Chroniques rebelles
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Love in the Medina, film de Abdelhaï Laraki et Spleen & Alegria, création théâtrale de Monique Surel et Nicolas Mourer
Samedi 8 décembre 2012
Article mis en ligne le 10 décembre 2012
dernière modification le 7 décembre 2012

par CP

CINEMED :

Love in the Medina

Film de Abdelhaï Laraki

Et Théâtre :

Spleen & Alegria

Création théâtrale de Monique Surel et Nicolas Mourer

Arrivée de Spleen qui chantonne avec son MP3 sur les oreilles, il erre sur scène puis s’installe sur le même banc qu’Alegria. Il porte des chaussettes dépareillées.

Love in the Medina

Film de Abdelhaï Laraki

Love in the Medina d’Abdelhaï Laraki… Évidemment l’on songe immédiatement à un érotisme oriental alors que le film va bien au-delà de l’impression suscitée par le titre. En effet, dans Love in the Medina il s’agit plutôt de sexualité, de tabou, de société et finalement de comment s’en délivrer pour exprimer un sentiment, une passion partagée entre deux personnes.

Très belles images d’Abdelhaï Laraki qui filme le désir d’un jeune homme soumis à des codes familiaux, décrits d’ailleurs avec finesse, et, très important car très rare, le désir au féminin.

Finie l’image des femmes séductrices uniquement pour le plaisir des hommes. Dans Love in the Medina, les femmes ne sont plus objets, mais sujets et bravent les interdits d’une société qui leur impose un comportement et des règles à suivre. La sexualité, on le sait, c’est l’intime et, dans ce film, l’intime est rébellion.

Il est en général toujours difficile d’expliquer l’importance du toucher, des regards et des rapports de séduction, ça l’est encore plus dans l’approche d’une autre culture. C’est certainement le cas en ce qui concerne les perceptions entre les deux rives méditerranéennes, les codes diffèrent, leur traduction débouche souvent sur le malentendu et les clichés. Cela se complique encore quand il y a transgression, détournement ou marginalité.

Dans cette perspective, le film de Laraki devient une sorte de découverte de l’autre, c’est une jolie démonstration de la séduction qui ne se limite pas à la relation amoureuse, mais s’ouvre à d’autres horizons comme celui de la nourriture. La chair et la viande, l’étreinte et la beauté des légumes, le baiser et la dégustation d’une tomate… Un érotisme généralisé qui passe par tous les sens avec poésie, pudeur et jouissance.

En présentant Love in the Medina au 34ème festival international du cinéma méditerranéen, Jean-François Bourgeot déclarait « vous ne mangerez plus les tomates de la même manière après ce film. » C’est certain.

Chaque détail reste en tête, autant la découverte du plaisir que la beauté des gestes simples, la pudeur des corps, l’intérieur des maisons, le détournement des règles, la complicité entre les personnes et, bien sûr, l’humour, l’humour marocain, vif et qui-ne-s’en-laisse-pas-conter.

Que dire encore, sinon l’espoir de voir Love in the Medina d’Abdelhaï Laraki sur les écrans…

Entretien du 31 octobre 2012.

Théâtre :

Spleen & Alegria

Création théâtrale de Monique Surel et Nicolas Mourer

La scène se déroule dans un jardin sur un banc public.
Entrée d’Alegria. Elle s’installe et sort un livre : Illusions perdues de Balzac.

Rencontre improbable sur un banc : extrait.

Alegria : Et lui, c’est un homme très classe, chic, un rien négligé…

Spleen : Ca s’appelle un bobo, un mec qu’a un loft super stylé dans le 11ème arrondissement de Paris avec des gosses aux prénoms délirants : Attila, Cassius, Shalom, Lili-Rose et j’en passe.

Alegria : Je ne vois pas bien ce que vous appelez un « bobo ».

Spleen : Ok. Je vais vous décrire la journée type d’un bobo, ça vous donnera une idée.

11h, le bobo se réveille, il a faim et va de ce pas se centrifuger quelques fruits de saison avec un peu de lait de soja. Trois tartines de pain complet et un thé vert. Ensuite, il va se prélasser dans sa baignoire… Oh pardon ! Le bobo écolo ne prend pas de bain, il prend des douches ! Puis il enfile son uniforme : jean usé, pull en V sur chemise parfaite, veste en cuir élimé, enfourche son scooter et part barbe et cheveux au vent.

12h30, le bobo retrouve ses amis…

Alegria : Mais ils ne déjeunent pas le midi ?

Spleen : Ben non, un bobo, ça déjeune pas, ça brunche…Et ça cherche machinalement une clope dans le revers de sa veste. Ah mais il est con : ça fait un mois qu’il ne fume plus ! Parce qu’on ne peut plus fumer dans les bars et parce que tous ses potes ont arrêté.

13h30, « si on se faisait une petite expo les gars ? » « Attends, c’’est trop con, il fait juste hyper beau et je crois qu’il y a une brocante à Arts et Métiers, viens, ça va être fun ! »

Alegria : Et ils ne travaillent pas ces gens ?

Spleen : Si, ils travaillent quand ça leur convient.

14h30, les bobos s’extasient devant les antiquités. Olivier aide Sylvain qui galère à porter sa lampe fleur vintage des années 70. Trop contents de leurs achats, ils décident de faire une pause. Seule Cathy est un peu triste : ses chaises qu’elle a payées 2000 euros sont en fait de vulgaires imitations. Et Sylvain qui raconte : « J’ai un copain, c’est un concepteur designer interactif, il sort son chien tous les jours. L’autre jour il me dit : mon chien pisse sur des mini-répliques de la Tour Eiffel. J’ai besoin de savoir ce que pense le chien de ce qu’il vient de faire. Quelle est sa tendance politique. Vient-il de pisser sur le symbole Tour Eiffel dressé à l’image d’une des plus grandes puissances mondiales, ou au contraire a-t-il voulu niquer la marchandise de l’Africain, lui foutre le moral à zéro pour qu’il retourne dans son putain de pays ? »

20h, il dîne dans le meilleur traiteur végétarien du quartier pendant que Juliette vante les mérites des bains de boue en Lettonie.

22h, les bobos filent vers une fête d’appartement pour se mettre en jambes.
De minuit jusqu’à 5 heures du mat’, ils bougent au Moon Bar, saluent le videur, dansent sur Haddaway, lancent une chenille. Ils refusent de la coke mais se mettent une race au champagne. Pierre refume.

Le lendemain à 13h, la bande se retrouve au marché d’Aligre pour manger des huîtres, adossés à des poubelles, en riant avec les clodos du coin.

Alegria : Ils m’ont l’air de sacrés lascars vos bobos !