Chroniques rebelles
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Violence du Dehors, la liberté dans le reflet de soi de Niko Remour (éditions Arobas)
Samedi 20 décembre 2008 : CANULAR !
Article mis en ligne le 20 décembre 2008
dernière modification le 9 décembre 2009

par CP

Texte étrange que Violence du Dehors, la liberté dans le reflet de soi de Niko Remour. Texte étrange, contradictoire et presque fascinant qui semble le trajet d’une claustration intellectuelle féconde et autocontemplative. Après « le constat désabusé d’une inutilité de l’être dans son déploiement extrinsèque au sein des valeurs communautaires. »
Niko Remour, Violence du Dehors, la liberté dans le reflet de soi .

Il faut souligner que l’éclectisme de l’œuvre de Niko Remour s’apparente à une curiosité intellectuelle sans aucune limite. Pour preuve, une partie des publications de cet écrivain et essayiste prolixe : Nombrilisme et vacuité. Les valeurs de la République (éditions de l’Atelier d’anticipation sauvage) — c’est un texte qui se déclare « citoyen » sur la 4ème de couverture [mais nous reviendrons sur la définition du mot citoyen mis aujourd’hui à toutes les sauces !] — ; La vie sans repos et l’amour sans fin… — qui est une anthologie philosophique de terrain — (éditions Pink Flamingos) ; Vous avez dit liberté ? Mais qu’attendiez-vous par là ? — qui est un pamphlet grinçant et une étude sociologique et morale — (éditions Presque rien) ; Le toujours est-il une valeur pérenne ? Conscience politique et conscience privée (éditions Arobas) ; sans oublier le détour par un roman dont nous reparlerons durant l’émission, Balade sur le Clivage (éditions des mille et une rives).

Et enfin ce dernier essai, Violence du Dehors, la liberté dans le reflet de soi , qui, si je puis le dire ainsi, emprunte certains concepts à la philosophie orientale tout en les remettant aux normes occidentales — tour de passe-passe habituel. Un texte qui pose des questions anodines et finit par une conclusion plutôt surprenante et tout en nuance sémantique, dans le genre : au pire, si ce n’est pas vrai, il faut que ce soit vraisemblable !

Musique : Dutronc, Face à la merde

Christiane : Tout d’abord, quelle est la cohérence dans ton œuvre, s’il y a en a une ? Travailles-tu chaque fois dans un domaine particulier ? Car je dois dire que ma première impression est… la dispersion.

Niko Remour : Oh, comment dire ?... J’ai toujours été attaché au fragmentaire, à la dissémination, grâce à la forte influence du déconstructionisme. Si j’en reviens à ce qui constitue ce que d’aucun appelle une « somme critique », je dirais qu’il s’agit d’une production livresque qui s’attache à décrire les trois axes de ce que nous pourrions appeler l’« être ensemble » (communiste, communiel ou national-mythifiant) tout en ancrant ce concept dans un vouloir-dire narratif à vocation personnalisante illimitée (ce que je nomme l’infinité du « je »). Je mesure combien la tâche (tache ?) de mon écriture est celle d’un homme qui a cherché à comprendre comment la solitude de l’écrivain dans le désoeuvrement communautaire a mis à mort toute tentative, toute possibilité, tout désir biographique, parce que l’écrivain que je suis, comme tout autre qui écrit, est séparé du monde. Le « Je » finit donc par se dissoudre dans une poétique qui le refuse.

Christiane : Le Je est quand même drôlement présent ! Quant à la cohérence dans tout ça et le fait que tu te défendes d’aucun désir autobiographique ? Ce n’est pas très convaincant !

Niko Remour : C’est pourquoi l’ensemble de ma production investit l’autofiction (forme de biographie fictionnelle pour le coup !) à la fois comme mise en scène narcissique dénonçant la dissolution de la notion d’auteur dans une société rompue à la brisure des miroirs qui eussent pu, eux, construire notre identité, mais aussi comme narration autoréflexive qui revient dans un perpétuel retour, un retour vers elle-même (ce que j’appelle la fiction en reflet), toujours en brèche avec l’illimité.

Ch : Revenons à Violence du Dehors, la liberté dans le reflet de soi. Le texte, comme je l’ai dit dans la présentation, emprunte certains concepts à la philosophie orientale tout en les remettant aux normes occidentales. C’est le tour de passe-passe quand on a pas grand chose à dire, non ?

