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Clio et les Grands-blancs. La décolonisation inachevée de Jean-Pierre Biondi (Libertalia)
Samedi 26 mars 2011
Article mis en ligne le 26 mars 2011

par CP

Clio et les Grands-blancs.

La décolonisation inachevée de Jean-Pierre Biondi (Libertalia)

Avec l’auteur et les éditions Libertalia.

Qu’est-ce que l’anticolonialisme  ?

« Si les formes les plus archaïques de la colonisation sont en voie de disparition, le pouvoir « grand-blanc » (du nom des esclavagistes au XVIIIe siècle) persiste dans une nouvelle séquence historique, le postcolonialisme. À l’évidence, l’obtention des indépendances, fruit de longues luttes, n’a pu réaliser la décolonisation.

Cet échec laisse derrière lui des populations déboussolées et poussées à l’exil par le sous-développement. Ici comme là, la reconnaissance identitaire et une redistribution mieux équilibrée des richesses interpellent la domination séculaire des Grands-Blancs. La décolonisation est à achever.

Ce livre est le fruit d’une vie de réflexion et d’action. Un long chapitre (« Stèles pour des anticoloniaux en France ») rend hommage aux avocats, aux journalistes, aux enseignants, aux militants oubliés qui ont lutté toute leur vie contre le colonialisme et l’ordre impérial. »

Historien, journaliste (Combat, Franc-Tireur, ORTF), militant anticolonialiste né en 1929, Jean-Pierre Biondi a été le témoin direct de la décolonisation au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Il est l’auteur de plusieurs essais dont 16 pluviôse An II. Les colonies de la Révolution (Denoël, 1989) et Les Anticolonialistes. 1881-1962 (Robert Laffont, 1992), ainsi que d’une étude sur Léopold-Sédar Senghor (Denoël, 1993) auprès duquel il a travaillé.

Le colonialisme est un système social et politique basé sur l’exploitation et la domination. En Algérie, en Tunisie, au Maroc, en Afrique, en Indochine, partout la colonisation s’est traduite par la spoliation des populations, par la confiscation de terres collectives, par le travail obligatoire, la famine, l’oppression, l’humiliation, le travail des enfants, la torture et les massacres, tout cela pour du profit. « Le fait colonial a été, de tout temps […] l’affaire de cénacles politiques et de lobbies financiers ».

La propagande a toujours été bon train pour décrire les « mœurs arriérés » des populations colonisées, pour occulter leur histoire et vanter l’œuvre civilisatrice des puissances coloniales. En France, le racisme d’État a été théorisé et institutionnalisé par le code de l’indigénat dont les dispositions répressives furent appliquées, notamment en Algérie, jusqu’en 1945. Alors, on peut s’interroger sur les attitudes, les mots, les comportements encore imprégnés de la législation coloniale qui imposait aux colonisé-es un statut de sujets. Quelles sont en effet les traces laissées par la colonisation et sa doctrine politique, le colonialisme, dans la culture et les mentalités ?

Le pouvoir « grand-blanc », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Biondi, persiste avec le postcolonialisme. « Hier, le colonisateur se faufilait derrière ses enfumades idéologiques (races supérieures et/ou mission civilisatrice). Ses successeurs désormais brandissent l’évangile démocratique assorti du droit d’ingérence. »

Les indépendances seraient donc un leurre et la colonisation continuerait sous d’autres formes. On s’en était aperçu. C’est ce leurre que l’auteur de Clio et les Grands-Blancs analyse en constatant que «  la vision ethnocentriste n’a pas beaucoup changé. L’Occident n’est pourtant plus le seul moteur de l’humanité », écrit-il, mais « Sur le vote des immigrés, sur le phénomène des ghettos, aliment de l’intégrisme, sur le sort des sans-papiers ou la situation des harkis, sur la résolution du problème des banlieues, sur l’échange avec les “pays du Sud” ou sur la place de l’altermondialisme, la social-démocratie française (et européenne) ne dégage aucune ligne claire. »

Clio et les Grands-Blancs. La décolonisation inachevée de Jean-Pierre Biondi est un retour sur les luttes pour les indépendances, pour lesquelles l’auteur donne des repères. Il revient également sur les actions et les engagements militants de la résistance anticoloniale [1], de même il développe une réflexion qui met en évidence la nécessité de poursuivre la lutte contre le colonialisme :

«  Je m’en tiens, actuellement, aussi bien dans l’opposition aux assauts impérialistes en Irak, en Afghanistan et ailleurs que dans la défense des droits des Palestiniens, à l’idée que le colonialisme est à combattre dans la continuité, y compris sous ses masques constamment renouvelés. »

Plus que jamais, « l’émancipation des peuples ne peut être que l’œuvre des peuples eux-mêmes. »

TRAVAILLEURS, VOS PAPIERS !

de Iana Mar (collectif)

« J’ai dit une fois à un flic : "Moi je paye des impôts, l’État vous paye, mais vous m’emmerdez. Ça veut dire que vous travaillez pour moi !" Il a rigolé et a répondu : “C’est les politiques…” On est sans papiers, mais on est des êtres humains. Enlève ta tenue, on est tous pareils, mon frère ! T’es au service de l’État, c’est ça la différence. »

Les grèves des travailleurs sans papiers des dernières années ont été l’occasion d’un renversement de l’argumentation dominante. Ni misérables ni profiteurs, les grévistes clament leur intégration au salariat et révèlent toute la contradiction de leur situation illégale. Soumis aux formes les plus brutales de subordination, les sans-papiers développent une série de tactiques et de résistances dont l’action collective est le prolongement. À l’heure où les conflits sociaux sont mis à mal par une précarisation généralisée du salariat, la lutte de ces « précaires parmi les précaires » peut servir d’enseignement.

LES FORÇATS DE LA MER
Marins, marchands et pirates dans le monde anglo-américain, 1700-1750.

de Marcus Rediker

Dans cette étude de référence, publiée en 1987 par Cambridge University Press, Marcus Rediker défend que les marins du XVIIIe siècle ne sont pas des personnages romantiques ou exotiques, mais de simples prolétaires partant en mer, issus du premier groupe important de travailleurs ayant vendu leur force de travail aux capitalistes marchands, eux-mêmes au service de l’économie mondialisée.

Ils ont été au cœur du processus historique qui a radicalement transformé le monde. Leur travail a quadrillé le globe en structures de production, d’échange et de communication. Ils ont été, en plus de cela, au centre des conflits de classe qui ont émergé à partir du XVIIIe siècle et ont inventé la grève, qui deviendra l’une des armes les plus importantes du prolétariat mondial. Ils ont également relié diverses catégories de producteurs -  esclaves, domestiques, artisans - à travers l’espace et le temps.

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