Chroniques rebelles
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L’intelligence du Barbare de Maurice Rajsfus (éd. Monde Libertaire) et les Éditions du Monde Libertaire
Samedi 20 mars 2010
Article mis en ligne le 20 mars 2010

par CP

Avec Maurice Rajsfus

et Patrick Schindler
pour les éditions du Monde Libertaire

Le barbare, c’est qui ? Le nervi du coin qui se sent investi d’une mission ? Son double qui défend les intérêts du patron ? Celui qui dénonce son voisin ou sa voisine sur l’air de je-suis-un-bon-patriote ? Ou ceux qui-se-foutent-pas-mal de la misère des autres ? Ou encore ceux et celles qui disent « la garde à vue… c’est qu’ils ou elles ont certainement quelque chose à se reprocher ! » Et les autres qui détournent les yeux de la misère dormant sur le trottoir ! On meurt de froid en hiver, en France, et c’est banal ! L’allégeance domine dans notre société, le barbare le sait bien et il en profite !

L’intelligence du barbare de Maurice Rajsfus est un texte de réflexions sur la barbarie. Le titre fait référence au groupe Socialisme ou Barbarie, « créé en 1946 au sein du PCI par Cornelius Castoriadis et Claude Lefort, [qui] évoquait l’existence en URSS d’une véritable classe bureaucratique ayant détourné la Révolution à son propre profit. » Et Maurice Rajfus a fait partie de ce groupe à partir de 1948.

L’intelligence — ou l’habileté — du barbare ne s’analyse pas aujourd’hui sans porter un regard en arrière sur une « filiation » qui, si elle n’est pas voyante, n’en est pas moins là. Le barbare est présent, toujours, mais n’est pas forcément encouragé par le pouvoir, c’est selon une conjoncture de tension, une crise… Et voilà qu’il se multiplie, ou plutôt qu’il baisse le masque.
Le témoignage de Joseph Kessel sur la montée du national-socialisme en Allemagne montre que les parallèles entre aujourd’hui et les années 1930 sont à prendre en compte :

« Quand la haine est arrivée à ce point, la vie humaine ne compte plus. […]
Il ne donnait aucun programme. Tout n’était qu’appel aux instincts les plus primitifs : “Nous allons faire de l’Allemagne le plus grand pays. Nous allons démolir les juifs. Et c’était là l’accent principal. Dès que l’attention fléchissait, aussitôt l’orateur commençait à faire de l’antisémitisme et son succès était immense. »

Les barbares sont de retour et on leur tend complaisamment le micro pour les entendre dire leur déception d’avoir voté Sarkozy en 2007, parce qu’ils pensaient que « les bateaux repartiraient en Algérie avec les immigrés ». Tirade on ne peut plus claire quant à la barbarie de ceux et celles qui la prononcent.

« Tant d’années après la rafle du Vel’d’hiv’ — et de celles qui allaient suivre — nous trouvons toujours des policiers et des gendarmes disponibles pour harceler les familles de sans-papiers, aux fins d’expulsions, souvent
violentes.
 »

Mais qu’est-ce qui fait que des personnes choisissent de faire subir des violences à d’autres êtres humains ? L’expérience de Milgram en 1961 pour mesurer le degré de soumission à l’autorité — reprise dans le film d’Henri Verneuil, I comme Icare, et dans une émission récente de télé réalité —arrivait à une conclusion qui porte à réflexion. À la question « Dans le cas d’un génocide. Quand un tyran décide froidement de tuer cinq, six millions d’hommes, de femmes, d’enfants, il lui faut au moins un million de complices, de tueurs, d’exécuteurs. Comment arrive-t-il à se faire obéir ? » Réponse : « En morcelant les responsabilités. Un tyran a besoin avant tout d’un état tyran, alors il va recruter un million de petits tyrans fonctionnaires qui ont chacun une tâche banale à exécuter. Et chacun va exécuter cette tâche avec compétence et sans remords. Car personne ne se rendra compte qu’il est le millionième maillon de l’acte final. Les uns vont arrêter les victimes, ils n’auront fait que de simples arrestations. D’autres vont conduire ces victimes dans des camps, ils n’auront fait que leur métier de conducteurs de locomotives. Et l’administrateur du camp en ouvrant ses portes n’aura fait que son devoir de directeur de prison. Bien entendu on utilise les individus les plus cruels dans la violence finale. Mais à tous les maillons de la chaîne, on aura rendu l’obéissance confortable. »

C’est ça l’origine de la Barbarie ? Obéir, ne plus penser ? Car, pour le pouvoir, penser et se révolter peuvent conduire aux pires débordements.

Rencontre entre deux émissions (Chroniques syndicales et Chroniques rebelles) Maurice Rajsfus, Patrick Schindler, Hugues Lenoir, Henri Simon dans le studio de Radio Libertaire.

Maurice Rajsfus et Henri Simon

Les éditions du Monde Libertaire