Niko Remour : Je ne dirai pas ça. Il faut bien comprendre que du personnel à l’essentiel, il n’y a finalement qu’un pas, et la mystique de la pensée n’est pas loin, y compris dans l’occidentalité du penseur européen… Et d’ailleurs, n’est-ce pas, de quelle liberté parle-t-on ? Je vous le demande, je pose la question aux auditeurs et aux auditrices (s’il y en a) : qu’ils et qu’elles se manifestent !
Je rentre à l’instant de Roumanie pour venir sur Radio Libertaire parler de mon œuvre et de moi avec une animatrice de Chroniques qui se disent rebelles ! Alors qu’on entende ceux et celles qui sont derrière le poste !

Musique : Boris Vian, On n’est pas là pour se faire engueuler

Salah (désannonce) : Vous êtes sur Radio Libertaire…

Ch : Nous parlons de Violence du Dehors, la liberté dans le reflet de soi de Niko Remour (éditions Arobas).

Niko Remour : Oui, j’ai connu une traversée du désert. J’ai dû vivre chichement, j’ai été videur de boîte de nuit, j’ai connu l’enfer des jobs nocturnes, mais je ne m’en plains pas. Mon père était cireur de chaussures à la gare de Shanghaï, il s’en est sorti grâce à l’assurance vie. Ma mère aspirait à devenir ce qu’on appelait à l’époque la French Movie Super Star et elle a fini par animer les conférences du lundi qui à l’époque avaient lieu chaque lundi, c’est vous dire la difficulté aussi d’assumer la séparation entre rêve et réalité. Mais, vous évoquiez l’illimité. Sachez tout de même chère Christiane, lorsque vous parlez de « curiosité intellectuelle sans aucune limite », que l’axe de mon oeuvre est précisément « l’exploration illimitée des modes de pensées en friction » (je m’expliquerai sur ce point un peu plus tard). Je l’ai hérité de mes parents, cela.

Quand à la « violence du dehors », simple précision, elle n’est pas seulement un titre qui guide la lecture d’une oeuvre, la mienne, mais peut-être la lecture de toute oeuvre (j’allais dire « les miennes » en tant qu’elles construisent une littérature à part entière). Autrement dit, la question de la violence du dehors revient à poser cette énigme : existe-t-il une oeuvre, isolée ou faisant partie d’un corpus, dont le trajet réussisse à introduire une violence extérieure qui repousserait les limites mêmes de ses possibilités narratives et linguistiques ? Cette interrogation n’est pas seulement fictive : elle accueille aussi le champ politique dans son périmètre de pensée ; c’est la raison de ma présence sur radio libertaire. En effet, exclure LE politique DU littéraire, cela revient à dire : le piège n’est pas l’oeuvre, mais celui qui, du dehors, y tombe, violemment (ou non). Et je pense notamment à mon chapitre central : Rafales de Miroirs. Parlons en de façon féconde !

Ch : Bon on arrête là. Salah : une pause musicale !

Musique : Maurice Chevalier, Pan Pan Pan poireaux pommes de terre

Salah (désannonce) : Vous êtes sur Radio Libertaire…

Ch : Mais c’est quoi cette chanson ?

Niko Remour (chantant) : « C’est une chanson douce que me chantait ma maman, en suçant mon pouce… »

Ch : Je n’ai pas choisi les pauses musicales, en tout cas pas celle-ci parce que Maurice Chevalier disant : « Elle avait 20 ans. C’était la fine fleur de la culture française. Un bas bleu qui serait en même temps une orchidée perverse poussée sur »… sur quoi déjà ?

Niko Remour : « sur le tronc ravagé du baobab de la décadence. »

Ch : On a du mal à y croire dans la bouche de Maurice Chevalier. Et on se demande s’il comprenait le texte. Pourquoi ce choix ?

Niko Remour : Parce que …
Je ne fais confiance aux fleurs.

« Je ne fais pas confiance aux fleurs.
Toutes les fleurs boivent… non seulement elles boivent mais… on ne sait pas, ce qu’elles boivent…
Elles pompent, ça, c’est certain. Elles pompent une certaine quantité de liquide que l’on ne peut pas contrôler.
J’ai personnellement une haine profonde envers ces vases de grés, porcelaine, terre, verre et autres facéties argileuses… des ventres… plus ou moins glauques, louches, difformes… mais fragiles… oui, toutefois fragiles.

