Chroniques rebelles
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Frasiak et ciudad de Juarez, Miracles en Arménie de Laurent Firode
Samedi 10 novembre 2012
Article mis en ligne le 16 novembre 2012
dernière modification le 25 décembre 2012

par CP

CINEMED : Miracles en Arménie de Laurent Firode

Frasiak : Chroniques

Féminicides et impunité.

Le cas de Cuidad Juàrez

De Marie France Labrecque (écosociété)

En même temps que de son nouvel album qui a pour titre Chroniques, nous parlerons avec Frasiak d’un livre, Féminicides et impunité. Le cas de Cuidad Juarez de Marie France Labrecque. Éric Frasiak a consacré une chanson de son album à ces meurtres de femmes dans la ville de Juàrez, à la frontière du Mexique et des États-Unis. Une ville où les violences à l’encontre des femmes sont en progression depuis deux décennies. Les chiffres sont effrayants : massacres, tortures, mutilations de femmes pauvres, des ouvrières ou encore des étudiantes.

Cette chanson, Ciudad Juarez, Frasiak l’avait interprétée en direct, avant son enregistrement, lors de sa venue, l’année dernière, dans les Chroniques rebelles. Nicolas Mourer nous lira aussi des extraits du livre de Marie France Labrecque.

Mais tout d’abord, quelques mots sur le Festival international du cinéma méditerranéen qui a offert quelque 250 films au public du 26 octobre au 3 novembre dernier. Nous commencerons aujourd’hui avec un film, court métrage, de Laurent Firode :

Miracles en Arménie

Le décor : une route dans la région du Karabakh. L’histoire commence avec deux personnages : une touriste et son guide faisant le plein d’essence.
« Elle est courageuse d’aller là-bas » remarque le pompiste, sans commentaire du guide. La situation est en effet tendue dans la région ; la guerre est toujours là, larvée, avec ses champs de mines, ses zones tampons interdites et ses soldats.

Miracles en Arménie de Laurent Firode a ouvert le 34e Festival international du cinéma méditerranéen, annonçant d’emblée les caractéristiques d’une sélection exceptionnelle : fictions à la fois graves et oniriques, contes modernes ancrés dans une réalité conflictuelle mais truculente aussi, décalage des univers autour d’une Méditerranée plurielle.

Mais revenons à notre Candide partie à la recherche de souvenirs familiaux en Arménie, et totalement inconsciente des difficultés du voyage dans cette région sous tension.

Et, pour tout arranger, c’est la panne sur une route presque déserte. S’enchaînent alors la rencontre avec un homme du coin qui propose à la touriste, contre argent comptant, de libérer une colombe en faisant un vœu ; puis, après le passage en trombe d’une voiture qui ne s’arrête pas, un paysan les emmène dans sa charrette. Parallèlement, on suit l’unique voiture dans laquelle se trouve un homme odieux et violent, nouveau riche, qui veut acheter à tout prix une église en ruine, mais se heurte au refus du prêtre.
Destins croisés, à première vue sans liens entre eux. Pourtant la colombe, les champs de mines et le conflit toujours présent, le prêtre, l’enfant berger, le soldat, tous ces personnages vont engendrer une logique de fatalité provoquée par la loi des dominos.

Quant au dénouement, impossible de vous en dire un mot car toute la construction du film tient à cet enchaînement de destins croisés pour une fin surprenante.

La réalisation est de Laurent Firode, conteur de ce récit éclaté, et la production est signée par les mutins de Pangée.

Bref une belle histoire, une comédienne et des comédiens magnifiques… Un film comme on les aime.

Un conte moderne ? C’est la première question posée à Laurent Firode lors de notre rencontre durant le Festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier, le 27 octobre dernier.

Féminicides et impunité. Le cas de Cuidad Juàrez

de Marie France Labrecque (écosociété)

Après le livre enquête de Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal publié en 2005, La ville qui tue les femmes. Enquête à Cuidad Juarez et le film, Les Oubliées de Juarez (Bordertown), réalisé par Gregory Nava en 2007, interprété par Jennifer Lopez, Antonio Banderas et Martin Sheen, le livre de Marie France Labrecque mène une analyse profonde et large sur les raisons de ce « féminicide ».

Dans Féminicides et impunité. Le cas de Cuidad Juarez, Marie France Labrecque base sa recherche sur des textes et des témoignages. Elle apporte une réflexion approfondie et un éclairage autre qu’évènementiel de la situation en explorant diverses hypothèses, de même que les enjeux politiques, nationalistes sur fond d’intérêts des cartels de la drogue et de la police locale.

