Chroniques rebelles
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Samedi 11 mai 2013
Démocratie, histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France
Francis Dupuis-Déri (Lux)
Article mis en ligne le 12 mai 2013
dernière modification le 9 février 2015

par CP

Le mot « démocratie » est si populaire que toutes les forces politiques s’en réclament. Quelle surprise, alors, de constater que les « pères fondateurs » des « démocraties modernes » associaient cette idée au chaos, à la violence et à la tyrannie des pauvres ! Comment expliquer un tel revirement de sens ?

En plongeant dans les discours du passé aux États-Unis et en France, l’auteur dévoile une étonnante aventure politique, où s’affrontent des personnalités et des forces sociales qui cherchent à contrôler les institutions des régimes fondés à la fin du XVIIIe siècle.

Deux siècles plus tard, alors que la planète entière semble penser que « démocratie » (le pouvoir du peuple) est synonyme de « régime électoral » (la délégation du pouvoir à un petit groupe de gouvernants), toute expérience d’un véritable pouvoir populaire (délibérations collectives sur les affaires communes) se heurte toujours au mépris des élites.

Démocratie… Terme séduisant si l’on s’arrête à la signification première du pouvoir au peuple, mais son emploi est bien éloigné du sens des origines. Néanmoins, la démocratie n’en reste pas moins présentée depuis deux siècles comme l’exemple presque idéal de gouvernance, du moins comme la seule alternative à la dictature et au chaos… Bref au choix : démocratie, dans ses versions contemporaines, ou totalitarisme.

Encore faut-il savoir ce qui s’attache à cette « démocratie » vantée par les politiques comme la panacée des régimes et la seule pratique politique possible pour le bien des populations. Dans les discours politiques, les médias, les articles, se sont multipliés divers qualificatifs, adjoints au mot exemplaire : démocratie participative, démocratie libérale, démocratie parlementaire, démocratie autoritaire, démocratie policière et j’en passe, des plus contradictoires et ironiquement cocasses…

Gare aux mots sans définition, écrivait Auguste Blanqui en 1851 à un ami, et de poursuivre : « Qu’est-ce donc qu’un démocrate, je vous prie ? C’est là un mot vague, banal, sans acceptation précise, un mot en caoutchouc. Quelle opinion ne parviendrait pas à se loger sous cette enseigne ? »

Pas question évidemment de démocratie directe puisque, dans ce cas de figure, la crainte des élites de perdre leurs privilèges deviendrait réalité, étant en minorité : 99 % contre 1 % comme l’ont souligné les mouvements Occupy. Donc, pour s’octroyer le pouvoir et faire avaler les manipulations diverses,
il est nécessaire de désamorcer le « pouvoir du peuple » en le maquillant à l’aide de quelques nuances verbales. Au final, le sens initial du terme « démocratie » est parfaitement coopté et récupéré par les élites dont le but est le pouvoir et le contrôle des institutions… démocratiques !

Dans son essai, Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis
et en France
, Francis Dupuis-Déri s’applique à un travail précis
d’interprétation politique afin de « restituer le sens qu’ont eu le mot “démocratie” et ses dérivés à des moments importants de l’histoire,
et surtout de dégager les motivations des actrices et des acteurs
politiques à l’utiliser — ou non — pour servir leurs intérêts au gré des luttes politiques.
 » Et cela à travers des « pamphlets, manifestes, déclarations publiques, articles de journaux, lettres personnelles, poèmes et chansons populaires »… Un travail minutieux qui remonte aux origines du mot démocratie afin d’en tracer l’évolution, d’en démêler les utilisations et les enjeux, histoire de ne pas tomber encore dans les panneaux de la propagande et de la mauvaise foi.

De ce point de vue, Démocratie. Histoire politique d’un mot de Francis Dupuis-Déri regorge de citations savoureuses, par exemple celle de Charles 1er d’Angleterre : « Pour le peuple, je désire réellement son indépendance et sa liberté autant que quiconque. Mais je dois vous dire que cette indépendance et cette liberté consistent à avoir un gouvernement […]. Elles ne consistent pas à avoir une part dans le gouvernement. » On ne peut être plus clair.