À tel point que je me demande si ces hypocrites de fleurs n’auraient pas une idée de derrière les pétales…

Il faut quand même être sacrément vicieuses pour aller se fourrer la tige à plusieurs dans le même bocal.

Un bouquet qu’elles disent… on forme un bouquet.

Un bouquet… Elles appellent ça, un bouquet. Mais moi, j’appelle ça : une « partouse » !

Graminées lubriques ! Dicotylédones perverses !

Quand je pense qu’on veut protéger la nature ! Mais protéger la nature, c’est entretenir la luxure !
Je les hais, je les hais toutes !...
 »

Ch : Bon, revenons à Violence du Dehors, la liberté dans le reflet de soi. L’essai commence par un texte de Christian Rullier que tu pourrais lire, mais avant, j’aimerais savoir si ce texte a inspiré la réflexion de départ ou si cela en est l’aboutissement ?

Niko Remour : Avant toute chose, je ne lis pas, je le connais… C’est une vision de la création comme celle que j’aborde dans mon livre, dans toute mon œuvre, d’ailleurs. À ce propos, car là nous touchons le fond mystique de la pensée, je voudrais revenir sur l’importance de mes racines, les « roots »… Finalement je pense qu’il y a une nette influence biblique et même au-delà de ça, dans ma production livresque.

D’ailleurs à ce sujet, je voudrais ajouter : le cinéma c’est tout autre chose. C’est pas pouet pouet pan pan ! Je sais pas, moi, c’est Carmet, c’est Renoir, mais c’est pas de la merde, c’est les frères Lumière, c’est Marseille, les calanques, c’est tout ça en même temps, tu vois. Le cinéma, et c’est tout, c’est magique, c’est l’arrivée du train dans Charleroi, c’est la sortie des ouvriers, et… heu… là c’est du travail, ça triche pas, ça déconne pas. C’est l’histoire de l’humanité. C’est pas un petit con qui fait ça, qui te respecte, j’dis pas. Y’en a qui sont là, qui font rien, qui te disent, « ouais heu non heu la télé, j’t’emmerde, moi aussi j’veux faire du cinéma ». Là, bon, j’réponds, « va te faire enculer ! » ? Tu vois ce que je veux dire, enfin métaphoriquement …

Ch : Bon alors ce texte ! On n’y arrivera pas !

Niko Remour :
« Y’avait rien !
Rien de rien, comme j’te l’dis ! C’est fort, hein ?

Alors, attends, tu vas voir… Parce que non seulement y’avait rien, rien de rien et moins que rien, mais par-dessus le marché, on n’y voyait même pas clair. Comme j’te l’dis ! Même pas clair, rien que du noir ! C’est fort, hein ?

Alors, attends, tu vas voir… Moi dans tout c’noir où qu’y avait rien, j’me dis, qu’est-ce que c’est que cette chierie ! C’est de la vraie merde ! Faut faire kekchoze, y’a pas, on va tout de même pas rester dans ce bordel !... Alors, bon, d’abord, je dis, la moindre des choses, c’est primo qu’on y voit clair !... Bah, qu’est c’t’aurait fait à ma place toi ? Pareil que moi, pas vrai ? Bon !...
Alors, je dis faut qu’on y voit clair : pfffffft ! Lumière !... Et ben, tu me croiras si tu veux, d’un seul coup d’un seul, pffft ! De la lumière partout ! Partout, comme j’te l’dis ! C’est fort, hein ? Alors, attends, tu vas voir…

La lumière, c’est bien joli, bon, mais moi là-dedans, tout seul, je commence à m’emmerder sec !... Alors, j’dis, comme ça, pourquoi qu’y aurait pas des p’tites bêtes par-ci par-là, quoi… C’était ça mon idée, tu vois ? Et ben, là c’est pareil, tu me crois, si tu veux, mais j’me r’tourne et qu’est-ce que j’vois ?... Des putains de bestioles de tous les genres qu’y en avait des flopées de tous les côtés qu’ça cavalait tant qu’ça pouvait dans tous les sens ! C’est fort, hein ?

