Chroniques rebelles
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Samedi 5 octobre 2013
Le capitalisme ne joue pas aux dés
Christian Cauvin (Le bord de l’eau)
Article mis en ligne le 5 octobre 2013
dernière modification le 26 novembre 2013

par CP

Le capitalisme ne joue pas aux dés

Comprendre le capitalisme financier pour s’en sortir

Christian Cauvin (Le bord de l’eau)

Les sociétés démocratiques ont développé un système économique, le capitalisme, qui après une phase commerciale et une phase industrielle, atteint aujourd’hui une phase financière. La mécanique de ce capitalisme structure l’ensemble de la vie sociale à travers les sphères économiques, médiatiques, politiques et culturelles.

Le capitalisme financier, c’est la logique de la rente accumulée grâce à la place éminente donnée à la dette. C’est la logique actionnariale qui engendre la concentration sans limite des revenus et des patrimoines. C’est la mythologie de la croissance (pour tenter d’éviter la question du partage de la richesse) et d’une consommation toujours renouvelée des biens et des services. C’est, corrélativement, un ensemble d’outils, en apparence étranges, en réalité parfaitement adaptés et cohérents par rapport à leurs finalités, tels que la titrisation, les stock-options, les bons de souscription d’obligations (BSO), les produits dérivés, les agences de notation, les normes comptables... Le capitalisme financier, c’est aujourd’hui un réseau dense constitué de participations dans le capital de sociétés mondiales. Ces participations sont multiples, croisées, sous le contrôle d’un nombre infime d’acteurs, à peine quelques centaines. L’économie mondiale est ainsi devenue un immense portefeuille d’actifs financiers aux mains des gestionnaires de fonds et des marchés financiers.

Le capitalisme ne joue pas aux dés. Comprendre le capitalisme financier
pour s’en sortir
… À première vue, on se dit, c’est un bouquin sur l’économie, pour les spécialistes et on ne va rien comprendre ; puis au deuxième coup d’œil, on change d’avis… Et cela pour plusieurs raisons, tout d’abord parce que Christian Cauvin fait œuvre de pédagogue et de passeur. Ensuite, et surtout, parce que la consommation est devenue l’aune à laquelle on mesure la vie d’une personne — on le constate un peu partout —, et qu’il est préférable d’examiner le phénomène, dominé par le tout économique, pour en comprendre les mécanismes. L’idée de «  life Time value », autrement
dit la valeur d’un temps de vie à consommer, érigée en critère, éclaire sur
le peu de cas fait de la vie humaine en général, et particulièrement dans les pays pauvres. En effet, les pouvoirs dirigeants, économiques et politiques, ne s’encombrent guère d’états d’âme lors des guerres, des massacres, des catastrophes naturelles ou bien des famines… en ce qui concerne les êtres humains dont la consommation est dérisoire. Le cynisme est banalisé et le profit prime sur tout.

Auparavant, il y avait la religion pour contrôler et faire rêver les pauvres d’un monde meilleur, dans un au-delà hypothétique, peuplé d’anges, de houris dans un jardin d’Eden. À présent, changement de décor ! C’est la consommation, la pub et ses grand’ messes avec les marques, et le fanatisme. Le monde est peuplé d’humains considérés comme des clients et des clientes potentiel-les.
Comme le souligne Christian Cauvin, « Big Brother n’est plus de l’ordre de la fiction, le meilleur des mondes est atteint, Orwell et Huxley peuvent dormir tranquilles ou se retourner dans leur tombe… C’est selon. Ce qui reste proprement stupéfiant c’est qu’une telle assertion, une telle franchise, cette façon de “vendre la mèche”, ne provoque aucune réaction collective puissante dans une société sonnée, anesthésiée, découragée. Chair à canon hier, chair à consommation aujourd’hui. »

L’aliénation à la consommation est, pour une large partie de la population, une réussite impressionnante. Il est vrai qu’entre la consommation érigée en but ultime et le mythe adulé de la croissance, il est de plus en plus difficile de démêler les astuces de la propagande et de ne pas tomber dans le panneau de la « com » tous azimuts.

Dans Le capitalisme ne joue pas aux dés. Comprendre le capitalisme financier pour s’en sortir, Christian Cauvin déroule en quelque sorte des fils d’Ariane pour démonter les embrouilles, décrypter le système capitaliste et la démocratie en usage. La démocratie, autre mythe en puissance, est la plupart du temps présentée avec insistance, ou ferveur imbécile, comme le package incontournable et le remède pour éviter toute forme de fascisme ou de pouvoir totalitaire.

