Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Aisheen (Chroniques de Gaza), Aisheen (Still Alive in Gaza). Film documentaire qataro-suisse de Nicolas Wadimoff
Christiane Passevant
Article mis en ligne le 3 octobre 2010
dernière modification le 23 décembre 2011

par CP

Dans une oliveraie ravagée par les bombardements [1], des Palestiniens ramassent du bois… Ce qui reste d’oliviers centenaires. « Pour retrouver les oliviers, il faudra attendre des générations », remarque le père qui, découragé, conclut, « je ne sais pas par où recommencer notre vie. » S’adressant à ses fils, il ajoute, devant le champ dévasté, « quand je pense que votre grand-père était malade lorsqu’au cours d’un orage une branche de ses oliviers était abîmée ! »

Sous une tente, autour d’un feu, une sonnerie de portable. C’est un message israélien, enregistré, qui offre une récompense contre des informations concernant le soldat israélien retenu en otage à Gaza, Gilad Shalit.

Cette séquence du film de Nicolas Wadimoff résume à elle seule le désespoir des habitants de Gaza que les différents gouvernements israéliens ont souhaité voir disparaître ou « sombrer dans la mer » comme le rêvait Itzhak Rabin. Gaza, prison à ciel ouvert et paysage de décombres [2], pour reprendre le titre du court métrage du cinéaste palestinien, Abed el-Salam Shehada.

Gaza supposée se révolter contre le résultat des élections de 2006 qui a vu la victoire du Hamas pour gérer cette bande de terre, l’une des plus peuplées de la planète (plus d’1,4 million habitant-es). Gaza qui subit un blocus inhumain, une punition collective qui touche la population civile et la prive de denrées, de soins, de matériel de première nécessité. Un accord tacite entre Israël et l’Égypte ferme les points de passage vers l’extérieur, Erez Check-point et Rafah. Il ne s’agit plus de les faire partir ces Palestinien-nes, mais de les étouffer à petit feu sans qu’il y ait condamnation internationale unanime du blocus, notamment de la part du gouvernement états-unien d’Obama qui reste, sans le dire ouvertement, sur les mêmes positions des gouvernements précédents de soutien inconditionnel à l’État d’Israël. La population palestinienne, on la plaint beaucoup, ça ne coûte rien de pleurer sur la souffrance des enfants et de déplorer les bombes au phosphore utilisées lors de l’opération Plomb durci. Plomb durci : un nom de circonstance pour le cynisme décomplexé de l’occupant. Tout se passe comme si la population palestinienne devait rester dans cette situation invraisemblable et jouer son rôle convenu de victime, victime à blâmer évidemment.

Aisheen signifie « toujours vivants »… Le documentaire montre un décor en ruines qu’on ne peut reconstruire puisque tout manque, le blocus est là, à chaque instant. Poste frontière égyptien de Rafah : quelques familles tentent de passer la frontière, pour des soins médicaux. Un refus sans appel leur est imposé. Beit Hanoun : un gamin, touché par un drone, raconte le déferlement des bombes et la mort d’un ami lors des bombardements de l’attaque israélienne de 2008-2009. Hôpital Al Shifa : une mère est au chevet de son bébé touché par une bombe au phosphore, entre la vie et la mort. La réalité de Gaza est là, tout au long du documentaire de Nicolas Wadimoff et laisse libre une parole désespérée, révoltée, accablée…

Aisheen, « toujours vivants »… Deux jeunes pêcheurs tentent de récupérer quelques poissons dans les filets, mais ne rentrent qu’avec un poisson. Il leur est interdit de pêcher au large sous peine de se faire tirer dessus. Sur la plage, une baleine est échouée, tuée par des roquettes. « S’ils le pouvaient, ils tueraient même les fourmis » commente l’un des témoins.
Les distributions de l’aide alimentaire se font dans une cohue. Les gens s’écrasent devant le guichet. Le zoo… Les animaux sont nourris de graines d’oiseaux car il n’y a que ça pour le moment. Un zoo misérable, lui aussi bombardé, le lion est mort de maladie faute d’être soigné et est empaillé près du singe surnommé Sharon qui s’énerve dans sa cage. Comment imaginer un lieu protégé dans cette bande de terre surpeuplée ? Comment les civils pouvaient-ils/elles échapper aux bombardements lors des attaques de l’opération Plomb durci ? Sur la balancelle du zoo, trois jeunes devisent amèrement, « si nous ne sommes pas éduqués, nous serons des moudjahiddines ! », dit l’un d’eux, d’ailleurs « les Juifs ne veulent pas que l’on soit éduqués », et son voisin de conclure, « on désespère d’avoir des rêves ».

Des bombes, à nouveau dans la zone des tunnels, sous les serres.

Au centre de loisirs, deux clowns parlent des raids aériens et tentent d’exorciser les peurs et les traumatismes des enfants. Les valeurs de la vie humaine sont-elles les mêmes vis-à-vis des Israélien-nes et des Palestinien-nes ? Sont-elles les mêmes concernant les occupant-es et les occupé-es ? Il apparaît que non en voyant les images de Nicolas Wadimoff, les visages et en écoutant les témoignages. Une adolescente raconte la mort de sa mère fauchée par une bombe, presque sous ses yeux, dans sa maison. Il faut pouvoir vivre avec la mort et la menace des bombes au phosphore, apprendre à ouvrir le larynx pour permettre à la victime de respirer. Le grand-père dit alors à sa petite fille : « Si l’être humain perd l’espoir, il perd la vie. »

Des rappeurs gazaouis enregistrent, des paroles subversives… Une émission de radio à Gaza et le chanteur évoque liberté individuelle. On ne peut s’empêcher de penser qu’il est dommage que cet aspect de la résistance ne soit jamais abordé dans les médias internationaux.
Un parc d’attractions détruit en partie par les bombardements de 2008-2009. La cité des fantômes se dresse comme un décor anachronique et figé. Il n’y a plus de pièces de rechange, alors il faut trouver des moyens pour remettre en marche les manèges explique le responsable du parc. Le manège démarre. Vue panoramique de la plage et de la ville de Gaza.
Aisheen, « toujours vivants »… Un documentaire à voir absolument pour saisir la situation d’une population enfermée. Mais quels sont les enjeux pour les puissances internationales de prolonger ainsi un état de fait ? C’est quand la fin du cauchemar ?


Dans la même rubrique

This is my land
le 5 octobre 2015
par CP
Rendez-vous à Atlit
le 5 octobre 2015
par CP
On récolte ce que l’on sème
le 5 octobre 2015
par CP
Our terrible Country
le 5 octobre 2015
par CP
Yamo
le 4 octobre 2015
par CP