Alors, attends, tu vas voir… Les bestioles, c’est bien beau, mais au bout d’un moment, tu vois, moi j’avais envie de faire la causette !... Tout seul, à force, ça fout l’bourdon !...
Alors là, j’dis carrément, y m’faut une bonne femme !... C’est fort, hein ? Alors, attends, tu vas voir… J’me dis ça juste que j’allais me mett’ au pieu, bon… Là-dessus, j’m’endors, bonne nuit Gigi, et le lendemain matin qu’est-ce que je trouve dans le plumard ?...
Mais non, pas un bonhomme ; une bonne femme ! C’est fort, hein ? Alors, forcément, on s’est mis en ménage, et puis on a eu les mômes, et puis voilà quoi, ça continue, c’est la vie.
C’est fort hein ! »

Ch : Y’avait rien. Je ne sais pas si c’est fort, mais ce qui est certain, c’est qu’il y a un malentendu. Je ne pensais pas à ce texte. Je parle de celui qui est un parcours de la vie, au début du bouquin.

Niko Remour : Je commence par l’enfance ?

« D’abord, je suis tout petit.
Et puis après, je deviens grand.

Et puis je deviens encore plus grand.
Et puis je deviens plus grand, plus grand, plus grand, plus grand.

Et puis après je deviens vieux.
Et puis je deviens encore plus vieux.
Et puis je deviens plus vieux, plus vieux, plus vieux, plus vieux.

Et puis après chuis mourru.

Et c’est pour tout l’monde pareil : On l’a tous dans le cul ! »

Musique : Serge Reggiani, Quand j’aurai du vent dans mon crâne

Salah (désannonce) : Vous êtes sur Radio Libertaire…

Ch : Peut-être un mot sur ton roman que je n’ai pas eu le temps de lire, mais j’ai parcouru la 4ème de couverture. Si j’ai bien compris, il s’agit là d’un récit subjectif sur l’expérience d’un tiers. C’est à la fois romantique et politique. Ce qui m’amène à parler d’un autre texte, tout à fait politique… Mais tout d’abord quelle est l’histoire, la trame onirique de Balade sur le Clivage (éditions des mille et une rives) ? Niko Remour…

Niko Remour : … (silence)

Ch : (après hésitation) Niko, tu peux nous parler du script de Balade ?

Niko Remour : Je pensais à autre chose, à la mort, à du vent dans mon crâne et vraiment… Je pense que tout est de la merde… qu’est-ce que l’existence ? Une balade dans une décharge aux confins de l’imagination maladive, dans un univers assermenté. Tout est de la merde… Les lois, le marché, le clivage…

Balade sur le clivage … Ah oui !
En fait, ça n’est pas si éloigné de toutes ces digressions : c’est l’histoire d’un homme qui ne comprend pas pourquoi, depuis tout jeune, il boîte, et surtout depuis qu’il a rencontré Jessica, l’amour de sa vie.
Il finit par saisir le sens caché de son handicap : il a toujours défendu les valeurs humanistes d’extrême gauche qui, pour lui, constituent une force vitale d’équilibre, mais la rencontre avec sa belle famille — les parents de Jessica —, va tout changer : ils sont racistes, beaufs et pingres.
Va-t-il conserver son amour intact pour Jessica ou sombrera-t-il dans une haine pour elle qui n’est que le transfert de la haine qu’il ressent pour ses beaux parents ?

Décidera-t-il d’arrêter de boîter en quittant Jessica ou parviendra-t-il à accepter ce handicap et à le faire accepter par sa compagne au détriment des atroces douleurs qui parcourent sa jambe droite ?

C’est là qu’intervient le clivage, et la dernière balade qu’il fera sera celle qui le conduira au fond de l’océan lorsqu’il décidera de mettre fin à ses jours pour résoudre le dilemme cornélien qui le taraude.

Ch : Classique et cornélien, cela me rappelle quelque chose :

« Percé jusques au fond du cœur

D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,

Misérable vengeur d’une juste querelle,

Et malheureux objet d’une injuste rigueur

Je demeure immobile, et mon âme abattue

Cède au coup qui me tue.

Si près de voir mon feu récompensé,

Ô Dieu, l’étrange peine !