Observer les coulisses des pouvoirs, les enjeux véritables le plus souvent occultés, déceler les mécanismes de contrôle, comprendre les moyens de la propagande et ses processus, c’est tout cela que développe Christian Cauvin dans Le capitalisme ne joue pas aux dés. Et Comprendre le capitalisme financier pour s’en sortir, c’est également analyser l’aliénation dont chacun et chacune, à divers degrés, fait les frais. C’est un outil pour s’affranchir du bourrage de crâne habile et quotidien servi par la publicité, les médias de masse, les discours affirmés par une élite aux ordres…
Bref, c’est « s’affranchir de la soumission ».

Le capitalisme ne joue pas aux dés. Comprendre le capitalisme financier pour s’en sortir de Christian Cauvin souligne la recrudescence des moyens mis en place face à une résistance qui même si elle est active, demeure minoritaire. Or, si « La tentative de relancer l’activité, de vendre à tout prix des marchandises à des salariés en voie de paupérisation, avec un chômage croissant, [dans un contexte de] crise écologique majeure, [il faut s’attendre à la montée des tensions,] à un raidissement du capitalisme et à une remise en cause des libertés. » Et si « La démocratie permet l’émergence du capitalisme », en cas d’aggravation des tensions et de la crise, on peut imaginer que celles-ci justifie le recours à la répression brutale et ouvre la voie à un régime totalitaire, histoire de juguler la contestation et de sauver les meubles.

Don Quichotte ou le vertige de Sancho

d’après L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de Miguel de Cervantes

Adaptation, mise en scène, scénographie : Régis Hébette.

Avec Pascal Bernier, Marc Bertin, Fabrice Clément, Sylvain Dumont.

Mais d’abord un mot sur une pièce qui se joue actuellement et jusqu’au 19 octobre au théâtre L’Échangeur, à Bagnolet, Don Quichotte ou le vertige de Sancho. D’après L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantes dans une nouvelle traduction d’Aline Schulman.

La première partie de la pièce, c’est la rencontre de Don Quichotte et de Sancho soudain happé dans une quête qui le fascine. Sur scène, trois Don Quichotte dévoilant trois facettes d’un même personnage complexe qui oscille entre utopie, folie et résistance. Et un Sancho qui ne résiste pas moins à sa manière, avec un bon sens à toute épreuve. Son discours, souvent étonné, reflète la sagesse avec force proverbes que Don Quichotte réfute en disant que c’est une expression de la peur.

Cette nouvelle version du Don Quichotte de Cervantes est absolument captivante, d’abord grâce au texte — actualisé, proche, drôle et touchant —, par la mise en scène aussi, brillante, rythmée, et riche en trouvailles originales, enfin par le jeu des comédiens, littéralement possédés par leur personnage.
La mise en scène de Régis Hebette nous guide dans le processus d’élaboration théâtrale, démontant les « trucs » et les incluant dans le spectacle. On y croit… On rit pendant l’extraordinaire scène de cavalcade de Don Quichotte sur Rossinante — Une Rossinante dessinée sur un panneau de bois dont le galop est accompagné par une bande son concoctée en direct. On se demande si le fond sonore est une allusion à Monthy Python Sacré Graal, lorsque la chevauchée du roi Arthur est préfigurée par un bruit de noix de coco. On est ému-e par Don Quichotte qui tente de se surpasser en s’attaquant à des fantasmes…

Fantasmes ? Peut-être pas car l’attaque verbale et virulente de Don Quichotte s’en prend à l’hypocrisie et à l’allégeance, notamment à celle des chevaliers courtisans.

Un texte magnifique pour un voyage réel ou imaginaire, avec Don Quichotte qui transcende les êtres et les objets pour les relier à sa quête de la vérité et de la liberté.

Sur scène, face à un Sancho tour à tour bavard ou muet lorsqu’il est pris de vertige et ne s’exprime plus que par des mimiques, il y a trois Don Quichotte, un philosophe, un rêveur et un passionné… Et pour accompagner l’histoire épique, une bande son surprenante, réalisée sur des instruments improbables, jouée par les Don Quichotte devant un Sancho médusé et transporté dans un monde onirique. Le son tient un rôle important dans la pièce, donnant une résonance parfois mystique, parfois drôle, souvent décalée pour accentuer une impression d’irréalité ou d’hyper réalité.