Chroniques rebelles
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City of quartz. Los Angeles capitale du futur de Mike Davis (La Découverte)
Samedi 21 février 1998. Avec Jean-Pierre Garnier et Jim Cohen
Article mis en ligne le 14 décembre 2008

par CP

Los Angeles, ville du futur, ville des parvenus, ville des ghettos, qui fascine par son climat, par son apparence tentaculaire, par le mythe qui a été construit autour d’elle. Été sans fin, capitale du cinéma, bagnoles, hotrod, surf, plage et soleil… Le rêve californien ? La lutte de classe au soleil dans ce temple de la consommation, c’est quoi : le cauchemar californien ?

Les émeutes de Watts en 1965, la répression de la police au moment des manifestations contre la guerre au Vietnam, les émeutes de 1992 suite aux violences racistes contre Rodney King…
L’envers du décor ou le mythe fissuré ou bien encore la fin du plan idyllique “rêve sud-californien”. Les émeutes de Watts ont été le résultat de la répression et de l’intransigeance des autorités WASP (entendez blanches, anglo-saxonnes et protestantes). Les émeutes de 1992, encore un remake de la violence et du racisme. On est loin des Beach Boys, ces adolescents blancs qui chantent le surf, les filles et les bagnoles.

City of quartz de Mike Davis, c’est l’histoire sociale, politique et culturelle de Los Angeles. City of quartz , c’est la réalité à travers le prisme du marché. Un prisme grossissant qui nous montre aussi l’avenir de nos villes.

En 1914, Los Angeles comptait 300 000 habitants. Depuis, il y a eu plusieurs booms économiques et fonciers, notamment celui des années 1920 avec ses promoteurs-constructeurs et l’extension des banlieues, et le pétrole bien sûr. Plusieurs époques, celle du général Otis, avec la guerre aux syndicats, la chasse aux rouges et à tout ce qui n’était pas WASP (c’est-à-dire Blanc protestant et anglo-saxon), les années 1940 avec la militarisation de l’économie de la ville, les années 1950 où le pouvoir change de mains quand une nouvelle élite dirigeante se met en place sur fond de spéculation immobilière, de croissance urbaine et de pétrole, où le jeu des pouvoirs s’emballe entre le centre cille et les quartiers. La stratégie culturelle de l’immobilier des années 1980 ne change guère, le fric est partout sauf dans le social. La construction d’un avion furtif coûte l’équivalent de 10 000 logements sociaux, donc on expulse et on construit des avions-furtifs ou d’autres engins de guerre.

Los Angeles, c’est après nous le déluge et le profit tout de suite : les promoteurs envisagent de construire sur la faille de San Andreas et trouvent des clients. Le désert se vend avec promesses de pelouses et mini-Versailles kitch. Les noms des rues s’y inscrivent en prévision des opérations immobilères. Un monopoly irresponsable avec eau à profusion dans un climat désertique, donc la destruction systématique de l’équilibre naturel.

Los Angeles, une capitale du futur à la Blade Runner ? Avec un peuple des abîmes qui occupe le centre ville la nuit, des gangs qui s’entretuent dans les ghettos et des prisons surpeuplées ? Des vigiles et des flics pour protéger les possédants et tirer sur ceux qui n’ont rien ? C’est la démocratie à l’étatsunienne ?

Et la résistance ? Des poches de résistance avec la communauté socialiste de Liano del Rio installée dans le désert au début du siècle, le Black Arts Movement, le Hollywood alternatif, les rappeurs du gangsta Rap, comme le groupe des Niggers With Attitude qui se disent des journalistes du réel. Mais ceux-là entrent aussi dans le système puisque leur but c’est faire du blé, pas le changement, pas la destruction d’un système qui bousille la majorité de la population, qui domine et fonctionne sur la discrimination, pas la révolution, la récupération.

Los Angeles, City of quartz , cité de l’illusion, du décor, du fric, capitale du capital et de la mise en scène du marché…