Chroniques rebelles
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Cinéma et luttes de libération
Samedi 9 octobre 2010
Article mis en ligne le 6 décembre 2010
dernière modification le 10 octobre 2010

par CP

Cinéma et luttes de libération

Avec Hélène Fleckinger

Carole Roussopoulos (1945-2009) est réalisatrice et militante féministe d’origine suisse. Elle a vécu et travaillé à Paris pendant près de trente ans puis est revenue s’installer en 1995 dans le Valais, près de Sion.

Carole Roussopoulos Caméra militante. Luttes de libération des années 1970

(MētisPresses Collection PLANSécant)

http://www.carole-roussopoulos.com/

Réalisatrice militante, Carole Roussopoulos est à la fois une pionnière et une figure emblématique du cinéma documentaire de la fin des années 1960 et du début des années 1970, période qui voit la contestation de toute une société, l’ampleur de l’engagement féministe, et l’arrivée d’un nouvel outil pour témoigner des luttes : la vidéo. Carole est l’une des premières, sinon la première à se saisir d’une caméra pour descendre dans la rue, elle est de toutes les luttes. Elle fonde, avec son compagnon Paul, le premier groupe vidéo, « Vidéo Out », pour se faire l’écho de « la parole des autres, celle que l’on n’entend jamais », celle des opprimé-es et des exclu-es que les médias ignorent.

Dans un DVD sont rassemblés six des nombreux films de Carole Roussopoulos. Films tournés au cœur des luttes de libération, ouvrières, homosexuelles et féministes. Ces films, qui font preuve d’une grande créativité et liberté, illustrent parfaitement la possibilité de témoigner — hors de toute hiérarchie, du cadre administratif et corporatiste —, la possibilité aussi de faire du cinéma documentaire sur le terrain, directement en prise avec les luttes, dans les luttes. Ces documents uniques sont accompagnés d’une série d’articles portant sur la pratique et les usages militants de la vidéo, dont Carole Roussopoulos est une représentante majeure.

Carole a disparu en décembre 2009, mais elle nous laisse une œuvre impressionnante dont son film, Debout ! Une histoire du mouvement des femmes, qui est document essentiel sur « un volet de l’histoire du mouvement féministe en France et en Suisse des années 1970 à 1980 à travers les témoignages d’une vingtaine de femmes suisses et françaises ayant participé à la naissance de ce mouvement. »

Ce film, qui raconte une lutte longue, dure et joyeuse, est aussi la preuve que révolution et fête vont bien ensemble. Debout ! Une histoire du mouvement des femmes est disponible en DVD.

n°22-23 de la revue Documentaires consacré à “Mai 1968 : Tactiques politiques et esthétiques du documentaire”

Coordonné par Hélène Fleckinger et David Faroult

Les commémorations du 40e aniversaire de mai 1968, comme les précédentes, ont été l’occasion de mesurer où nous en sommes à l’égard du projet d’une émancipation radicale, universaliste et égalitaire. Nicolas Sarkozy, un an plutôt, avait activé l’antagonisme en réclamant que soit "liquidé" l’héritage de mai. Cela a plutôt eu pour effet d’inciter la revue à un vaste inventaire, l’amorce d’un bilan encore à venir de "l’évènement mai 68".

N’y a-t-il pas déjà, dans cette antagonisation de la relation à 68 une bonne nouvelle : si les plus hautes instances étatiques du présent peuvent faire de la "liquidation de l’héritage de mai 1968" une tâche centrale de l’heure, c’est bien que cet héritage est toujours actif, toujours menaçant pour les nanti-es ? "Mai 68" serait-il le nom actuel du "spectre" qui, depuis si longtemps déjà , "hante l’Europe" ? Inversement, n’y a-t-il pas une fétichisation de "mai 68" qui tend à le dépolitiser et le vider de ses enjeux pour nous aujourd’hui ?

La revue veut ici tenter un effort de réappropriation de cet héritage décrié, dont les ennemi-e-s même leur enseignent à quel point il compte. Quelles leçons, encore fécondes, 68 nous a-t-il léguées, spécifiquement dans le champ des cinémas documentaires ?