Plus de trois siècles plus tard, la notion de pouvoir au peuple semble avoir quelque peu stagné. Pour preuve, la description de Castoriadis à propos du leurre de la démocratie représentative : « Quel est ce mystère théologique, cette opération alchimique, faisant que votre souveraineté, un dimanche tous les cinq ou sept ans, devient un fluide qui parcourt tout le pays, traverse les urnes et en ressort le soir sur les écrans de télévision avec le visage des “représentants du peuple” ou du Représentant du peuple, le monarque intitulé “président” ? »

Au fait, c’est quoi la différence entre démocratie directe et anarchie ? Nous y reviendrons, mais après la lecture de ton livre Francis, j’ai très envie de conclure cette présentation par : ni maître, ni dieu, ni élite, ni globalisation capitaliste !

Autres ouvrages de Francis Dupuis-Déri :

Les Black Blocs

La liberté et l’égalité se manifestent

« Le Black Bloc est mort », déclaraient des anarchistes en 2003. Mais loin des projecteurs, des Black Blocs participent encore à des manifestations et entrent en action pour critiquer et contrecarrer les dominants de ce monde.

Cagoulés, vêtus de noir et s’attaquant avec force aux symboles du capitalisme, les Black Blocs ont été transformés en phénomène médiatique de l’altermondialisme. Cette renommée, associée à l’image du casseur, cache une réalité complexe, intéressante pour qui ose faire l’effort de mieux comprendre l’origine de ce phénomène, sa dynamique et ses objectifs. Car l’utilisation de la violence s’inscrit toujours dans un rapport de force, dans un contexte éthique et stratégique, et ne se résume pas seulement à des jets de pierre dans les manifestations de rue.

Retour sur un attentat antiféministe
École Polytechnique de Montréal, 6 décembre 1989

sous la direction de Mélissa Blais, Francis Dupuis-Déri, Lyne Kurtzman et Dominique Payette

Cet ouvrage présente quelques-unes des communications prononcées en décembre 2009 à Montréal lors du colloque international La tuerie de l’École Polytechnique 20 ans plus tard : Les violences masculines contre les femmes et les féministes.

Ces textes proposent des réflexions sur le sens politique de cet attentat, ses représentations dans les médias et dans la culture, ainsi que sur ses liens avec l’antiféminisme du passé et d’aujourd’hui. Un chapitre est également consacré aux pistes de réflexion élaborées par des groupes de femmes d’ici et d’ailleurs, qui aspirent à contrer l’antiféminisme et les violences faites aux femmes.

Dans la foulée des événements commémoratifs organisés sous la bannière Se souvenir pour agir, cet ouvrage et le film DVD qui l’accompagne offrent des traces de cette mobilisation sans précédent. Y sont rappelés le rassemblement public du 6 décembre 2009 auquel ont pris part plus de 1 000 personnes, l’exposition des Guerrilla Girls ainsi que l’exposition thématique Parler ou se taire ?, et l’événement Bleu silence qui réunissait Pol Pelletier, le duo Lambert-Chan et Sylvie Tremblay.



Ce livre regroupe les textes de Mélissa Blais, Mélanie Boucher, Yanick Dulong, Micheline Dumont, Francis Dupuis-Déri, Lyne Kurtzman, Diane Lamoureux, Florence Montreynaud, Dominique Payette, Francine Pelletier, Julianne Pidduck, Richard Poulin, Judy Rebick, Sandrine Ricci et Gilbert Turp.

Le Mouvement masculiniste au Québec


l’antiféminisme démasqué

sous la direction Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri

Depuis quelques années, l’idée que les hommes vont mal gagne des adeptes. Cette prétendue crise de la masculinité aurait une cause : les femmes, et surtout les féministes, qui domineraient la société québécoise. Des partisans
de la « cause des hommes » grimpent sur des ponts pour y déployer des banderoles, lancent des poursuites judiciaires contre des féministes, prennent la parole en commissions parlementaires, publient des livres et multiplient les sites Internet qui attaquent le féminisme.

Certains militants vont même jusqu’à harceler les groupes de femmes.
Le présent ouvrage est le premier à documenter le mouvement masculiniste québécois et à démontrer qu’il nuit à l’atteinte de l’égalité entre les
hommes et les femmes. Car, malgré le discours largement répandu de « l’égalité-déjà-là », et celui plus agressif du « féminisme-qui-est-allé-trop-loin », force est de constater que le patriarcat est encore bien vivant, même s’il est vrai que les féministes ont fait des avancées importantes, au prix de longues luttes.

Des textes de Janik Bastien Charlebois, Mélissa Blais, Louise Brossard, Francis Dupuis-Déri, Karine Foucault, Mathieu Jobin, Diane Lamoureux, Ève-Marie Lampron, Josianne Lavoie, Émilie St-Pierre et Marie-Ève Surprenant.