En cet affront mon père est l’offensé,

Et l’offenseur est le père de Chimène !… »

Niko Remour : (la coupe) Oui, mais il faut remplacer Chimène par Jessica ! Enfin par Jessy :

« Percé jusques au fond du cœur

D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,

Misérable vengeur d’une juste querelle,

Et malheureux objet d’une injuste rigueur

Je demeure immobile, et mon âme abattue

Cède au coup qui me tue.

Si près de voir mon feu récompensé,

Ô Dieu, l’étrange “souci” !

En cet affront mon père est l’offensé,

Et l’offenseur est le père de Jessy ! »

Et là, ce serait fort ! :

(Les stances avec Jessy à la place de Chimène et Ch faisant des remarques de metteuse en scène)

Que je sens de rudes combats !

Contre mon propre honneur, mon amour s’intéresse :

Il faut venger un père, et perdre une maîtresse :

L’une m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.

Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,

Ou de vivre en infâme,

Des deux côtés mon mal est infini.

Ô Dieu l’étrange défi !

Faut-il laisser un affront impuni ?

Faut-il punir le père de Jessy ?

Père, maîtresse, honneur, amour,

Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,

Tous mes plaisirs sont morts ou ma gloire ternie.

L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour.

Cher et cruel espoir d’une âme généreuse,

Mais ensemble amoureuse,

Digne ennemi de mon plus grand bonheur,

Fer qui cause mon déni,

M’es-tu donné pour venger mon honneur ?

M’es-tu donné pour perdre ma Jessy ?

Il vaut mieux courir au trépas.

Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père :

J’attire en me vengeant sa haine et sa colère ;

J’attire ses mépris en ne me vengeant pas.

À mon plus doux espoir l’un me rend infidèle,

Et l’autre indigne d’elle.

Mon mal augmente à le vouloir guérir ;

Tout pousse ma folie.

Allons mon âme ; et puisqu’il faut mourir,

Mourons du moins sans offenser Jessy.

Mourir sans tirer ma raison !

Rechercher un trépas si mortel à ma gloire !

Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire

D’avoir mal soutenu l’honneur de ma maison !

Respecter un amour dont mon âme égarée

Voit la perte assurée !

N’écoutons plus ce penser suborneur,

Qui accroît mon souci.

Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur,

Puisqu’après tout il faut perdre Jessy.

Oui, mon esprit s’était déçu.

Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse :

Que je meure au combat, ou je meure de tristesse,

Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu.

Je m’accuse déjà de trop de négligence :

Courons à la vengeance ;

Et tout honteux d’avoir tant balancé,

Ne soyons plus “transi”,

Puisqu’aujourd’hui mon père est l’offensé,

Si l’offenseur est père de Jessy. »

Musique : Serge Gainsbourg (avec Brigitte Bardot), Bonnie and Clyde

Salah (désannonce) : Vous êtes sur Radio Libertaire…

Ch : J’aimerais à présent aborder un texte qui se veut féministe, mais je dois dire que les relents machistes n’en sont pas absents. Déjà le titre a un caractère de provocation ambiguë : Vous avez dit liberté ? Mais qu’attendiez-vous par là ? (éditions Presque rien). Tu peux nous en dire un peu plus sur ce texte ?

Niko Remour : Je n’ai pas compris la question ? Est-ce une question d’ailleurs ? Dans ce texte, j’analyse le partage des tâches dans un contexte historique …

Ch : Je n’ai pas du tout aimé ce texte que j’ai ressenti comme une offense vis-à-vis des femmes. Et pour illustrer ma critique…

Niko Remour : Alors là, c’est vraiment l’exemple de la critique subjective et primaire. Je veux quand même défendre mon texte.

Ch [à Salah] Salah tu peux nous passer l’intervention de Christine Delphy. Cela rendra les choses beaucoup plus claires !

Christine Delphy : Le partage des tâches

Salah (désannonce) : Vous êtes sur Radio Libertaire…

Nombrilisme et vacuité. Les valeurs de la République (éditions de l’Atelier d’anticipation sauvage)

Ch : Il nous reste très peu de temps pour ce livre, mais j’aimerais revenir sur ta définition de citoyen. Au passage, je te fais quand même remarquer que tu n’as pas féminisé citoyen en citoyenne, comme si les femmes ne pouvaient en aucun cas prétendre à la citoyenneté.

