Chroniques rebelles
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À vos ordres !! À vos ordres ? Jamais plus ! de Maurice Rajsfus (éditions du Monde libertaire)
Samedi 9 mai 2009
Article mis en ligne le 10 mai 2009

par CP

« L’anarchie est la plus haute expression de l’ordre » (Élysée Reclus).
Mais l’ordre sans le pouvoir et l’ordre vanté aujourd’hui, imposé est loin d’être de cette nature. L’ordre public, c’est l’ordre brutal mis au service du pouvoir quel qu’il soit. L’ordre n’est pas réellement au service des personnes mais sert essentiellement à les encadrer, les surveiller, les contrôler.

L’État de l’ordre, le régime de l’ordre, interventions de l’ordre, un gouvernement de l’ordre… L’ordre, l’ordre, le mot est sans cesse évoqué, répété, asséné… Comme une solution, comme l’argument suprême d’une autorité qui affirme son bon droit. Dans les discours, le mot ordre est particulièrement à l’honneur ces temps-ci.

« L’ordre, c’est la condition de la démocratie » nous disent les chantres du pouvoir actuel. Mais quelle démocratie ? Et d’ailleurs de quel ordre s’agit-il ? L’interdiction de contester ?

Les universités sont occupées ? « Faisons appel aux forces de l’ordre et virons la “minorité ” des contestataires » avance le gouvernement.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais, selon l’histoire officielle, c’est toujours une minorité qui conteste ou qui râle.

L’ordre doit régner, sinon gare ! Les quelque 300 jeunes qui ont été malmenés et arrêtés Place de la Nation, à la fin de la manifestation du 19 mars dernier, en savent quelque chose. Jeudi, la centaine de manifestant-e-s qui ont voulu occuper le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche aussi : embarqué-e-s au commissariat de police du XIe arrondissement. Même les matons ont goûté aux démonstrations de l’ordre. Pas question de revendiquer… Sinon !

Fichage, fouilles à nu, menottages, violences, tabassages, procès, amendes, gardes à vue abusives, utilisation du gaz lacrymogène, emprisonnement sans preuve… La liste s’allonge et les droits s’amenuisent. Et pourtant, d’après l’article 10 du code de déontologie de la police, « Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant. » Or dans la pratique, c’est une autre histoire.

« À vos ordres ? Le moins possible ! » écrit Maurice Rajsfus car « Qui dit ordre sous entend : commander, adjoindre, prescrire, intimer, sommer, menacer si nécessaire. Parler d’ordre, c’est surtout signifier obéissance sans discussion. On ne déroge pas aux ordres, sauf à être considéré comme un dangereux contestataire. En effet, ceux qui sont au pouvoir, et s’efforcent de ne pas le perdre, finissent par estimer indispensable de maintenir l’ordre qu’ils ont institué. À cette fin, il y a des forces de l’ordre, jamais réticentes pour réprimer ceux que les tenants de l’ordre désignent comme des émeutiers menaçants les institutions. Pour apporter une touche amère, constatons que, dans les dictionnaires, “ordre” se situe entre “ordonner” et “ordure”. » À vos ordres !! À vos ordres ? Jamais plus !

Le rapport annuel de la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) fournit une illustration de cet ordre du pouvoir en place en constatant ses multiples et inquiétantes dérives. Les pratiques brutales et les abus de la police se banalisent, notamment envers les mineurs, car «  la délinquance juvénile fait l’objet d’orientations de politique pénale de plus en plus répressives ». Et ce n’est pas tout, car l’on sait, avec l’affaire de Tarnac et l’emprisonnement de Julien Coupat, que l’État ne s’embarrasse guère des droits des personnes. « La stratégie policière fabrique tactiquement l’ennemi tel qu’elle le veut, de toutes pièces. Il ne s’agit plus de punir le coupable d’un méfait (ce qui, déjà, était inacceptable), mais de créer le méfait et son coupable pour criminaliser, effaroucher, désolidariser, et donc prévenir la grogne qui monte. »

Par ailleurs, « Le parti de l’ordre n’a nul besoin d’affirmer son honnêteté. Même si ses représentants sont de fieffés gredins arrivés en fraude au pouvoir. La forfaiture déguisée en volonté de moraliser la société devient une forme de civisme, et il est fortement recommandé de croire à cette sinistre fable. Peu importe les entorses au droit. Les hommes d’ordre n’ont que faire de cette démocratie formelle dont ils se proclament les hérauts. Ils ont délibérément choisi de mettre au pas des femmes et des hommes, lesquels se devraient de démissionner de leur libre-choix, et confier les clés de leur avenir à de dangereux autocrates pour qui la notion d’ordre prévaut sur celle de liberté. »

Une notion de l’ordre bien éloignée de celle d’Élisée Reclus quand il écrivait : « l’anarchie est la plus haute expression de l’ordre. »