Chroniques rebelles
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Partir, un point c’est tout de Veronica Vega (Christian Bourgois)
Samedi 26 novembre 2011
Article mis en ligne le 25 novembre 2011
dernière modification le 26 novembre 2011

par CP

C’est le titre du premier roman de Veronica Vega, qui fut longtemps animatrice du collectif Omni Zona Franca, groupe de poètes, vidéastes, performeurs, plasticiens, etc… Ce roman s’inspire de la vie à Alamar, ville de banlieue de La Havane, où est installé le collectif, pour dire le quotidien cubain, depuis les années 1990, la pénurie, les espoirs, mais aussi l’attente d’un futur qui semble ne jamais venir.

Partir, un point c’est tout est le premier roman de Verónica Pérez Vega. D’inspiration autobiographique, il n’est pas une autobiographie mais bel et bien un roman. Une auto-fiction ? Peut-être, mais collective : celle d’une famille déchirée, d’un cercle d’amis séparés, d’un pays dont les habitants sont disséminés de par le monde. Peu importe l’étiquette, en fait, car c’est par l’originalité et l’efficacité de son écriture que ce livre parvient à convaincre le lecteur. Sa force réside d’abord dans le fait que le témoignage personnel ne se borne pas aux frontières de l’intime.

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http://www.divergences.be/spip.php?article2714

Partir, un point c’est tout… Cela n’est pas simple de partir, ni de rester d’ailleurs. Partir, un point c’est tout de Veronica Vega est son histoire, ou plutôt leur histoire à ces personnes du quartier d’Alamar, à Cuba.

« Tous les chemins mènent à Alamar » qui « n’est pas une cité-dortoir, c’est
une île morte, sans ponts ni bateaux. ». Alamar, quartier mythique près de la Havane — à l’origine un projet mégalo —, fascinant dans sa déliquescence, finalement récupéré par un art populaire et libertaire, l’art de la débrouille
et « de l’arrache ». « On a construit à Alamar notre sol et notre ciel, une métaphore de cette ville… »

Partir, un point c’est tout, un récit en forme de journal, de carnet de bord d’un voyage immobile. Un découpage de film aussi. On dit que lorsque les moyens manquent, la créativité devient réactive et l’imagination se déchaîne… Peut-être, souvent, mais il arrive que, parfois, ce soit dans un mal vivre qui n’est guère stimulant…

« Y’a pas de plus bel endroit au monde que Cuba, mais y’a pas moyen d’y vivre », dit l’un des personnages. Un constat ? Un état des lieux : « Il s’est passé quelque chose, il y a longtemps, quelque chose qui a désarticulé le système, en a atrophié certaines pièces. […] Je n’avais pas du tout prévu cette suffocation, ce piège. […] S’échapper car on peut succomber à n’importe quelle nostalgie, courir sous cette lumière atemporelle où le présent, neutre, tamisé par un filtre, est une surface amorphe. Et interminable. »

Ne pas pouvoir se taire…

« — C’est si dangereux de dire ce qu’on pense ?

— Faut croire que oui.

(Peu importe si c’est une vibration qui n’est pas encore devenue matière.)
Partons du principe que les Cubains ont été rattrapés par le futur… Que tout ce que nous nommons change en se fichant bien de cette obsession : fixer, arrêter, ancrer (jusqu’aux rêves). »

« Nous savons et nous assumons ce que nous sommes, mais il faudra être capables de dialoguer en toute liberté, ne pas nous imposer des limites […] Notre génération propose la conciliation, une expérience qui tienne compte du sens civique et de la douleur des Cubains… »

Partir, un point c’est tout… Partir, puis écrire… « Je vais parcourir le monde, dans cet ordre : New York, Venise, Paris, l’Inde… Ensuite je me mettrai à écrire. »

Mais « tous les chemins mènent à Alamar », Alamar toujours en fond de récit. Alamar, métaphore d’une marginalité, d’un rêve enfoui, de la société cubaine, d’un système qui s’égare ?

« — Oui, j’ai peur ! Ça me fait mal, bordel : les institutions, la façon dont la culture est gérée, je vois tellement de gens qui doivent supporter cet appareil, et moi, JE NE VEUX PAS collaborer avec cette souffrance. »

Partir, un point c’est tout de Veronica Vega (Christian Bourgois)

Avec l’auteure et Daniel Pinos

Qui sème le vent

Fred Garson

ARTE 2 décembre à 20h40

Deux otages français au Niger. Une affaire presque banale, mais lorsque l’on apprend que ces deux otages participaient à une recherche concernant les conséquences de la radioactivité sur les maladies professionnelles qui touchent les populations du Nord du pays, que dans cette région se trouvent des concessions d’uranium accordées et exploitées par une société française pour une bouchée de pain, on comprend vite que la situation dépasse de loin la simple histoire de kidnapping par un commando avide de fric.

Je reprends donc, deux otages se retrouvent au milieu de tractations et de jeux de pouvoir qui vont bien au-delà des revendications des ravisseurs. Car, comme le dit l’un des « négociateurs », une rançon, ça se récupère.
En effet, la politique s’immisce immédiatement dans cette affaire d’otages avec la renégociation du contrat des concessions d’uranium, la demande d’augmentation de celles-ci par le gouvernement et les militaires nigériens, les ambitions de ces derniers, la lutte pour l’indépendance des rebelles Touaregs, de même que les liens établis par le système Françafrique et son légendaire mépris pour les anciennes colonies, sans oublier l’attente des autres puissances mondiales pour récupérer une part du gâteau… Et vous avez un film sur la raison d’état, la diplomatie aux ordres, l’inhumanité sur fond d’intérêts nucléaires.

Tourné dans le désert du Sahel puisque que le Niger est interdit de tournage pour cause de situation conflictuelle et de militarisation forcenée, Fred Garson offre avec Qui sème le vent un téléfilm courageux sur l’Afrique, les enjeux politiques et les liens étroits avec le monde de l’argent — le nucléaire en l’occurrence, c’est-à-dire 60 % de la consommation française —, et le colonialisme dont les retombées sont loin d’être effacées, ou oubliées. À budget minima, Fred Garson réalise un film ambitieux dans la veine de Constant Gardner de Fernando Meirelles (2005) ou de Syriana de Stephen Gaghan (2005), un film donc critique qui tente d’expliquer le dessous des cartes de tractations dont on ne connaît en général jamais rien. Personne n’est épargné du côté pouvoir, qu’il s’agisse des politiques ou des hommes d’affaires qui font montre de la même avidité et du même cynisme…

Enfin du cinéma ! Et à une heure de grande écoute ! Nous échappons pour une fois aux scripts mettant en scène des nombrils tourmentés et autres histoires de bourges qui se veulent distrayantes !

Qui sème le vent, Fred Garson

ARTE 2 décembre à 20h40