Chroniques rebelles
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Samedi 8 février 2014
La Révolution défaite. Les groupements révolutionnaires parisiens face à la révolution espagnole
Daniel Aïache (Noir et rouge)
Article mis en ligne le 10 février 2014

par CP

On peut se poser la question sur la raison du nombre impressionnant de textes sur ou dérivant de la Révolution espagnole. La Commune peut-être a également inspiré « ce foisonnement romanesque » dont parle Daniel Aïache dans son introduction… Mais la Commune de 1871, même exemplaire, fut brève et ne dura que le temps des cerises, à l’image de l’embrasement de ce que les médias ont appelé le « printemps arabe ».

Au fait dit-on Révolution espagnole ou guerre civile espagnole ? Une histoire de vocable… certainement pas innocente et qui demande que l’on s’y attarde pour mieux comprendre et démêler les enjeux qui ont présidé à ces années exceptionnelles. Jamais sans doute une révolution n’aura été aussi proche de l’idée que l’on se fait de l’émancipation sociale, jamais l’imagination populaire n’aura développé une si extraordinaire créativité pour initier d’autres rapports sociaux, d’autres systèmes en écho à la soif d’utopie d’une population, et pour accompagner l’élan des libertés qui a jailli dans un contexte de fortes tensions sociales et politiques, face à la montée des fascismes.

Pour ma part, j’ai envie de dire la « Révolution espagnole », plutôt que d’utiliser le vocable généralement employé de « guerre civile », car cette dernière expression implique déjà un détournement du soulèvement populaire, une instrumentalisation de l’imaginaire et de l’espoir porté par la Révolution. Le titre de l’ouvrage d’Henri Paechter, La guerre dévore la Révolution (publié par les Amis de Spartacus), est clair à ce sujet.

Utiliser « guerre civile » pour cette période, c’est se préparer au déni de l’histoire officielle qui va hanter le pays pendant quatre décennies. Passer ainsi à la trappe « l’épisode révolutionnaire » engendre la mauvaise foi et la réécriture de l’histoire au profit des vainqueurs, des lâches et des opportunistes.

« Le récit et la nature de l’épisode révolutionnaire [écrit Daniel Aïache] sont le plus souvent recouverts par l’épopée guerrière, la vision du conflit comme une anticipation de la Seconde Guerre mondiale ou encore l’importance du combat antifasciste. Des aspects qui, presque automatiquement, effacent les notions de révolution et de défaite. »

Si « l’anarchisme a réellement conduit, en 1936, une révolution sociale et l’ébauche la plus avancée qui fut jamais d’un pouvoir prolétarien », selon Guy Debord — avis partagé par bien d’autres auteurs reconnaissant le caractère révolutionnaire de la Révolution espagnole de 1936 —, on ne s’étonnera donc pas du « foisonnement romanesque [inspiré par cette époque, qui] se retrouve dans un certain nombre de formes littéraires elles-mêmes porteuses de sens. Ainsi le modèle le plus souvent utilisé est celui de la quête ou de l’enquête ; la majeure partie de ces textes sont écrits à la première personne et mélangent le réel, le fictif et le vraisemblable. » Daniel Aïache, La Révolution défaite. Les groupements révolutionnaires parisiens face à la Révolution espagnole.

Une autre source de questionnements est la « neutralité » des nations non fascistes, et
en particulier la « non-intervention » de la France du Front populaire. Était-ce la crainte de
la « table rase » et d’une révolution réelle organisée par le peuple ? Toujours est-il que dans l’histoire de ces États, tous les gouvernements y sont allés de leur trahison justifiée alors que les fascistes, eux, ne s’encombraient guère d’hésitations, testaient leurs armements et s’entraînaient in situ sur les populations civiles espagnoles.

En France, du côté des révolutionnaires qui sont alors « de tous les combats et
consacrent toutes leurs énergies et, parfois, leurs vies à ce qui leur semble le dernier espoir
de Révolution
 », de leurs échanges et de leurs oppositions avec les révolutionnaires espagnols, on a sans doute encore beaucoup à apprendre [1]. Dans ce domaine, la recherche et l’analyse de Daniel Aïache dans son ouvrage, La Révolution défaite. Les groupements révolutionnaires parisiens face à la Révolution espagnole, s’attachent à comprendre le « passage d’une utopie révolutionnaire aux constructions idéologiques qui l’ont peu à peu recouverte. » C’est certainement le nœud du problème qui aujourd’hui est particulièrement intéressant.

« L’histoire s’est arrêté en 1936 » écrira George Orwell, cependant ajoute Daniel Aïache,
« il est peu probable que l’histoire se soit arrêtée, mais peut-être, plus simplement, l’histoire d’une certaine forme de révolution et de l’utopie qui l’accompagne. »



12 février 2014

La Propriété c’est plus le vol

D’Elio Pétri

est sur les écrans le 12 mars en copie restaurée

La Propriété c’est plus le vol, voilà un titre qui ne peut qu’éveiller la curiosité des libertaires.
Après l’Assassin, Les jours comptés, Enquête d’un citoyen au-dessus de tout soupçon, La Classe ouvrière va au paradis, et en attendant la sortie de La Dixième victime, voici La Propriété c’est plus le vol, qui est certainement l’un des films les plus caustiques d’Elio Petri. Un réquisitoire à couper le souffle sur l’aliénation au capitalisme et à la consommation.

Imaginez… Dans une banque qui ressemble à un temple, un employé allergique au fric qui compte les billets avec des gants et qui, finalement, se fait voleur parce que le vol, c’est l’équilibre d’une société… Par ailleurs, autre personnage, celui d’un boucher, nouveau riche (admirable Ugo Tognazzi), qui officie comme un prêtre au milieu de quartiers de bidoche qu’il découpe et empoigne en toute jouissance ; sans oublier le père (inégalable Salvo Randone) de Total — l’ex-employé de banque —, qui, après quelques hésitations et scrupules s’arrange tout à fait des larcins de son fils… Et vous avez là un magnifique brûlot et une démonstration effarante des effets sur le genre humain de la propriété et du capitalisme.

La propriété c’est plus le vol, ou la démolition du système capitaliste et de la morale bourgeoise par le récit cinématographique. Et dans ce domaine, Elio Petri est un orfèvre.

C’est «  une fable sinistre  » expliqua-t-il ; elle illustre bien que « d’un côté, on aime l’argent et de l’autre on le méprise ; c’est une situation très simple, très banale, un premier signe de la maladie dans le rapport avec l’argent. Par exemple, la tendance de l’univers bourgeois est d’aimer les femmes mais de les mépriser, de les utiliser comme instrument de plaisir, puis de les juger moralement comme des putains. » C’est l’attitude de «  l’homme produit par la civilisation capitaliste ». Belle définition qui ne fait pas de cadeau ! On ne s’étonne plus qu’Elio Petri soit encore aussi méconnu malgré les prix, les Oscars et autre palme d’or… Seule rétrospective de son œuvre à ce jour à ce jour : celle du Festival Cinemed de Montpellier en 2010.

La propriété c’est plus le vol d’Elio Petri, un film à ne pas manquer… C’est dans une seule salle à Paris, au Champollion, à partir du 12 février.

Vivement le DVD pour que tout le monde puisse le voir… En attendant le voir dans une salle, c’est superbe !