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Les Chevaux de dieu, film de Nabil Ayouch. Je vous ai compris, film de Frank Chiche et Rengaine, film de Rachid Djaïdani.
Samedi 17 novembre 2012
Article mis en ligne le 19 novembre 2012
dernière modification le 8 décembre 2012

par CP

Les Chevaux de dieu

Film de Nabil Ayouch

Je vous ai compris

Film de Frank Chiche

Rengaine

Film de Rachid Djaïdani

Les Chevaux de dieu

Le film de Nabil Ayouch sera sur les écrans le 30 janvier 2013

L’année dernière, Nabil Ayouch présentait au festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier un film documentaire très intéressant, My land, dialogue initié par le réalisateur entre des Israéliens et des Israéliennes, d’une part, et des exilé-es palestiniens et palestiniennes du Liban, d’autre part.

Sujet complexe qui traitait de l’occupation israélienne, de la spoliation des terres palestiniennes en 1948 et en 1967, du déni de l’État israélien de
cette spoliation par le détour de décrets militaires, de sa propagande, enfin
de l’exil et de l’absence de droits de la population palestinienne dans les
camps de réfugié-es au Liban. Le titre du film documentaire, My land (Ma terre — Mon pays), résumait bien les sentiments des individus rencontrés par le réalisateur, des individus pris dans la grande histoire qui racontent à l’écran leur histoire personnelle, leur perception de la situation et leur ressenti.

Cette année, c’est un nouveau film, de fiction que Nabil Ayouch propose,
Les Chevaux de dieu, avec une démarche qui présente des similitudes
avec son précédent film, au plan du récit des personnages et de leur histoire vécue, celle-ci étant ancrée dans la grande histoire puisque le film se déroule sur une période qui va de la fin du règne de Hassan II jusqu’en 2003.

La démarche de Nabil Ayouch est non seulement d’analyser les faits, mais surtout de suivre le parcours de jeunes Marocains des bidonvilles, depuis leur adolescence jusqu’au sacrifice aussi absurde qu’injuste de leur vie, et de donner enfin à ces jeunes une parole qui leur est en général confisquée.

Quels sont les facteurs qui poussent ces jeunes gens à commettre des attentats ? Quel est le cheminement de ces adolescents « comme les
autres » les amenant à accomplir ce type d’action ? Que représentent les attentats dans leur imaginaire ? Quel rôle joue l’islamisme radical dans les bidonvilles ? Mais l’on peut aussi poser la question sur la proximité des bidonvilles, et de leur pauvreté, jouxtant la richesse d’une ville comme Casablanca : quel en est l’impact sur la prise de conscience des différences
de classes et de l’injustice sociale de ceux et celles qui vivent dans les bidonvilles ? La résignation ne résulte pas toujours de cette prise de conscience. Les attentats de 2003, commandités par des groupes
islamistes, à l’intérieur de ces poches d’ignorance et de misère sociale,
ne sont-ils pas l’expression d’une prise de conscience et d’une soif de reconnaissance de ces jeunes ?

La Désintégration de Philippe Faucon traitait du même sujet et le film partait également de la même réflexion : l’analyse des motivations des jeunes des banlieues qui, après avoir perdu tout espoir dans la société actuelle, étaient manipulés par des groupes islamistes et s’imaginaient djihadistes. Ces jeunes gens sont de véritables proies pour des idéologues habiles qui visent à prendre le pouvoir en se servant de la terreur et au nom d’une religion qu’ils assurent rénovée, « purifiée » et glorifiante.

Les Chevaux de dieu de Nabil Ayouch ajoute le contexte historique d’un pays et la perspective évolutive d’une société qui ignore encore ses laissés pour compte.

Les Chevaux de dieu de Nabil Ayouch a été sélectionné et projeté dans la catégorie Un Certain regard au dernier festival de Cannes. Il est adapté du roman de Mahi Binebine, Les Étoiles de Sidi Moumen. Dans un entretien du 28 octobre à Montpellier, lors du festival international du cinéma méditerranéen, Nabil Ayouch explique comment s’est faite sa rencontre avec le roman.