Comme l’écrit Diane Lamoureux dans sa préface de l’essai de Marie France Labrecque, Féminicides et impunité. Le cas de Cuidad Juarez :

« On ne saurait trop insister sur le lien entre la violence socioéconomique et la violence sexuelle et sexuée. De la même façon que l’évolution récente de l’économie tend à anthropomorphiser le marché (puisqu’il a ses humeurs, ses volontés) et à réifier les travailleurs et les travailleuses qui deviennent, comme les vieilles chaussettes sales, redondants et superflus, la violence sexuelle et sexuée, surtout à l’échelle de Juarez, tend à transformer les femmes en victimes anonymes, en mortes qui, même vivantes, ne méritaient pas le respect et qu’on peut impunément abandonner sur les terrains vagues. Et celles qui les défendent, qui cherchent à leur redonner leur humanité, doivent aussi mourir pour que le crime soit parfait et ne soit même plus considéré comme un crime. »

On comprend mieux alors comment le trafic, la déshumanisation, l’exploitation des femmes dans les usines frontalières, la prostitution et les assassinats des femmes perdurent en toute impunité avec la complicité directe ou indirecte des autorités policières et politiques.

« La domination et la prégnance du pouvoir masculin, d’une part, et la subordination des femmes qui caractérisaient le patriarcat classique, d’autre part, sont toujours présentes. Elles le sont, mais sous des formes et à des degrés divers. Il importe donc de rendre compte de la diversité des structures patriarcales, de leurs manifestations et de leurs effets. Il importe surtout de montrer et d’analyser la façon dont ces structures se croisent avec un ensemble de hiérarchies telles que l’âge, la race, la sexualité, la religion, l’histoire, la nationalité, hiérarchies qui contribuent à configurer le genre.

[…] Dans toute société, on se fait une idée de ce qu’est le genre et de ce que sont les rapports entre le masculin et le féminin, que ce soit dans les domaines économique, politique, culturel ou autres. Cette idée se forme à partir d’une série de faits qui finissent par être connectés les uns aux autres et s’organiser en des modèles plus larges. L’ordre de genre d’une société correspond donc à ces modèles issus de processus enracinés dans les pratiques sociales à travers le temps. Ainsi, les ordres modernes de genre se sont formés à l’intersection de processus d’industrialisation, d’urbanisation et de globalisation. L’ordre de genre dans une société se concrétise dans les régimes de genre des différentes institutions telles que l’armée, l’État, les corporations, l’école, le marché, les cours de justice… En d’autres termes ces institutions, dont l’État et les corporations qui nous intéressent plus spécifiquement ici, sont “genrées”.
Non seulement sont-elles genrées, mais elles sont aussi patriarcales.
 »
Il faut rappeler que « ce n’est que dernièrement que des organisations de femmes et de droits humains ont réussi à changer une loi de l’État de Chihuahua qui punissait plus sévèrement le vol d’une vache que le viol d’une femme ! »

« Au-delà des nouvelles formes que revêt la violence au Mexique, la question fondamentale demeure celle de l’impunité tolérée, voire entretenue par l’État. Ainsi l’impunité dont bénéficie le crime organisé a des effets qui s’insinuent sur d’autres plans et qui finissent par donner l’impression que la vie humaine a peu de valeur. Dans un contexte patriarcal comme celui du Mexique, et particulièrement à Ciudad Juàrez, les femmes sont assassinées parce qu’elles sont des femmes, on ne le répétera jamais assez, mais aussi parce qu’elles sont des femmes de condition modeste dans un monde où, si on n’a pas de moyens matériels, on est moins que rien. »

« Il est difficile de conclure sur les féminicides de Ciudad Juàrez, car la violence y fait rage plus que jamais. Les meurtres liés au crime organisé et à la présence militaire sont en augmentation constante depuis 2008. Et les féminicides le sont également, mais dans ce contexte de “narcoviolence”, leur caractère particulier tend à être occulté. Plus que jamais, il importe de continuer à les dénoncer et à réclamer la fin de l’impunité. »

Frasiak, nouvel album : Chroniques.

Frasiak traîne… avec ses chansons, ses coups de gueule, ses rengaines… Il est comme ça Frasiak, il traîne partout, il regarde, il écrit, il chante, histoire de jeter par-ci par-là des petites graines d’ananar… Ben oui, il traîne, c’est lui qui le dit et ça donne de bien jolies chansons, des refrains qu’on a envie de chanter avec lui, le Bluesman de Bar-le-Duc…

C’est vrai qu’tu traînes, Frasiak, tout près et très loin, mais toujours avec des mélodies, des paroles qui touchent, qui réveillent, « des couplets infinis de ce monde à explorer » qui donnent envie de te rencontrer, de t’écouter, de te connaître… Chroniques de la vie, du coin de la rue, chroniques de l’autre…

Chroniques, voyages, petites touches d’émotions, de musiques, découvertes… Chroniques de Frasiak…