Trois décennies après, à la question c’est quoi pour toi 1968 ? beaucoup diront "c’était il y a trente ans, maintenant c’est différent, cela ne pourrait plus se passer de la même manière !" Peut-être, mais à force de néolibéralisme, de pression du chômage, de chantage à la productivité et autre mondialisation sous forme de pillule amère à avaler, il est possible que les "veaux" se prennent à rêver d’alternative et de dire non à un jeu social qui ressemble trop à la pire aliénation. Peut-être que le "qu’est-ce qu’on peut faire ?" peut brusquement basculer dans "Cette société on en veut plus".

C’est un peu ce qui resurgit parfois… dans des constats, certains amers, dans un texte, dans un mouvement, dans une film. Le film Trainspotting de Dany Boyle démarre sur cette tirade du personnage principal : "Choisir la vie. Choisir un job. Choisir une famille. Choisir une putain de télé. Choisir une machine à laver, une bagnole, une chaîne hifi et un ouvre-boîte électrique… Et se demander ce que l’on fout un dimanche matin. Choisir de s’asseoir pour regarder des conneries à la télé, ou jouer à des jeux-vidéo débiles en se goinfrant de saloperies. Choisir enfin de pourrir la fin de sa vie dans une maison minable et de faire honte à ses rejetons égoïstes et troublés engendrés pour prendre la suite. Choisir son avenir. Choisir la vie … Mais pourquoi devrais-je désirer un truc pareil ?"

Alors… pourquoi ne pas le répéter : Rêvons et Soyons réalistes, exigeons l’impossible !