Chroniques rebelles
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Samedi 15 septembre 2007
Théâtres en lutte. Le théâtre militant en France des années 1960 à aujourd’hui
d’Olivier Neveux (La Découverte)
Article mis en ligne le 20 décembre 2007
dernière modification le 21 décembre 2007

par CP

Théâtres en lutte  : très beau titre pour un ouvrage qui — en décrivant un théâtre de participation, un théâtre qui revendique et œuvre pour l’émancipation — traverse l’histoire officielle et surtout l’histoire officieuse, celle des gens, l’histoire vécue sur le terrain.
Car le théâtre militant accompagne les luttes, les anticipe parfois, ou bien encore les regarde à travers le prisme de la mémoire et de l’engagement…

Théâtres en lutte. Le théâtre militant en France des années 1960 à aujourd’hui d’Olivier Neveux est l’histoire passionnante des formes théâtrales volontaires, innovantes, engagées, révolutionnaires tout au long d’une période de profonde remise en question de la société, et donc de la culture.

Si le « théâtre militant n’est pas un genre en soi », on peut se demander si le théâtre a jamais cessé d’être politique.
« Ce que le théâtre peut montrer de plus émouvant est un caractère en train de se faire, le moment du choix de la libre décision qui engage une morale et toute une vie. » Jean-Paul Sartre — 1948 — Qu’est-ce que la littérature ?

Dans Théâtres en lutte , ouvrage remarquablement documenté, Olivier Neveux pose les questions qui animent le théâtre militant et en particulier celui des cinquante dernières années. Quelle est la fonction sociale du théâtre ? Comment articuler théâtre et militantisme ? Questions qui rebondissent sur d’autres interrogation sur l’engagement militant artistique ou artistique militant : quelle est la portée du théâtre militant sur les mouvements sociaux et la société en général ? Comment garantir son indépendance ? Quelles sont les voies de la censure ? Politique ?
Économique ? Quelles sont les conséquences de la réforme du régime des intermittents sur le théâtre ?
Des questions débattues et même jouées par ceux et celles qui font ce théâtre.

André Benedetto propose un théâtre militant évolutif sur le combat dans Les Intermittents ressuscités (ou jouer pour montrer l’impossibilité de jouer et faire ainsi de l’obstacle le passage) :
« Ah oui du vrai théâtre, avec un thème fort, fondé sur la mémoire commune d’un événement en cours, une dialectique collectif-individuel de ces gens allongés qui se lèvent pour jouer, un chœur qui ponctue et agrémente les scènes, des vrais personnages tirés du réel et transposés à la scène avec humour mais sans méchanceté. Chaque représentation était suivie d’un débat passionnant avec tout le public, avec des spectateurs vivant cette crise aussi fortement que les gens de théâtre. »

Théâtre de rue, agit-prop, hors de la scène, dans la salle et happening… les formes se croisent, s’opposent et se complètent dans la revendication, l’humour, la volonté d’émancipation, la prise de conscience, la harangue comme le clown Kergrist qui, à Millau, apostrophe les militants : « On vous donne le MacDo, vous voulez la terre. On vous donne le Coca, vous voulez l’eau. […] Et quoi encore ? Il faudrait quand même accepter quelques bornes, sinon y a plus de limites. Vous allez finir par demander Dieu, alors que vous avez déjà Jack Lang ! »

Le théâtre ironise et le théâtre secoue :
« Le respectable bourgeois s’effarouche déjà quand il entend le terme d’agit-prop […] Sa peur devient panique quand l’abréviation est complétée et révèle un théâtre qui veut faire de l’agitation et de la propagande. Eh ! C’est encore pire que le théâtre politique. »
Le théâtre militant, le théâtre de l’émancipation, le théâtre libertaire… Un art de l’impossible ? Ces théâtres en lutte que l’on aime, c’est aussi « Connaître le fonctionnement de ce monde pour en renverser l’ordre ».

CP