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Christiane Passevant
¡ Viva Mexico ! Film documentaire de Nicolas Défossé
Article mis en ligne le 31 janvier 2012

par CP

¡ VIVA MÉXICO !

Documentaire de Nicolas Défossé (Mexique - 2010 - 120 min)

Réalisé à partir de plus de 450 heures de rushes et après 4 ans de montage, ¡ Viva México ! est un voyage alternatif au Mexique, à la rencontre de la résistance, qui part de Los Angeles (États-Unis) pour ensuite rejoindre le Chiapas (Mexique) et parcourir plusieurs régions du pays durant six mois. Dans tous les états, dans toutes les collectivités, les luttes pour la terre et la liberté sont actives dans le Mexique actuel.
Et c’est cet autre visage du Mexique, ce portrait collectif du peuple en résistance que montre le film.

La fin du voyage est marqué par un événement dramatique annonçant le final, à la fois émouvant et porteur d’espoir, du film et de cette expérience inouïe que fut l’Autre campagne [1].

¡ VIVA MEXICO ! [2] le documentaire de Nicolas Défossé, montre la résistance actuelle et pose la question essentielle de ce qu’est devenue cette révolution dont on a célébré à grands frais, en 2010, le centenaire en même temps que les deux cents ans de l’Indépendance. Une célébration qui a choqué la population par ses dépenses fastueuses, en pleine crise économique, alors que la militarisation s’accroît et que la criminalisation des mouvements sociaux s’amplifie.

L’influence des Etats-Unis sur la société mexicaine est essentielle et c’est pourquoi le film commence à Los Angeles, avec les vendeurs à la sauvette mexicains, issus de l’immigration clandestine…

Pourquoi cette immigration ? Pourquoi atterrir sur les trottoirs de Los Angeles à guetter les flics ? Pourquoi vivre la galère et les humiliations ?
Le problème de l’immigration est sous-jacent à tous les témoignages recueillis dans le film. Les retards catastrophiques du pays en matière économique, sociale et démocratique y jouent certainement un rôle. L’autre axe, et sans doute le plus essentiel, c’est la résistance.

¡ VIVA MEXICO ! Portrait en mouvement du Mexique en résistance. De Los Angeles au Chiapas, un voyage différent, un autre regard sur le pays de Zapata et des frères Magon. Un voyage où l’on a sans cesse en mémoire la formule : Terre et liberté ! Tierra y Libertad !

Nicolas Défossé [3] : Notre intention était avant tout de célébrer cette capacité de résistance intacte et d’aller chercher des personnes, des associations, des organisations qui luttent aujourd’hui. C’était d’autant plus important, en 2010, de montrer ceux et celles qui luttent actuellement pour la terre et la liberté, dans le contexte du bicentenaire de l’indépendance du Mexique et du centenaire de la révolution mexicaine.

— Pourquoi le film commence-t-il à Los Angeles ?

Nicolas Défossé : Los Angeles est la deuxième ville, après Mexico, où vivent le plus de Mexicain-es. Et ils appellent cela parfois la “reconquête des territoires perdus”, puisque la ville fait partie des terres perdues au XIXe siècle. Il y a une très forte immigration mexicaine et latino-américaine aux États-unis. Et si j’ai fait ce film, ¡ VIVA MEXICO !, c’est aussi pour dire que l’identité mexicaine ne s’arrête pas à la frontière. Cette résistance culturelle est bien présente au cœur d’une mégalopole symbolique comme Los Angeles. De plus, il était important de montrer dans cette ville, tellement associée au cinéma, les gens qui dorment dans la rue, les flics qui coursent les petits commerçants ambulants… Pour aller à rebours des images habituelles sur Los Angeles. Et surtout parce que l’axe principal du film, la problématique, est la lutte pour la terre. Et dans les témoignages des personnes qui luttent pour la terre, il y a toujours comme horizon mental, si je puis dire, comme préoccupation, le drame de l’immigration vers les États-Unis ou vers des mégalopoles comme Mexico.

Donc commencer de l’autre côté de la frontière, c’était aussi parce que ce thème revient en filigrane tout au long du film, parfois de manière très explicite lorsque des personnes disent : “mais nous, on a pas envie de migrer ! Et on défend nos terres aussi pour ça”. Les conditions de migration dans les grandes mégalopoles sont très peu dignes alors que même s’ils/elles ont peu de choses, leur dignité est préservée. Ce qui est également défendu, c’est une relation à la terre qui ne soit pas marchande.

