Chroniques rebelles
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Samedi 27 avril 2013
Le syndrome de Babylone. Géofictions de l’apocalypse, Alain Musset (Armand Colin)
Alain Musset (Armand Colin)
Article mis en ligne le 28 avril 2013
dernière modification le 3 juin 2013

par CP

Le Syndrome de Babylone

Géofictions de l’apocalypse

Alain Musset (Armand Colin)

Avec Alain Musset et Jean-Pierre Garnier

La théorie du chaos n’a sans doute pas fini de fasciner l’humanité. Et la kyrielle de fins prophétisées du monde témoigne de l’imagination débordante déployée autant dans les médias que dans la littérature, le cinéma et, depuis quelques décennies déjà, dans les jeux vidéo. Les pronostics de catastrophes planétaires occupent largement les esprits et l’on en vient à se poser des questions sur les mécanismes des annonces d’apocalypse présentée en général et plus ou moins clairement comme une punition divine. Pour preuves lointaines et mythiques, l’Atlantide punie par Zeus du haut de son Olympe et engloutie dans les flots, Sodome et Gomorrhe sombrant dans les flammes, ou encore la tour de Babel d’après le Déluge…

Fin 2012, le monde aurait encore échappé à une fin certaine, une autre
de ces apocalypses prévues avec tant de précision et d’insistance que c’en
est finalement troublant. Non par la réalité de la menace et de sa proche échéance, mais par la récurrence des prédictions et leur impact, avec évidemment des variantes concernant le processus final de destruction de l’humanité.

Sodome et Gomorrhe, Babylone… À remarquer qu’il s’agit souvent de villes, ou plutôt de mégapoles qui symbolisent les vices, la décadence, bref l’enfer…
On comprendra que pour des anarchistes, l’explication de la punition divine et son recours à la purification, c’est peu crédible. En revanche les dangers de la pollution, du nucléaire, des déchets toxiques, ça on comprend très bien et l’on se bat aussi contre.

Le syndrome de Babylone. Géofictions de l’apocalypse éveille certainement la curiosité. L’essai recense d’innombrables fins imaginées du monde — je dirais tout support : textes bibliques, mythes divers, livres, films, bandes dessinées, jeux vidéo — et offre « des clefs inattendues et insolites afin de comprendre notre vision pessimiste d’un monde qui semble n’avoir été créé que pour mourir, ainsi que les outils pour lire ou regarder les œuvres de science-fiction dans une perspective véritablement sociologique ». Car, comme l’écrit Alain Musset, «  si l’apocalypse est un fantasme, la société qui l’invente pour se faire peur est bien réelle et chaque fin du monde est le reflet de son époque. » Et d’ajouter à propos de ces Géofictions de l’apocalypse : « Je m’intéresse à l’inscription spatiale des faits sociaux et aux relations ambiguës qui s’établissent entre les lieux physiques, les représentations sociales et les imaginaires. »

Tout un programme. Nous parlerons donc de capitalisme, de pollution, d’écosystème, de nucléaire, d’apprentis sorciers, de surconsommation, de pandémies, de nouveaux déluges et autres dangers bien réels et sans aucune relation avec une croyance quelconque, sinon avec celle du dieu dollar !

Mais plus essentiel encore, on peut aussi s’interroger sur l’après de la catastrophe, après réduction à néant des structures politiques et morales, des bornes qui servent de « cadre normatif » aux sociétés. Cette situation de chaos génère, par exemple dans la littérature de SF, une réflexion sur « un certain nombre de problèmes que posent pour nos sociétés modernes le rôle ambigu de l’État, la légitimité de la violence, les faiblesses du système démocratique, les valeurs de l’individualisme ou le pouvoir symbolique que s’arrogent des communautés antagoniques au nom de leur identité collective. »

Au fait, qui a dit que la science-fiction n’était finalement que du divertissement et n’engendrait aucune réflexion ?