Chroniques rebelles
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Deux documentaires : Entretien avec Smaïn d’Anna Pitoun et Choron, Dernière de Pierre Carles et Éric Martin
Samedi 5 décembre 2009
Article mis en ligne le 6 décembre 2009
dernière modification le 11 décembre 2009

par CP

Entretiens avec Smaïn. Cité Pablo Picasso, documentaire d’Anna Pitoun

Où l’on reparle du journal bête et méchant, Hara Kiri et de Charlie Hebdo, première version, celle de Choron… Oui, première version, parce que la seconde… Laisse tomber !

Choron Dernière. Vie et mort du professeur Choron et de Charlie Hebdo, documentaire de Pierre Carles et Éric Martin (1h38) qui part des années 1960, à l’époque de la création de Hara Kiri par Cavanna et Choron, créatif et incontrôlable (tant mieux !), puis de Charlie Hebdo. Le film commence avec une émission de Pollack, où les invités créaient parfois quelques remous salutaires qui n’existent plus guère maintenant dans un univers la plupart du temps convenu.

Avec Éric Martin, co-réalisateur avec Pierre Carles de Choron Dernière. Vie et mort du professeur Choron et de Charlie Hebdo.

Entretiens avec Smaïn. Cité Pablo Picasso, documentaire d’Anna Pitoun

On se souvient du documentaire Kings of the World, coréalisé par Anna Pitoun, Valérie Mitteaux et Rémi Rozié qui sont venus nous en parler dans les Chroniques rebelles. Une road Movie pas comme les autres, tournée aux Etats-Unis pendant
les élections présidentielles de 2004.

Aujourd’hui, Anna Pitoun revient avec un documentaire, Entretiens avec Smaïn. Cité Pablo Picasso.

Le film commence sur des images de la banlieue, des tours posées là, comme dans un jeu de cubes. Le décor est planté, très graphique et, en même temps, artificiel et presque angoissant.

Intérieur jour. Smaïn est devant la télé, chez lui.
Il regarde l’objectif et raconte son enfance dans une cité provisoire, rue Gutenberg,
à Nanterre, où il est né. Enfant d’une famille nombreuse, le père marocain. Il décrit
la vie dans cette banlieue, le déménagement à la cité Pablo Picasso, la baignoire et le confort après la cité provisoire… Et puis le racisme, le rejet des Français dans la cité : « ils voulaient pas de nous, ils disaient qu’on était sales, ils ont fait une pétition
pour qu’on se tire. Au final, c’est eux qui se sont tirés.
 »

Les années d’adolescence, l’absence d’intérêt pour les cours et les filières qu’on lui propose, l’échec scolaire, puis le deal au pied des tours, les parents désemparés, le chômage, la drogue qui tue les frères, l’absence de projet, de futur, la violence, la prison.

La prison où il se révolte contre la fatalité de l’enfermement. Pas question de s’enfermer lui-même dans une spirale de la destruction, comme si naître fils d’immigré et en banlieue ne pouvait qu’aboutir à la taule, être victime du sida
ou bien de la violence.

Aujourd’hui, il est « intégré », comme on dit, dans le monde du travail, il a même obtenu une certaine reconnaissance… Mais les espoirs et les rêves ? Smaïn, lucide, analyse sa vie, son environnement et les règles d’une société inégalitaire…
Une chose est certaine : « Ça n’ira pas de mieux en mieux. »

Choron, Dernière. Vie et mort du professeur Choron et de Charlie Hebdo Documentaire de Pierre Carles et Martin

Le professeur Choron ? Tout le monde le connaît ? Je ne sais pas, mais en tout cas, il semble bien qu’il en dérange encore plus d’un. Alors, faut le gommer, l’oublier — « c’est pas un artiste », « c’était le financier de Hara Kiri et Charlie Hebdo, c’est tout » et en plus un « mauvais gestionnaire ». Ah bon ! Il ne faisait pas partie des «  créateurs » ?

Et pourtant, difficile d’igorer cette Une géniale de Charlie dont il est l’auteur,
« Bal tragique à Colombey : 1 mort », Une qui a choqué les bien pensants et fait éclater de rire la majorité des autres. Il fallait oser !

Le Charlie hebdo, nouvelle mouture, n’est pas du même tonneau.
Alors finalement, en minimisant le rôle de Choron, parfois d’ailleurs avec une mauvaise humeur qui transpire à l’image — on dit à Carles et à Martin, qu’ils ont des « questions cons » et toujours les mêmes ! —, alors en oubliant ce type imprévisible et « sulfureux » qu’est Choron, on passe à la trappe son caractère subversif et iconoclaste.
Il faut dire que les règlements de compte et la hargne de Philippe Val ne
sont guère télégéniques ou cinématographiques, bref la mauvaise humeur
et l’agacement aigre a du mal à passer à l’image et au son. Et, c’est même assez pathétique !

« Bal tragique à Colombey : 1 mort » Mauvais goût ont dit les détracteurs ! Ben quoi, Choron était fidèle au principe "bête et méchant" d’Hara Kiri,
non ?

Et puis, il faut voir les journaux grand public qui sont autrement choquants lorsqu’ils titrent sur des milliers de morts à la Une pour vendre la gazette. Alors quoi, on ne pourrait plus rigoler des politiques ? Question de respect devant la mort ? Moi j’dirais plutôt question de hiérarchie ! Comme l’explique Choron dans le film, le journal a choisi ce titre en couverture à la suite d’un accident dans un night-club où les morts avaient été nombreux en raison du manque d’accès de secours. Alors, la mort de de Gaulle (de vieillesse) qui avait traité de chienlit cette population qui dans la rue en 1968 rêvait de liberté et clamait la grève générale… La chienlit, c’était lui ! C’est bien connu !

Dans le film, Choron on le suit jusque dans son village. Les deux premiers tiers du film sont passionnants, avec des moments qu’on aime à se remémorer, où le professeur, incontrôlable, secouait les idées consensuelles. Et puis les vidéos façon pubs, la machine enculeuse d’arracheuses de betteraves, l’aveugle qui travaille le bois… Pour une fois, on rigolait de la société marchande.

Si le rire tue, ce documentaire de Pierre Carles et Éric Martin ne vous loupe pas : alors accrochez-vous, ça va tanguer du côté des zygomatiques !
Et puis, si vous n’avez pas vu Choron dernière, piquez le DVD, il sort le 7 décembre !

http://tadrart.com/tessalit/choronderniere/site/choronderniere/lafranceendeuil.html