— Durant ce voyage et la rencontre avec ceux et celles qui résistent contre un barrage, l’implantation d’un aéroport, l’expropriation des terres, etc., la même préoccupation revient : c’est la terre qui est associée directement à la dignité.

Nicolas Défossé : C’est une autre relation à la terre, héritée pour une grande part du monde indigène, une autre relation à la solidarité, à la collectivité. Et peut-être que l’identité mexicaine se fonde sur ces notions indiennes, pré-hispaniques. Le Mexique a une position particulière, il est le pays le plus proche et le plus influencé par les États-Unis et la société de consommation, c’est le voisin direct et le catalyseur en quelque sorte de cette influence. Et, en même temps, c’est le pays où vivent encore les plus nombreuses populations indigènes, plus de soixante-dix peuples ont réussi à survivre à cinq siècles d’oppression constante. Aujourd’hui, la pression pour les terres n’a pas désarmé, parce que les projets liés à la politique néo-libérale reposent sur l’annexion de celles-ci. Ce n’est peut-être pas spécifique au Mexique, en revanche la capacité de réponse, l’intensité de la réactivité est très intéressante. Pour le film, nous avons recherché les personnes qui assumaient avec orgueil et fierté cet héritage d’un autre rapport à la terre et aux valeurs en général.

— La tournée de projections du film s’accompagne d’une exposition collective de photos, "La Otra Mirada" (l’autre regard), coordonnée par Adolfo López Magaña.

Adolfo López Magaña [4] : Les photos sont de dix des photographes qui ont suivi l’Autre campagne qui a duré six mois à travers tous les états du pays. J’ai partagé le même intérêt que Nicolas pour couvrir médiatiquement cette expérience. C’était une invitation collective faite à l’appel du délégué zéro, sous-commandant Marcos, aux médias libres et indépendants. Beaucoup de personnes ont répondus, dont nous deux. Nous avons diffusé l’information par Indymedia Chiapas et s’est alors posée la question de comment faire partager tout ce que nous avions récolté durant le parcours de l’Autre campagne, le matériel photo pour moi, et vidéo pour Nicolas.

Après l’Autre campagne, j’ai rassemblé les photo des différents photographes présents sur le parcours et c’est ainsi qu’est né le concept de l’exposition collective de photos, "La Otra Mirada" (l’autre regard). C’est notre persévérance qui nous a fait continuer. Nous avons alors décidé d’organiser ensemble une tournée, pas seulement pour un public militant, car l’important est de rompre les barrières imposées et d’aller à la rencontre des autres publics et notamment du public “non organisé”. L’exposition collective complète le film documentaire qui, même s’il dure deux heures, est incomplet puisque le voyage a duré six mois. L’exposition collective raconte d’autres histoires de résistance, d’autres visages de résistance, mais dans le même but de rendre hommage à ces résistances.

Nicolas Défossé : Nous avons organisé plus d’une centaine de projections-rencontres au Mexique et c’est grâce à l’enthousiasme que nous avons rencontré sur la tournée mexicaine, que nous avons fait le pari de venir en Europe, dans une dizaine de pays.

— Une tournée importante parce qu’il y a aussi les débats. Il faut dire à quel point votre travail à tous les deux apporte un éclairage bien différent de ce que l’on peut voir dans les médias autres qu’alternatifs.

Nicolas Défossé : Le traitement médiatique de ces résistances, de ces luttes n’est pas assuré par les grands médias, c’est pourquoi, l’appel s’adressait aux médias libres et indépendants. Les grands médias étaient là le premier jour, pour la photo de départ, et sont ensuite partis couvrir ce qu’ils appellent l’actualité du moment, c’est-à-dire les campagnes électorales. Il n’y a eu pratiquement aucun grand média qui a couvert le parcours et pourtant c’était une opportunité d’écouter un grand nombre de voix, de résistances dont on ne parle jamais. C’était une occasion incroyable de découvrir cet autre Mexique. Nous aurions pu choisir comme autre titre du film, le Peuple invisible.


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