Chroniques rebelles
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Samedi 22 septembre 2007
L’Exciseuse, Natacha Henry et Linda Weil-Curiel
Entretien avec Hawa Gréou (City éditions)
Article mis en ligne le 20 décembre 2007
dernière modification le 21 décembre 2007

par CP

L’Exiceuse , de Natacha Henry et Linda Weil-Curiel, est un entretien à trois voix avec le bourreau, avec celle qui torture et mutile au nom de coutumes ancestrales et d’une religion fantasmée.

C’est aussi l’histoire d’une lutte contre l’indifférence de la justice occidentale. Une lutte de longue haleine de Linda Weil-Curiel contre des pratiques qui sont la métaphore violente et insupportable de l’oppression des femmes.

« Comment faire comprendre à l’institution judiciaire que c’est un véritable drame, que ce n’est pas anodin si une petite fille est excisée, qu’on ne peut pas laisser passer une chose pareille sous prétexte que les parents invoquent leur religion, leurs coutumes, leurs traditions ?
Les magistrats voyaient cela comme une blessure qui avait cicatrisé ! Ils devaient comprendre que c’est une mutilation et que tous les enfants, quelle que soit leur origine, sont égaux. « On n’aurait pas autorisé qu’une jeune Blanche soit ainsi amputée. On ne devrait donc pas le tolérer pour les petites Noires. » Et là, on soulève également le problème du racisme, la justice a longtemps fermé les yeux sur les souffrances et la mutilation des petites filles "indigènes", comme l’on disait du temps des colonies.

1982, la petite Bintou, bébé de trois mois, est amenée aux urgences après une grave hémorragie provoquée par une excision. L’enfant meurt, vidée de son sang. Un père fait exciser sa petite fille à l’insu de la mère. La mère porte plainte. C’est une condamnation avec sursis bien que Linda Weil-Curiel ait fait appel de la sentence : « S’il avait volé un poulet dans une boucherie, il aurait facilement pris trois mois fermes ! »

Une question est posée à Madina Diallo, présidente de l’Association femmes intercultures :
« — Ces procès à répétition contre les parents ne vous paraissent-ils pas scandaleux ?
Elle répond :
— Ce qui est scandaleux, c’est que des enfants soient mutilées.
 »

L’excision est un crime et celles qui le subissent sont condamnées au silence. Le sujet est tabou. Les victimes ignorent les origines de cette coutume barbare. « C’est un réseau de mythologies destinées à permettre de contrôler la sexualité de la jeune fille et de la femme. » « Ça calme les femmes ! » dit l’un des accusé-e-s. « Pas d’excision, pas de mari ! » déclare l’exciseuse.

L’excision, c’est la torture pour l’enfant, le déni du plaisir féminin, les complications gynécologiques, les maladies, la douleur, la stérilité et la mort. « L’excision du clitoris, l’ablation des lèvres, correspondrait, chez l’homme, à la section de la verge. »

Les témoignages sont bouleversants :
« Elle criait, je l’entends encore. » Quinze ans plus tard !
« — Vous avez eu mal ? demande la présidente.
— Oui, très mal. Je n’arrivais plus à marcher, pendant plusieurs jours.
— Avez-vous ressenti une mutilation ?
— Oui avec un rasoir. J’ai le souvenir d’un plastique mouillé. Moi, par terre, les jambes écartées. Quand on veut opérer un enfant, on ne fait pas comme ça. Ça s’est fait de manière barbare, c’est de la barbarie. J’ai vécu ça pendant des années et c’est à la lecture des journaux que j’ai compris ce que c’était et les conséquences que ça pouvait avoir sur la vie et sur moi.
 »

« Mes filles, je ne les ferai jamais exciser. Je ne leur ferai pas subir ce qu’on m’a fait subir jusqu’à ma mort. »

La mutilation est toujours un crime et « Il n’y a pas de culture quand il y a violence, inégalité, offense à l’intégrité, à la dignité. »

CP