Niko Remour : Mais pas du tout, en page 142, tout est féminisé. Je vous signale quand même que les mentalités ne peuvent pas changer comme ça, sur un coup de baguette magique ! Vingt siècles et plus de machisme ne s’effacent pas ainsi et à grande vitesse. Il va falloir attendre ! Ce que dit Christine Delphy qui me semble raisonnable : elle parle de 3027…. si tout va bien.

Ch : Mais c’est de l’ironie. Christine Delphy se moque des mentalités sexistes et de leur évolution à pas de fourmi.

Niko Remour : Vous êtes sûre ? Encore une fois vous interprétez de manière très subjective !

Ch : Bon, c’est quoi un citoyen et une citoyenne pour toi ? C’est le thème de Nombrilisme et vacuité. Les valeurs de la République. Je ne fais que me fier au dossier de presse.

Niko Remour : Ben… C’est complexe. Citoyen, tout ce que je peux te dire, c’est la charité, c’est quand tu peux regarder un porc dans les yeux et lui dire : viens, viens, chez moi c’est chez toi, vide mon frigo. Et là tu passes à une autre question parce que tu sens que c’est ta maison, parce que moi j’écris, je crée, je monte des agences spécialisées, je me laisse porter par l’inspiration et vous, là, ça décortique, ça cherche les accessoires de clown et que je te claque les portes du studio et que je te traite comme un tuyau de douche pendant les pauses musicales… Et sans comprendre vraiment le sens de mon itinéraire.

Ch : C’est une scène ! ? Je ne vois pas ce que vient faire le tuyau de douche là-dedans ! Bon, parlons plutôt du secret de la situation politique… Soyons enfin clairs. À ce stade de l’émission, il n’est que temps !

Niko Remour : Oui, soyons enfin clairs.

« Les Ouménés de Bonada ont pour désagréables voisins les Nippos de Pommédé. Les Nibbonis de Bonnaris s’entendent soit avec les Nippos de Pommédé, soit avec les Rijabons de Carabule pour amorcer une menace contre les Ouménés de Bonnada après naturellement s’être alliés avec les Bitules de Rotrarque ou après avoir momentanément, par engagements secrets, neutralisés les Rijobettes de Billiguettes qui sont situés sur le flanc des Kolvites de Beulet qui couvrent le pays des Ouménés de Bonnada et la partie nord-ouest du turitaire des Nippos de Pommédé au-delà des Prochus d’Osteboule.

La situation naturellement ne se présente pas toujours d’une façon aussi simple : car les Ouménés de Bonnada sont traversés eux-mêmes par quatre courants, ceux des Dohommédés de Bonnada, des Odobommédés de Bonnada, des Orodommédés de Bonnada et enfin des Dovoboddémonédés de Bonnada.

Ces courants d’opinion ne sont pas en fait des bases et se contrecarrent et se subdivisent comme on pense bien, suivant les circonstances, si bien que l’opinion des Dovoboddémonédés de Bonnada n’est qu’une opinion moyenne et l’on ne trouverait sûrement pas dix Dovoboddémonédés qui la partagent, et peut-être pas trois, quoiqu’ils acceptent de s’y tenir quelques instants pour la facilité, non certes du gouvernement, mais du recensement des opinions qui se fait trois fois par jour, quoique selon certains ce soit trop peu même pour une simple indication, tandis que, selon d’autres, peut-être utopistes, le recensement de l’opinion du matin et de celle du soir serait pratiquement suffisant.

Il y a aussi des opinions franchement d’opposition, en dehors des Odobommédés. Ce sont celles des Rodobodébommédés, avec lesquels aucun accord n’a jamais pu se faire, sauf naturellement sur le droit à la discussion, dont ils usent plus abondamment que n’importe quelle autre fraction des Ouménés de Bonnada, dont ils usent intarissablement. »

Musique : Bobby Lapointe, Aragon et Castille

Salah (désannonce) : Vous êtes sur Radio Libertaire…

Ch : Nous avons fait un micro-trottoir sur ton œuvre. Les questions étaient simples : Vous connaissez Niko Remour ? Que vous inspirent ses livres ou les titres de ses livres ? Nombrilisme et vacuité. Les valeurs de la République (éditions de l’Atelier d’anticipation sauvage) — La vie sans repos et l’amour sans fin… (éditions Pink Flamingos) — Vous avez dit liberté ? Mais qu’attendiez vous par là ? (éditions Presque rien) — Le toujours est-il une valeur pérenne ? Conscience politique et conscience privée (éditions Arobas) — un roman Balade sur le Clivage (éditions des mille et une rives) — Violence du Dehors, la liberté dans le reflet de soi (Arobas).