Autre entretien le 28 octobre 2012, cette fois avec Frank Chiche, réalisateur du film Je vous ai compris.

Je vous ai compris

Le film de Frank Chiche sera diffusé sur ARTE le 31 janvier 2013

Fin de la guerre d’Algérie, cette guerre sans nom que l’on qualifiait d’événements et où les jeunes appelés au service militaire étaient
envoyés faire une guerre à la guérilla pour l’indépendance algérienne.
Trois années de service militaire…

Dans Je vous ai compris — titre du film et phrase ambiguë du discours du général De Gaulle à Alger —, Frank Chiche choisit de prendre une distance avec l’histoire, de ne pas tenter une reconstitution, mais plutôt une recomposition d’histoires vécues dans une période douloureuse de fin de guerre, d’exil et d’immenses frustrations. D’où le parti prix de la BD afin de permettre la restitution des décors du début des années 1960, qu’il s’agisse de la ville d’Alger ou des domaines de colons dans le bled. Le film prend alors une dimension de réalité qu’il aurait été difficile de rendre sans l’apport du dessin, ou plutôt des personnages redessinés. Le travail d’animation est troublant, au premier regard, par son aspect à la limite du jeu vidéo.

Les personnages se croisent, pris dans la nasse du conflit, bien malgré eux et ne comprenant plus, parfois, ce qui se passe. Il y a Zitoun, le jeune soldat, son père militant de gauche, sa sœur Sarah, Thomas Kirchner, le jeune photographe de l’Écho d’Alger attiré par l’OAS, ses parents qui sont propriétaires d’un domaine dont Brahim (Mohamed Fellag) est le contremaître, sa fille, Malika, engagée dans la libération du pays, son ami Ali qui fait partie du FLN…

Le film se situe en 1961, pendant une semaine particulière, celle du putsch des généraux : « Alger retient son souffle » !

Dans le bled, des soldats patrouillent, même plan que dans le film de René Vautier, Avoir 20 ans dans les Aurès. Même phénomène aussi de comment on bascule dans le plaisir de tuer, malgré des convictions sur l’absurdité de cette guerre. Le goût du sang dans la bouche…

« Alger retient son souffle » tandis que la métropole met du temps à réagir, l’OAS prend la direction des opérations et se targue d’écraser toute velléité d’indépendance algérienne.

Algérie française ! Algérie française !

Le souvenir du slogan n’est pas si lointain. Certains et certaines vont y croire, les violences vont s’amplifier… auxquelles le FLN répondra. C’est l’engrenage… Une question demeure cependant : cette semaine particulière et les violences ont-elles joué un rôle dans la mise en place des Accords d’Évian ?

Rengaine

Un conte de Rachid Djaïdani, sur les écrans depuis le 14 novembre 2012.

Rachid Djaïdani, ce fut une belle rencontre au cours du festival du cinéma méditerranéen, un peu à l’arrach’ cette rencontre, comme son film, mais l’on s’est dit que le hasard faisait bien les choses et qu’un entretien impromptu valait bien le jeu habituel des questions réponses, histoire de ne pas enfermer Rachid Djaïdani dans un schéma pour le laisser jouer avec les mots et les images.

Rachid, il raconte, il joue, il explique, revient sur une idée, un flash, un sourire… Lui, ce qu’il veut c’est donner envie aux autres de s’exprimer, de sortir du carcan… Il ne veut pas la belle image — pas question de filmer des bonbons —, il cherche l’image vraie, vivante, tourmentée, éclatée, subversive pour donner sa perception du Paris qu’il connaît comme sa poche…

La vie devient alors poétique si on la regarde avec des yeux grands ouverts. Rengaine est un conte des mille et un jours, des mille et une nuits de Rachid et de ses potes, de ses amours, du refus de se laisser enfermer dans les codes et les images convenues… Alors…