Micro-trottoir (sur CD) : durée 3’03

Niko Remour : Quand je pense que j’essaie d’être le sosie de Patrick Dupont, l’écriture étant ce qu’elle est, un état immobile. Et les gens réagissent comme si j’étais un sportif inconnu, ou comme si je passais mes vacances tout seul dans les Rocheuses… Que je ne sois pas bon, ok, mais faut pas prendre les gens pour des cons… Je veux dire : c’est difficile, j’essaie de faire un lien avec toutes mes thématiques, et je me rends compte que je ne corresponds pas du tout au panel de jeunes que vous avez interrogés on se demande où d’ailleurs. C’est bidonné !

Ch : Pas du tout ! D’ailleurs, une des personnes connaît certains des textes. Le micro-trottoir n’est ni bidonné ni caviardé. C’est de la matière brute, du témoignage ! Il faut assumer, c’est tout !

Niko : j’ai fait beaucoup d’effort jusqu’ici, mais je voudrais — moi aussi — donner mon avis sur une émission « rebelle » qui n’a même pas de chronique économique alors que nous sommes en pleine crise du capitalisme. C’est incroyable ! Puisque je suis là, je me sens obligé de combler cette lacune impardonnable. Salah : Ambiance !

Ambiance de Bourse :

Aujourd’hui, la perte de vitesse substancielle de la fabrique de conserves Minute viande face au géant mondial états-unien conservery food box qui gagne 0.94% depuis le début de la semaine dernière, un recadrage boursier qui n’est pas sans inquiéter les pontes de l’industrie agroalimentaire. Minute viande se demande déjà s’il ne va pas investir dans les produits alternatifs de tendances écologistes de type : le cassoulet au pissenlit de Haute Marne et ce afin de surfer sur la vague bio et contrecarrer les attaques commerciales du mastodontes d’outre-Atlantique. Niko Remour en direct de Wall Street, à vous les studios.

Ch (tentant d’interrompre) : Mais on est contre ces manips de l’agroalimentaire qui nous empoisonne consciencieusement et puis on s’en fout de la banque, du caq 40 et des boursiers… Nous sommes sur Radio Libertaire… Salah : pause musicale !

Musique : Gilles et Julien, Dollar

Salah (désannonce) : Vous êtes sur Radio Libertaire…

Ch : Radio Libertaire critique la consommation et les rouages capitalistes, l’exploitation et la propagande pour manipuler les esprits, et pour le reste c’est pas notre crédo !

Niko Remour : À ce propos, une page de Pub :

Quand je suis dans mon bain, je n’ai qu’un plaisir : Déguster un verre de Côtes du Roussillon cuvée anarcho-syndicaliste.
Grâce à ses cellules enrichies en céramides libertaires de collagène révolutionnaire, il me donne le poil brillant et l’œil vif.
Je me sens rajeuni de l’intérieur !
Côtes du Rousillon de la CNT : Passez au plaisir !

Musique : Gainsbourg, Sea, sexe and sun

Micro ouvert pendant le disque :

Ch : Mais t’as pété le boulons ! Radio libertaire, c’est la radio sans Dieu, sans maître et sans publicité !

Niko Remour : (chantant) See sex and sun… Ah oui et j’oubliais un livre pamphlétaire de ma production qui fonde la credo d’une nouvelle dialectique humoristique : "Je pète, donc tu me sens" (BD).

Salah : Le Micro est ouvert. Vous êtes sur Radio Libertaire…

Ch : Cette émission, vous l’avez certainement compris, était un canular. Il a été réalisé grâce à la collaboration active de Salah et Nicolas, mais aussi de Danièle, Christine, Mydia, Charles, Adriana, et grâce à la collaboration non sollicitée d’Henri Michaux, Corneille, Christian Rullier, Christine Delphy, Jacques Dutronc, Boris Vian, Bobby Lapointe, Serge Gainsbourg, Gilles et Julien, Serge Reggiani et Maurice Chevalier.

Bonne fin d’année !